Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/141

Cette page n’a pas encore été corrigée
267
268
NESTORIENNE (L'ÉGLISE), LITTÉRATURE


tateuque, avait-elle eu son origine en Perse, si elle a été écrite, comme on le suppose, pour l’importante colonie juive d’Adiabène. A. Baumstark, Geschiihte der syrischen Literatur, p. 18 sq. D’autre part, si Tatien a étudié et travaillé parmi les « Occidentaux », à Rome et à Antioche. il ne faut pas oublier qu’il était né Assyrien », et donc sujet du Roi des rois. Nul doute que le Diatessaron ait été répandu de bonne heure en Perse, puisqu’il est employé habituellement par Aphraate. J. Parisot, dans Patrologia syriæa, part. I, t. i, Paris, 1894, p. xlv, et Dictionnaire de la Bible, t. I, col. 738.

Bien plus, tandis que Rabboula faisait détruire méthodiquement à Édesse les exemplaires du Diatessaron pour assurer plus promptement le triomphe des évangiles séparés, l'œuvre de Tatien survivait dans l’empire sassanide, où le bras séculier ne pouvait l’atteindre. Sans doute, les copies qu’on en fit furent bientôt retouchées d’après les termes du texte vulgaire ou Pesittâ du Nouveau Testament ; cela prouve que le Diatessaron ne fut pas conservé seulement par le soin pieux de quelque collectionneur érudit, puisque son texte continua de vivre. Au milieu du ixe siècle, Iso' dad de Merv, commentant les évangiles, cite abondamment le Diatessaron. J. R. Harris, introduction à M. D. Gibson, The commentaries of Isô'dad oj Merv…, dans Horæ semiticie, t. v, Cambridge, 1911, p. xxii. Au xie siècle, un nestorien Abû'l-Faradj Abdallah ibn at-Tayyib le traduisit en arabe : sa version est le seul texte complet de l’harmonie tatianique arrivé jusqu'à nous. A. Ciasca, … Tatiani evangeliorum harmoniæ arabiee, Rome, 1888 (reproduction anastatique, bibliothèque Vaticane, 1930).

Toutefois, c’est la Pesittâ qui devint pour le Nouveau Testament, comme pour l’Ancien, le texte reçu de l'Église nestorienne ; l’essai du catholicos Abâ I er pour lui substituer une nouvelle traduction, dont il était l’auteur, n’aboutit pas. W. Wright, A short history of the syriac literature, p. 19 sq.

La plus ancienne pièce de littérature ecclésiastique rédigée en Perse est le livre des Démonstrations d’Aphraate(art. Aphraate, 1. 1, col. 1457-1463). Cette œuvre si originale et si intéressante n’eut pas de suite. Pendant un demi-siècle, de 340 à 399, la persécution fut déchaînée sur toutes les chrétientés de l’empire sassanide : en dehors des formules liturgiques, dont l’histoire pour cette période nous échappe complètement, il n’y a que des récits de martyres. Supra, col. 166-168.

Cependant les jeunes clercs de l'Église perse vivaient au delà des frontières, dans cette école que saint Éphre n avait transférée de Nisibe à Édesse en 363, supra, col. 169 sq., et ils y prenaient une part prépondérante à la traduction en syriaque des chefsd'œuvre grecs sacrés et profanes. Les œuvres principales des grands docteurs Grégoire de Nazianze, Basile, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome, Athanase, pour ne pas citer Eusèbe de Césarée et Tite de Bosra, furent traduites de bonne heure, ainsi que les commentaires et traités de Diodore de Tarse, Théodoret et Théodore de Mopsueste, les exégètes réputés de l'école antiochienne. On est étonné de la masse très considérable de textes qui furent traduits ainsi, avec toute l’ardeur et l’enthousiasme que pouvaient apporter des jeunes gens arrachés par l’amour de l'étude à leurs foyers et à leur patrie. C’est l’atmosphère de jeunesse dominant à l'École des Perses, qui explique l’enthousiasme des théologiens persans pour les derniers auteurs cités, et surtout pour Théodore de Mopsueste, qu’on appela dès lors l’Interprète par excellence et qui est resté tel pour toute la tradition nestorienne. Ces traductions préparaient l’adhésion de l'Église persane à l’hérésie nestorienne,

mais l'œuvre de Nestorius lui-même ne fut traduite que plus tard, en Perse, pendant le court pontificat du catholicos Paul I er (537 ou 539). A. Baumstark, op. cit., p. 77-82, 102-104, 106 sq., 117.

