Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée
335
336
NEWMAN (JOHN-HENRY), DANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE


parmi les Tract ariens commençaient à se demander anxieusement, comment ils pouvaient, tout en restant d’accord avec la doctrine catholique, mettre leur signatures au bas des trente-neuf articles de l’Église anglicane. Dans le tract 90, Newman s’appliqua à résoudre cette difficulté en se plaçant sur le terrain de l’histoire. Certes, le ton des articles était farouchement protestant ; mais, comme l’intention du gouvernement de la reine Elisabeth était d’entraîner toute la nation vers l’Église réformée, on avait intentionnellement employé des termes vagues, afin que ceux-là même pussent y souscrire, qui étaient encore sous l’influence de la tradition catholique. Le tract se terminait sur ces mots : « La confession de foi protestante de notre Église fut rédigée de manière à inclure les catholiques ; et maintenant les catholiques refusent de se laisser exclure. »

Les ennemis des Tractariens sentirent alors qu’ils tenaient enfin l’occasion d’agir. Le tract 90 fut condamné à Oxford par le « Conseil hebdomadaire », (Hebdomadal Board) et une émotion générale parcourut le pays. Par déférence pour son évêque, Newman accepta d’interrompre la publication des tracts, mais on ne devait pas lui demander de retirer le tract 90. On lui fit savoir que les évêques avaient l’intention de ne pas pousser les choses plus loin. Il n’en demanda pas plus, se retira à Littlemore, et commença à travailler à sa traduction de saint Athanase pour la Libranj of the Fathers (Bibliothèque des Pères) éditée à Oxford. C’était alors l’été de 1841. « Entre les mois de juillet et de novembre de la même année, je reçus trois coups qui me brisèrent… 1° Dans l’histoire des ariens je retrouvai sous une forme bien plus accusée, le même phénomène exactement, que j’avais trouvé chez les monophysites… Je vis clairement que les ariens purs étaient les protestants, que les semiariens étaient les anglicans, et que Rome était alors ce qu’elle est aujourd’hui. La vérité se trouvait non dans la Via média, mais dans ce qu’on appelait « le parti extrême »… 2° Les évêques, l’un après l’autre, publièrent une série de rrandements contre moi. C’était de leur part un mouvement concerté et déterminé. .. Ils continuèrent de la sorte, me chargeant sans interruption pendant trois années. Je reconnus que c’était là ma condamnation ; la seule qu’il fût en leur pouvoir de porter contre moi. » Apol., p. 139-140. Le troisième coup lui fut porté lorsque les gouvernements prussien et anglais établirent conjointement un évêché protestant à Jérusalem. D’après la théorie des branches, c’était bien un acte de schisme, qui naturellement accentuait le caractère protestant de l’Église d’Angleterre. « A partir de la fin de 1841, je fus, en tant que membre de l’Église anglicane, sur mon lit de mort, bien que je n’en prisse alors conscience que par degrés. » Apol., p. 147.

La manière dont son esprit travailla, avant qu’il en arrivât à sa décision finale, s’éclairera par les citations qui suivent. En mai 1843, laissant pour la première fois comprendre à Keble qu’il vacillait, il lui écrivait ces mots : « Actuellement, il faut l’avouer, autant que je puisse me rendre compte de mes propres convictions, je regarde l’Église catholique romaine comme l’Église des apôtres… et que l’Angleterre soit en état de schisme, je m’en sens bien plus assuré que je ne le suis du caractère artificiel des innovations romaines en matière de dogme : elles peuvent bien n’être qu’un développement, du à une réalisation profonde et vivante du dépôt divin de la foi. » K., p. 219. En octobre de la même année, il écrivait à Manning les paroles suivantes. « C’est rêver que de donner à une confession le titre de catholique, alors que l’on ne peut ni s’autoriser de formulaires, où puisse se trouver quelque claire affirmation de la doctrine

catholique, ni interpréter des formulaires ambigus d’après le sens reçu et vivant dans le passé ou dans le présent. » K., p. 273. La traduction de saint Athanase fut achevée en 1844. En 1845 Newman commençait son Essay on dcvelopment, et le 9 octobre de la même année il él ait reçu dans l’Église catholique.

