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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), THÉOLOGIE

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un air de plaidoyer en faveur des dogmes de l'Église établie. Ainsi des chapitres sur l’usage de l'Écriture sainte et son interprétation, sur le libre arbitre, la justification, les œuvres, l'Église, les conciles, le purgatoire, les sacrements et particulièrement l’eucharistie, le sacrifice de la messe, le mariage des prêtres, etc. Cela nuit un peu à la sérénité d’un exposé qui devrait être plus objectif. Cette remarque faite, il n’est que juste de signaler les services que ce livre peut rendre au théologien, surtout dans les chapitres relatifs aux doctrines sur lesquelles il y a accord entre théologie anglicane et théologie catholique.

2. Théologiens.

Sur la place considérable qu’occupe la théologie dans la littérature nestorienne, voir ce qui a été dit plus haut. Il s’en faut d’ailleurs que l’ensemble des œuvres théologiques nestoriennes se soit conservé. Bien des livres dont le catalogue d'Ébedjésus nous donne le titre ont disparu sans laisser de traces. Puis des ouvrages importants, actuellement connus en manuscrit, ne sont pas encore publiés ; plusieurs de ceux qui sont publiés ne sont pas encore traduits. Tout ceci explique que l’on ne puisse donner à l’heure présente qu’une esquisse sommaire, forcément incomplète et qui peut être inexacte en plusieurs points, de la théologie nestorienne.

Sous le bénéfice de ces remarques, voici les théologiens auxquels nous avons demandé nos renseignements : Narsaï le Lépreux, voir ci-dessus, col. 26 sq. — Babaï le Grand, fin du vie siècle, auteur d’un Traité sur l’union (des natures en Jésus-Christ), publié et traduit en latin par A. Vaschalde, dans le Corp. script, christ, or., Script, sur., ser. II, t. i.xi. Sur ce Remarquable théologien, voir les articles deV. Grumel, Un théologien neslorien, Babaï le Grand, dans Échos d’Orient, 1923, t. xxii, p. 153-181, 257-280 ; 1924, t. xxiii, p. 9-33, 162-177, 257-274, 395-399. — Le catholicos Iso’yahb III, milieu du viie siècle, dont le recueil de lettres est extrêmement précieux, publiées et traduites par Rubens Duval, ibid., t. lxiv. — Contemporain de ce catholicos, l'évêque Sahdonâ (appelé aussi Martyrios)représente, dans l'Église perse, la tendance chalcédonienne, qui lui valut d’ailleurs de multiples désagréments. Quelques textes provenant de lui sont publiés et traduits en allemand dans îi.Goussen, Marlyrius-Sahdona’sLebenundWerk, Leipzig, 1897. — Du catholicos Timothée I er, viiie -ixe siècle, il s’est conservé un recueil de lettres, dont plusieurs ont la dimension d’un véritable traité ; texte et traduction latine d’une partie par O. Braun, dans le Corpus déjà cité, sér. 1 1, t. lxvii. — Son contemporain Théodore bar Koni a laissé un livre de Scolies, où il y aurait à glaner. Édit. Addai Scher, ibid., t. lxv et lxvi. — Dans la seconde moitié du xe siècle, Georges d’Arbèles fait plutôt figure de canoniste et de liturgiste. Il y a à prendre néammoins dans l’Exposition des offices ecclésiastiques qui lui est attribuée, sans beaucoup de certitude : texte et trad. lat. par R. H. Connolly, ibid., t. xci, xcn. — De peu postérieur, Élie bar Sinâyâ, métropolite de Nisibeà partir de 1008, a laissé un Livre de la preuve de la vérité de la foi, en arabe, qui expose à un melkite le bien-fondé de la théologie et de la terminologie nestoriennes, ouvrage systématique et intéressant ; trad. allemande dans L. Horst, Des Metropolitan Elias vonNisibis Buch vom Beweis der Wahrheit des Glaubens, Colmar, 1886. — Moins théologique, le Livre de l’abeille de Salomon de Bassorah, xiue siècle, donne un aperçu des croyances populaires et de leur expression ; texte syriaque et trad. anglaise par E. A. Yallis Budge, dans Anecdota Oxoniensa, semitic séries, t. i b, Oxford, 1886. — A la fin du xiii c siècle, toute la science ecclésiastique de l'Église nestorienne se retrouve chez Ébedjésus, le métropolite de Nisibe. Le Livre de la perle sur la vérité de la foi est un bon abrégé de l’en DICT. DE THÉOL. CATH.

semble de la théologie ; texte syriaque et trad. latine dans A. Mai, Scriptorum veterum nova colledio, t. x b, p. 317-311. 312-366. — Sur le livre de la Tour de Mari Ibn Sulayman, voir les indications données ci-dessus, col. 280 ; sur le livre de même nom d’Amr ibn Mattaï, voir col. 284.

