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NEW M AN (JOHN-HENRY), DANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE


pas mis dans le commerce. Cet ouvrage intitulé My campaign in Ireland, Part I (Ma campagne en Irlande, l re partie) a beaucoup de valeur pour tous ceux qui s’occupent d’éducation ; malheureusement on ne le trouve plus que dans les bibliothèques. La deuxième partie ne fut jamais imprimée, autrement elle eût sans doute contenu un document écrit par Newman en 1870 et intitulé Mémorandum about mij connection with the catholic university (Mémorandum sur mes rapports avec l’université catholique), document que Ward a largement utilisé. Sur les causes de l’insuccès de Newman, voir ici même, t. vi, col. 3403 ; ce qu’on trouvera en cet endroit est confirmé dans YUllalhorne de dom Butler (t. ii, p. 312). L’auteur cite le témoignage de son père qui fut professeur de mathématiques à Dublin sous les ordres de Newman. En 1858, YViseman et les évêques anglais demandèrent à Newman d’entreprendre une nouvelle traduction de la Bible en anglais. Newman se mit à l’œuvre avec ardeur ; mais il dut bientôt reconnaître qu’il n’avait à attendre aucun soutien, moral ou financier, de la part des évêques. Dès que l’affaire fut en train, Wiseman cessa d’y porter le moindre intérêt et ne prit même pas la peine de répondre à des lettres importantes qui y avaient trait. En conséquence le projet fut abandonné. Newman avait l’intention de mettre en tête de sa traduction, sous le titre Prolegomena, une introduction approfondie qui devait avoir un caractère apologétique ; il alla même jusqu’à en commencer une première rédaction ; mais on croit qu’il en détruisit le manuscrit.

5° L’affaire du Rambler. — Nous en aurons plus long à dire sur le Rambler et sur les rapports de Newman avec les directeurs de cette revue ; car ces rapports furent la cause indirecte de la défiance que, de longues années durant, on lui témoigna à Borne. L’orageuse histoire du Rambler a retenu l’attention de deux écrivains exceptionnellement qualifiés pour porter un jugement sur ce sujet, le cardinal Gasquet dans son introduction à Lord Aclon and his circle, et dom Butler dans son Ullathorne (t. i, p. 308 sq.). Le Rambler fondé le 1° janvier 1848 par J. M. Capes, un converti d’Oxford, passa dix ans plus tard, après diverses vicissitudes, entre les mains d’un autre converti d’Oxford, Bichard Simpson, et d’un élève de Dôllinger, John Dalberg Acton. A la suite de deux articles de janvier et février 1859, (The royal Commission on Education, p. 17-30, et The royal Commission and the « Tablel », p. 104-113), tous deux par S. N. Stokes, articles qui s’ajoutaient à d’autres motifs d’irritation, le Rambler fut vivement pris à partie, et menacé d’être condamné par les évêques. Pour sauver la situation, Newman, avec l’approbation de Wiseman, accepta le poste de rédacteur en chef : la revue avait été jusque-là mensuelle : il la fit paraître tous les deux mois. Le premier numéro publié sous sa direction parut en mai 1859 ; le second et dernier en juillet. Ce numéro contenait le fameux article On consulling the Faithful in mallers oj doctrine (Faut-il consulter les fidèles en matière de doctrine ? p. 198230). Le Rambler avait pour objet — et Newman l’approuvait de toute sa sympathie — de fournir une revue catholique comparable aux meilleurs périodiques non catholiques de la même catégorie ; les questions du jour y seraient, en toute franchise, soumises à la discussion, et les difficultés qu’elles présentaient seraient regardées en face. L’entreprise avait été conduite jusque-là avec un talent remarquable ; elle aurait dû contribuer à établir parmi les catholiques une magnifique tradition littéraire, si les circonstances avaient été propices ; mais elles ne l’étaient pas. Dès le début, Wiseman et les hommes qui étaient à la tête de la revue se trouvèrent en opposition de

