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NKWMAN (JOHNHENRY), LE MOUVEMENT TRACTA RI EN


2. C’est une autorité prouvée par l’histoire, car les

doctrines qui satisfont au canon de Vincent de I.érins doivent avoir une origine commune, et celle-ci ne peut être que dans l’enseignement des apôtres.

3. C’est l’autorité infaillible que possède l’Église là où clic n’est pas divisée. — De ces trois solutions possibles, Newman acceptait la première. Il était tenu, comme anglican, d’admettre que tout ce qu’il est nécessaire de croire est contenu dans l’Écriture. Il acceptait aussi la seconde comme répondant à un état de fait historique ; mais, par la suite, il reconnut de plus en plus distinctement qu’il y avait eu développement progressif, même dans les tout premiers âges. Enfin, quant a la troisième, il semble qu’il se soit exprimé de façon variable, comme il l’a lui-même montré, Via média, t.i, p. xxvi, et note p. 84-85.) D’une manière générale, il semble avoir admis deux choses à la fois : d’abord que l’Église non divisée était au moins virtuellement infaillible, car la promesse divine qu’elle ne faillirait pas ne pouvait permettre à l’Église entière de tomber dans l’erreur ; d’autre part, qu’un magistère infaillible n’était pas nécessaire, soit pour rendre les doctrines certaines

— l’Écriture et la tradition suffisant pour cela — soit pour permettre à l’autorité ecclésiastique de les imposer légitimement. Telles étaient, pensons-nous, à peu de chose près, les opinions de Newman en 1837, lorsqu’il publia son Prophelical office of the Church (La fonction prophétique de l’Église). Elles avaient changé en 1845, lorsque, dans son Essay on developmenl, il insista sur le fait qu’on devait considérer a priori comme probable l’existence d’une « autorité infaillible et se développant graduellement ».

Les « Tractariens » n’avaient pas derrière eux un système de théologie clairement défini. Newman, en écrivant son Prophetical office et ses Lectures on justification, pensait contribuer à créer ce qui n’existait pas encore, une « théologie anglicane officiellement reconnue ». Il pensait qu’en vue d’une telle création, on trouverait quantité de matériaux dans les écrits des grands théologiens anglicans, mais qu’il était nécessaire de les ordonner et d’en faire un système. En fait, il ne semble pas que les écrits de ces théologiens l’aient tant soit peu aidé ou gêné. Si l’on veut apprécier dans les deux volumes ci-dessus mentionnés, ce qui est original, ce qui ouvre une voie nouvelle, on ne saurait commettre une plus grave erreur que de les considérer comme l’exposition d’un système théologique déjà reçu.

Ce qui, aux yeux de Newman, faisait la force de la Via média, c’est qu’elle faisait appel au témoignage de l’antiquité chrétienne. Mais il ne chercha jamais à en dissimuler les points faibles. Ses amis et lui se lançaient dans une vaste entreprise. Il valait mieux se rendre compte des difficultés dès le début que de se laisser surprendre par elles plus tard. Le protestantisme et le catholicisme romain étaient des faits. Ils avaient joué leur rôle dans l’histoire et façonné le caractère de grandes nations ; mais jusqu’à présent la Via média n’avait été qu’une simple théorie, qui existait seulement sur le papier et sommeillait dans les bibliothèques. Rien de sérieux n’avait été tenté pour la faire passer dans la réalité. Mais si le principe était sain — et Newman s’en croyait assuré — la tentative devait être faite ; sinon l’Église d’Angleterre qui ne pouvait plus prendre appui sur l’État, tomberait au rang d’une de ces sectes protestantes que l’on voyait pulluler.

Premières déconvenues.

 Telle fut dans ses très

grandes lignes, semble-t-il, la position de Newman jusqu’à l’année 1839. Plein de confiance dans la solidité de cette position, et encouragé par le succès.