2° Caractères généraux de la théologie nestorienne, — ("e qui frappe d’abord quand l’on parcourt d’affilée les divers documents, officiels ou privés, que nous venons d'énumérer, c’est la persistance, pendant des siècles, des mêmes formules stéréotypées, des mêmes arguments, des mêmes pensées. On a l’impression d’une doctrine fixée dans le cours du ve siècle et qui n’a plus guère subi de développements sensibles. Dans le domaine de la littérature latine, un théologien tant soit peu exercé n’a pas de peine à distinguer de prime abord un texte du ve siècle d’une production du xii c siècle, celle-ci d’une œuvre théologique du xvie. Ici, au contraire, la discrimination est à peu près impossible entre des textes d'âge fort différent.

Ce caractère essentiellement conservateur lient d’une part à la forte organisation qu’ont eue les écoles théologiques aux plus beaux temps de la théologie nestorienne (voir col. 268 sq.), et d’autre part, au soin qu’a pris, à ces moments, l’autorité ecclésiastique d’imposer l’adhésion de tous à un seul docteur, qui est vraiment le « docteur propre » de l'Église nestorienne. Que l’on imagine la théologie catholique se développant exclusivement sous le contrôle des thomistes, sans le contrepoids des écoles rivales, et l’on aura quelque idée de ce que put être la théologie nestorienne.

Or le « docteur » de l'Église nestorienne. c’est Théodore de Mopsueste ; si l’on ajoute parfois à son ne m ceux de Diodore de Tarse et de Nestorius, c’est pour autant que le premier fut l’inspirateur de sa pensée, le second l’interprète fidèle de son enseignement. Cette adoption de Théodore remonte aux temps de l'École d'Édesse, (ci-dessus, col. 267) ; et, quand Y École des Perses est transférée à Nisibe, elle transporte en territoire sassanide la vénération, poussée jusqu'à l’idolâtrie, à l’endroit de 1' « Interprète ». Rares furent les tentatives de secouer le joug. Une seule a sérieusement compté, celle de Hênânâ d’Adiabène, directeur de l'école de Nisibe, de 572 à 610. Voir ci-dessus, col. 268. Pour s'être écarté de Théodore, Hënânâ s’est vu imputer les pires erreurs, et, pendant plus d’un siècle, il sera représenté par les nestoriens orthodoxes comme fauteur des doctrines origénistes (telles qu’on les entendait au vie siècle), comme fataliste, presque comme manichéen. Les livres composés par lui contre « l’Interprète' » furent anéantis sans laisser de traces. Cette petite insurrection donna, d’ailleurs, aux autorités officielles l’occasion de canoniser définitivement la doctrine et les écrits de Théodore. Le synode d’Abâ I er en 544 avait déjà déclaré que « le sentiment des évêques d’Orient, au sujet de la foi de Nicce. était celui qui avait été proposé par le saint ami de Dieu, le bienheureux Mar Théodore, évêque et interprète des Livres saints ». Synod. orient., p. 550, trad., p. 561. Le synode d’Iso’yahb I er en 585 va beaucoup plus loin : « Nous définissons qu’il n’est permis à aucun homme, à quelque ordre ecclésiastique qu’il appartienne, de diffamer ce docteur de l'Église, en secret ou en public, ni de rejeter ses saints écrits, ni d’accepter cet autre commentaire (celui de Hënânâ) qui est étranger à la vérité… Quiconque osera agir, en secret ou en public, contrairement à ce que nous avons dit et écrit ci-dessus sera excommunié, jusqu'à ce qu’il vienne à résipiscence et devienne le disciple sincère des maîtres contre qui il a déblatéré. » Synod. orient., p. 138. trad.. p. 400, Et, en tête de son exposé de la foi. le synode de Sabriso' I er, en 596, déclare : « Nous recevons (cette foi)

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