Lorsque l'Église de Perse eut été officiellement autorisée à vivre, il lui fallut légiférer. Avant de proclamer aucune mesure particulière, les évêques réunis par le catholicos Isaac, en 410, posèrent comme première assise du nouveau droit la traduction syriaque d’une collection canonique grecque, apportée par Marouta de Maypherqat (art. Marouta, t. x, col. 146 sq.). Aux canons indigènes des divers synodes s’ajoutèrent encore dans la seconde moitié du ve siècle la traduction de décisions rendues au nom des empereurs de Constantinople, Constantin le Grand, Théodose I er et Léon. Ces décisions qu’on s'étonne de voir introduites en terre persane, eurent leur influence dans l'évolution du droit nestorien. A. Baumstark, op. cit., p. 82 sq. ; E. Sachau, Syrische Rechlsb ficher, t. i, Berlin, 1907.

L’activité théologique proprement dite dans l'Église de Perse, pendant cette période, est intimement liée au fonctionnement des écoles, qui étaient des milieux éminemment favorables au développement de la spéculation, comme le furent en Occident les grandes universités du Moyen Age. A partir du moment où, Ibas étant évêque d'Édesse, Narsaï devint directeur de l'École des Perses, rien ne s’opposa plus au triomphe du dyophysisme ; toutefois, l'œuvre de Narsaï est à peu près la seule qui nous reste pour le ve siècle (art. Narsaï, ci-dessus, col. 26). Plusieurs de ses successeurs nous sont connus, soit par le catalogue des auteurs nestoriens d'Ébedjésus, soit par d’autres sources historiques, comme la Chronique de Scert. Mais ont-ils autant écrit que ces informateurs le donneraient à penser ? De tous ces commentaires sur les Livres saints qui leur sont attribués, aucun n’est parvenu jusqu'à nous. Il semble qu’ils ont été parlés plutôt qu'écrits, comme les commentaires aux Livres des sentences de nos universités médiévales, et sans qu’il nous en reste de reportata. Liste de ces commentaires dans R. Duval, La littérature syriaque, 3e éd., p. 71-73. Il est certain aussi que tous ces maîtres, suivant l’exemple de Narsaï, ont écrit des compositions en vers destinées au service divin et conservées sans doute dans le gazzâ (voir ci-dessous, col. 319), mais les attributions sont rares et incertaines, personne ne s’est encore essayé à la tâche difficile, peut-être impossible, d’y établir critiquement la part de chacun. Enfin plusieurs de ces directeurs d'écoles écrivirent des discours, dont le titre syriaque a été traduit « cause de la fondation des écoles », mais qui doivent être interprétés bien plutôt, selon la suggestion des éditeurs de la Patrologia orientalis, « discours d’ouverture de la session des écoles », t. IV, p. 324 sq.

Le premier successeur de Narsaï, Elisée bar Quzbâyê, écrivit une exposition de la doctrine chrétienne en 38 chapitres, à la demande du catholicos Acace. qui en fit faire une traduction persane afin de la présenter au roi Qawad. Il écrivit aussi sur les martyrs. Abraham son successeur, neveu de Narsaï, écrivit des lettres en réponse à diverses questions d’ordre théologique. Jean de Beit Rabban, comme Abraham de la famille de Narsaï, écrivit divers traités contre les mages, les Juifs, les monophysites, et des questions sur l’Ancien et le Nouveau Testament, dont nous ignorons le contenu. Iso’yahb I er qui dirigea ensuite l'école de Nisibe pendant deux ans, avant d'être consacré évêque d’Arzoun en 571, écrivit tandis qu’il était en charge un commentaire de la liturgie. Puis Abraham bar Qardâhê gouverna l'école pendant un an jusqu'à ce que l’Adiabénien Hënânâ en fût chargé en 572, malgré les difficultés que ses doctrines lui avaient attirées