— car les principes tractariens gagnaient partout et

ne rencontraient aucune opposition sérieuse — il

consacre l’été et l’automne de cette année à ses études patristiques, prenant pour sujet l’histoire des monophysites et du concile de Chalcédoine. Alors il se produisit un fait imprévu. La pensée lui vint tout à coup que jusque-là il avait lu l’histoire de travers. I, ’explication qu’il nous donne de’ce changement est fort simple. Les années précédentes, son attention s’était surtout arrêtée sur la controverse arienne ; celle-ci avait été étudiée de près par les théologiens anglicans, notamment à cause de leurs discussions avec les ariens et les sociniens de leur temps. En conséquence Newman l’avait lue « avec leurs yeux ». Par contre les controverses christologiques avaient été relativement négligées ; aussi lorsque Newman les aborda, il dut faire usage de ses propres yeux, et s’aperçut qu’ils s’ouvraient sur un état de choses bien différent de ce que ses guides lui avaient appris jusque-là. « Mes préjugés, nous dit-il, trop enracinés pour se laisser vaincre par les faits si frappants de l’histoire des ariens, ne purent résister à celle de saint Léon et du concile de Chalcédoine… Si je devais me laisser guider par les premiers temps du christianisme, le pape y avait dans l’Église une position bien différente de celle que j’avais supposée. Dès qu’une première lueur suffisamment nette de cette vérité eut pénétré dans mon esprit et que je me fus mis à regarder les faits historiques par moi-même, le système anglican commença à s’écrouler autour de moi de tous côtés. » K., p. 17. Ce qui le mit le plus dans l’embarras, ce fut de découvrir que cette Via média qu’il chérissait n’était pas une voie nouvelle. Les semi-ariens et les monophysites l’y avaient précédé. L’histoire ne fait que se répéter. Une nouvelle hérésie présenteordinairement quelque côté qui choque le bon sens. Les plus sages parmi ceux qui la soutiennent sentent le danger, et se tracent une route à eux entre les deux extrêmes : ils sont ainsi favorisés du pouvoir civil, qui aime la modération dans la religion. Lorsque Newman, selon sa propre expression, dut se servir de ses propres yeux, devant lui surgit une nouvelle vision des choses, vision qui peut-être mériterait d’être étudiée de plus près qu’elle ne l’a été jusqu’ici. On peut du moins en juger d’après les fruits qu’elle porta, dans l’Essay on development. Newman bénéficia ici, semble-t-il, d’un accroissement de force intellectuelle, et acquit ce vigoureux sens historique qui permet de saisir la continuité du présent et du passé, et d’appliquer aux problèmes contemporains l’expérience de l’histoire. Quoi qu’il en soit, l’idée qu’il envisageait maintenant un horizon historique plus vaste, aurait été la dernière à lui traverser l’esprit. Il se sentait simplement désemparé. Bientôt après, son attention fut attirée sur un article de Wiseman sur les donatistes (Dublin review, août 1839, Essays de Wiseman, t. ii, p. 201-262). Il n’y avait là rien qui lui fût nouveau ; et le cas des donatistes n’était pas parallèle à celui des anglicans. Mais l’article citait l’appel fait par saint Augustin au jugement de l’Église universelle : Securus judicat orbis lerrarum ; ici les anglicans étaient frappés aussi bien que les donatistes ; Newman en prit pleinement conscience et sa détresse s’en accrut. Puis, peu à peu il se remit des effets de ce coup. Mais il n’avait plus comme naguère le sentiment d’être en un terrain sûr. La théorie de la Via média était discréditée à ses yeux sans espoir de retour, et quant à celle des Brandies, il n’y avait plus qu’une manière de la défendre : c’était de plaider que les Pères avaient autre chose en vue, lorsqu’ils attaquaient les schismes locaux. Mais il éprouvait toujours les mêmes difficultés à l’égard de Rome.

L’ébranlement final.

Alors surgissent des

difficultés extérieures. Quelques-uns des plus jeunes