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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), C H RISTOLOGIE


hominem Verbi assumptive, propter unionem. Trad., p. 5354 ; cf. p. 125-126 ; et aussi tout le c. xx, p. 161-184, sur les liifTévents noms du Christ, Fils de Dieu.

Des expressions non moins nettes se retrouveraient dans les lettres de Timothée I", Episl., xxxvi, trad., p. 171 ; dans Georges d’Arbèles (ou dans l’auteur, quel qu’il soit, deVExpositiondesof[icesdivins), (rad., t. xcii, p. 62, et ailleurs. Il n’en reste pas moins qu'à partir du viie siècle, le nestorianisme, sans doute pour s’opposer plus nettement au monophysisme et au chaleédonisme, affecte une hostilité de plus en plus vive à l’endroit du Théotokos, aussi bien qu'à l’endroit du Deus passus. Élie de Nisibe au début de xie siècle est particulièrement représentai if. A l’en croire, le Théotokos serait proprement une formule jacobite, et il polémique contre l’expression avec une fougue qui rappelle les premières incartades de Nestorius. Voir trad. Horst, p. 46-56. S’il est loin d’unir dans la même réprobation jacobites et melkites, s’il concède que ces derniers ont des point s communs avec l’orthodoxie nestorienne, il ne laisse pas de leur faire remarquer que sur deux points capitaux ils s’en séparent : d’abord en ce qu’ils reconnaissent simplement.Marie comme Mère de Dieu, « ce qui est la racine de tout le mal et de toute l’impiété cyrillienne », ensuit e, parce qu’ilsn’admettent dans le Christ qu’une seule hypostase. Cf. p. 56 sq. Et Élie d’instituer en de longues pages une interminable polémique contre le Théotokos. Cette polémique d’ailleurs n’a jamais porté préjudice au respect dont l'Église nestorienne témoigne à l’endroit de la sainte Vierge. Voir dans Badger, op. cit., t. ii, p. 51-57, un fort beau texte liturgique sur les grandeurs de Marie. Il semble donc clair que l’on a perdu, à un moment donné, dans l'Église nestorienne, le sens de la doctrine de la communication des idiomes que les théologiens classiques avaient si correctement exprimée, et qui n’avait pas échappée à Nestorius lui-même. Ci-dessus col. 153.

On remarquera que les professions de foi envoyées à Rome par les nestoriens, désireuxde s’unir aux Latins, témoignent toujours d’une certaine gêne au sujet du Théotokos. Voici une expression correcte, mais dont on sent bien qu’elle est quelque peu alambiquée : Maria peperit Christum, intelligitur quod ipsa peperit Deum Filium, unam trium personarum unitam homini uni, de quo dicitur in evangelio quod ipse est filius David…, et in hoc quod dicimus Maria peperit Christum intelligitur quod ipsa peperit Deum : tali tamen conditione quod ipse est Deus Filius unitus humanitati. Profession d’Iso’yahb de Nisibe adressée à Innocent IV en 1247. Giamil, loc. cit., p. 4. Et Élie VIII dans la profession adressée à Paul V : El vocamus Mariam Genitricem Dei qui est ex Deo, sine con/usione naturarum et sine mutatione proprietalum perfectarum naturarum. Ibid., p. 143. L’addition qui est ex Deo semble nécessaire au catholicos pour écarter l’idée que Marie serait la mère « de la Trinité ». Aussi bien Élie de Nisibe avait-il longuement disserté à ce sujet !