II. PÉRIODE CATHOLIQUE DE LA VIE DE NEWMAN. —

La principale collection de matériaux pour l’histoire de la vie catholique de Newman est contenue dans The life of John Henry Newman (La vie de J. H. Newman ) par Wilfrid Ward, Londres 1912. Pour ses relations avec les autorités romaines et avec Manning, The life and limes of archbishop Ullalhorne (L’archevêque Ullathorne, sa vie et son temps) par dom Butler, ancien abbé de Downside, Londres, 1926, est une source d’une importance unique, non seulement par les matériaux inédits qu’elle a mis au jour, mais aussi par les titres éminents qu’a son auteur pour porter un jugement sur les événements qu’il rapporte. Pour les mêmes raisons Lord Acton and his circle (Lord Acton et ses amis) par le cardinal Gasquet, Londres, s. d., est un ouvrage d’une valeur inestimable dans le domaine limité qu’il s’est fixé, c’est-à-dire pour les relations de Newman avec le groupe du Rambler. On trouvera le récit le plus long et le meilleur de la controverse engagée sur l’infaillibilité papale dans William George Ward and the catholic Rcvival (W. G. Ward et la renaissance catholique ) par Wilfrid Ward, Londres 1893. Les Essays de Henry Dudley Ryder, Londres, 1911, jettent encore quelque lumière sur les relations de Newman avec Manning, et sur la controverse relative à l’infaillibilité papale. Lord Acton’s correspondence (La correspondance de Lord Acton) publiée par J. N. Figgis et R. V. Laurence, Londres 1917, complète le Lord Acton and his circle de Gasquet, mais il y a lieu d’être prudent avant d’accepter les idées et les opinions de Lord Acton. — Outre ces ouvrages on trouvera également cités : YApologia ; Difficultics of Anglicans (Diff.) ; Présent position of Calholics (Pre. pos.) ; la Grammar of assent (G. A.) ; la Via média (V. M).

Newman à Rome.

Le 22 février 1846, Newman

quitta Littlemore (voir Apol., p. 236) et se rendit à Maryvale (Old Oscott). Là il adopta, avec cinq de ses amis, une règle de vie donnée par l’évêque Wiseman, alors coadjuteur du vicaire apostolique pour l’Angleterre centrale. En août, Wiseman décida que Newman et Saint-John iraient à Rome poursuivre leurs études. Ils y arrivèrent le 28 octobre, et quelques jours plus tard ils s’installèrent à la Propagande. Le dimanche de la Trinité, 30 mai 1847, Newman fut ordonné prêtre en même temps que Saint-John par le cardinal Fransoni, et le jeudi suivant, il célébra sa première messe dans la « petite chapelle des jésuites » à la Propagande, messe servie par William Clifîord, plus tard évêque de Clifton. Le 28 juin, résolu à se faire oratorien, il commença, en compagnie de six autres convertis, son noviciat à Santa-Croce, sous la direction du P. Rossi, de l’Oratoire de Rome.

Durant son séjour à Rome, Newman soumit à un nouvel examen les principes qui étaient à la base de ses Univcrsily sermons et de son Essay on development. Parmi ses manuscrits inédits appartenant à cette période se trouve un court traité intitulé Thèses de fide, revu par celui qu’il appelle son « directeur théologique » (theological lutor) et un autre intitulé De catholici dogmalis evolulione, avec des annotations par le P. Perrone S. J. A Rome aussi il traduisit en latin, en les modifiant, et fit paraître en 1847, sous le titre de Dissertait unculse quxdam critico-lheologicw, quatre « Notes » tirées de ses Select t realises of S. Alhanasius against the arians (traités choisis de saint Athanase