principes. Pour Wiseman, sur touts les sujets qui n’étaient pas, du point de vue religieux absolument indifférents, l’écrivain laïque ne devait être que le porte-parole de l’épiscopat ; pour les rédacteurs du Rambler, la liberté de discussion devait subsister, toutes les fois que l’Église n’avait pas tranché la question par un acte d’autorité. De cette opposition fondamentale, la crise de 1859 fournit un exemple excellent. A ce moment au sujet des Poor schools (Écoles des pauvres) catholiques, le Rambler préconisa, dans les deux articles ci-dessus mentionnés, une politique opposée à celle des évêques à l’égard de certaines propositions du gouvernement. A la décharge du Rambler, il faut dire ce qui suit :

1. Lorsque les évêques commandèrent aux catholiques de cesser toutes relations avec le gouvernement et la Commission on Education (commission de l’enseignement), leur décision fut accueillie avec accablement par les laïques en général (Gasquet, p. l), y compris W. G. Ward (ibid., p. xlviii).

2. L’auteur des articles était secrétaire du comité des Poor schools ; on comprend qu’il ait protesté contre une manière d’agir qui semblait compromettre l’avenir des écoles.

Par contre, il faut bien l’admettre, le Rambler eût été plus sage s’il eût évité de provoquer du ressentiment. Aux yeux de tout converti, les insuffisances de l’enseignement catholique ne pouvaient qu’être un obstacle aux progrès du catholicisme ; mais la critique qu’en faisait le Rambler fut naturellement mal accueillie. A l’occasion aussi, la revue pénétrait avec imprudence sur le terrain de la théologie ; ces incursions avaient quelque chose d’alarmant, bien que, Gasquet nous le rappelle, ce qui était alors téméraire, puisse ne l’être plus aujourd’hui. De plus, il s’ajoutait à la matière de certains articles, quelque chose de plus personnel dans le style, qui était dû surtout à Simpson. « Tout vrai et fervent catholique qu’il fût, dit de lui Gasquet, il avait le don, don fatal, peut-on dire, dans les circonstances où il était placé, de saisir le côté comique des questions sérieuses ; cela l’amenait souvent à manquer de respect envers des hommes investis d’une autorité, et habitués à être révérés et obéis. » Wiseman était un de ces hommes « investis d’une autorité », homme de vaste science, certes, mais peu doué de sens critique ; et il offrait à l’humour de Simpson une cible par trop tentante. Lorsque le numéro de mai du Rambler parut, Ullathorne alla trouver Newman, et le pressa d’abandonner la rédaction (22 mai) ; le ton de la revue, disait-il, était irritant, et donnait à penser que certaines gens se sentaient mal assurés dans leur foi. Newman répondit que peut-être il voyait un côté des choses qui était caché aux évêques, et cita en exemple ce qu’il avait éprouvé en Irlande. Mais malgré ses paroles, Ullathorne persista à ne pas vouloir que les laïques eussent trop conscience du caractère épineux de certaines questions. Or Newman, depuis qu’il avait, dans l’anglicanisme, admis l’épiscopat comme une institution divine, témoignait à l’autorité épiscopale un dévouement presque romanesque : pour lui, le conseil ou le désir de son évêque avait la force d’un ordre. Il accepta donc de se retirer après le numéro de juillet du Rambler. « Étant donné, écrivit-il à un ami, les principes et les sentiments qui m’ont guidé durant toute ma vie, il m’était impossible d’agir autrement. » Ward, t. i, p. 498. Il continua, comme le montre sa correspondance, à s’intéresser chaleureusement au Rambler, et fit de grands efforts pour en modérer le ton par ses conseils ; il alla parfois jusqu’à des remontrances si vigoureuses, qu’on doit savoir gré à Acton et à Simpson de ne pas avoir pris en mauvaise part une franchise aussi brutale. Il n’en