3. La dualité des opérations.

Une des conséquences

de l’union personnelle, et surtout dans le sens où l’entendent les nestoriens, ce doit être la dualité des opérations, ou, comme disent les Grecs, des énergies. Tout dyophysite conscient de ce qu’il enseigne est obligatoirement dyénergiste, dithélite. Or, on l’a fait remarquer plus haut, col. 145, il n’est pas jusqu'à Nestorius lui-même que l’on n’ait accusé de monothélisme, et il est curieux que les diverses professions de foi imposées aux nestoriens revenant à l’unité insistent toutes, avec beaucoup d'énergie, sur la condamnation du monothélisme, comme si cette erreur faisait obligatoirement partie de leur doctrine. Des textes de saveur monothélite provenant, dit-on, de Nestorius ou de ses adeptes, ont été versés au concile du

Latran de 649. En fait, on trouve chez les écrivains nestoriens, et qui ne sont pas les premiers venus, des affirmations qui, à première lecture, surprennent. C’est le cas par exemple d’un petit traité du catholicos Timothée I", Episl., xxxvi, trad., p. 164-183 ; voir en particulier p. 176-177. Voulant montrer que le triomphe final du Christ en son humanité ne lui vient pas précisément de la manière dont il s’est comporté au point de vue moral, mais du fait même de l’union, le catholicos écrit : « C’est de l’union que lui viennent la domination, la filiation, l’empire sur toutes choses ; dès le début, la chair (c’est-à-dire l’humanité) possède en effet la domination, la filiation, l’empire : neque dicimus duas voluntates, neque duas proprietates aut operationes. Unio enim inefjabilis unam l’oluntatem et virtutem et unam operalionem et unam proprietatem perficil. Præter nomina enim hypostalica et naturalia nullibi in Christo duplicitas apparct. » Je ne crois pas qu’on ait jamais exprimé plus clairement le monénergisme, et toute l’argumentation qui suit semble encore renforcer cette impression, et tout spécialement la discussion des textes devenus classiques en la matière : « Je ne suis pas descendu du ciel pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé », et « Père, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre. » Sans compter que l’on voit encore intervenir, p. 180, une considération sur la « science » du Christ que Timothée semble à première vue identifier avec la science divine. Tout cela est vrai. Mais une étude approfondie de ce passage montrerait, pensons-nous, que l’unité de volonté dont il s’agit est essentiellement une unité morale : il n’y a pas eu de lutte réelle entre la volonté humaine du Christ et la divine volonté ; et, par ailleurs, la science humaine du Christ est en définitive une irradiation de la suprême intelligence. C’est ce que semble bien indiquer la conclusion de ce texte vraiment difficile : Ergo una est i’olunlas et una operatio Verbi et carnis ejus, sicut unus est motus et una modulatio musici et instrumenti ejus. Ibid., p. 181. Cette dernière comparaison doit, en effet, procurer quelque apaisement. Il faut donc, pensons-nous, ne pas se hâter de crier au monothélisme, parce qu’on lit sur les tombes des catholicos enterrés à Mossoul la profession de foi suivante : Credidi in Filium Dei, Dominum noslrum Jesum Christum per unionem Deum perjectum et hominem per/eclum : duas naturas, duasque hypostases in uno prosopo et una dominatione et una voluntate. Dans Assémani, Bibl. orient., t. mb,

p. CMXLVIII.

D’ailleurs la théologie nestorienne (et Timothée lui-même) fournirait sans difficulté des textes qui montreraient, dans l’unique personne du Christ, les deux activités divine et humaine. Les plus intéressants sont bien ceux qui affirment un progrès dans cette humanité assumée parle Verbe. On sait le redoutable problème que posent, quand il s’agit de défendre Théodore de Mopsueste, les nombreux passages où l’Interprète parle du progrès moral ou intellectuel qui se serait manifesté en l'âme de Jésus, du rôle considérable que joua le baptême dans l’oriental ion de sa vie, de la confirmation enfin, qu’apporta à son humanité le fait de la résurrection. Ce n’est pas ici le lieu d'étudier ces textes, fournis pour la plupart par le Ve concile. On a fait remarquer ci-dessus, col. 150, que Nestorius avait évité les développements sur ce sujet scabreux. Babaï, lui, s’est attaqué au problème avec résolution, et tout le traité IV de son beau livre, De diuinitate et de humanitate et de persona unionis, est consacré, à résoudre ces difficiles problèmes. Trad., p. 106-128.

Il ne saurait être question de relever ici, même sommairement, les analyses extrêmement subtiles de ce vigoureux penseur, Notons au moins le souci qu’il