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NKST0R1ENNE (L'ÉGLISE). UNION A ROME


pour y fonder une mission, estimant qu’il y avait du fruit à recueillir surtout parmi les nestoriens. Lettre du 20 juillet 1667 à la S. Congrégation de Propaganda Fide, citée par Clémente da Terzorio, Le rttissioni dei minori cappucini, t. vi, Rome, 1920, p. 108. N’ayant pas d'église propre, les missionnaires d’alors officiaient et prêchaient comme les dominicains et franciscains des xme et xive siècles, dans les édifices religieux des dissidents. Beaucoup de nestoriens se convertirent et finalement leur évêque, Joseph.

Mais il n'était pas facile de créer en Turquie des communautés nouvelles de rit oriental, parce que, les diverses « nations » chrétiennes ayant pour chefs civils leurs prélats respectifs, ceux-ci conservaient l’autorité administrative et judiciaire sur ceux de leurs fidèles qui passaient au catholicisme, ayant ainsi la faculté de leur nuire par toutes sortes de vexations. Lorsque les catholicos parlaient de s’unir à Rome, l’administration ottomane n’avait pas à en connaître, mais si un de leurs sufîragants sortait de leur obédience, ils pouvaient requérir contre lui l’application des moyens de coercition dont disposaient les pachas*. Dès qu'Élie X eut appris l’adhésion de Joseph à la foi romaine, il lui enjoignit de se rendre à la résidence patriarcale de Tell Eskof près de Mossoul. Joseph craignit de trouver la mort au cours de ce voyage, et ce fut Élie qui vint à Mardin et Diarbékir pour réduire son suffragant. Joseph fut mis en prison, obligé de comparaître à plusieurs reprises au tribunal du moutesellim ; mais l’ascendant que lui donnaient son instruction et sa vertu l’emporta à la fin, et sa juridiction sur Diarbékir et Mardin fut reconnue par le moutesellim, qui le déclara indépendant du patriarche. Un changement de gouverneur permit cependant aux nestoriens de le faire enfermer à nouveau. Voir le détail de cette persécution dans la biographie arabe par 'Abd-al-Ahad, métropolite de Diarbékir (1714-1727), dont la traduction française a été publiée par M. J.-B. Chabot, Les origines du patriarcat chaldéen, Vie de Mar Youssef 7 er, dans Revue de l’Orient chrétien, t. i, 1896, fasc. 2, p. 66-90 (pagination erronée).

Lorsqu’il sortit de prison, ayant reçu du pape Clément X un bref de félicitations daté du 25 janvier 1673, il décida de faire, comme Sulâqâ, le pèlerinage de Rome. Il y arriva pendant le jubilé de 1675 et y demeura jusque dans le cours de 1677, mais sans obtenir les secours pécuniaires qu’il espérait. « On le considérait, dit son biographe, comme ces autres prélats, qui, prétendant aller supprimer le nom de Nestorius, avaient obtenu des secours et, de retour dans leurs contrées, n’avaient rien su en faire. » Ibid., p. 85. Le souvenir de Timothée-Adam et de l’expédition Marietti-Métochita restait vivant à Rome ! A son retour cependant, Joseph put disposer d’une somme importante que lui avait donnée le nouveau vicaire apostolique de Babylone, François Picquet (Mgr Bikho, dans J.-B. Chabot, loc. cit., p. 85), et rentra en possession de son église, La vie de messire François Picquet…, Paris, 1732, p. 261-273 ; cf. p. '356368. L’opposition d’un intrus nestorien fut réduite, grâce à un flrman obtenu par Joseph sur le conseil du P. Jean-Baptiste de Saint-Aignan, cf. Clémente da Terzorio, op. cit., p. 136, firman qui lui reconnaissait le titre de patriarche de Diarbékir, Mardin et autres lieux, indépendant du patriarche de Mossoul.

Joseph n’ignorait pas qu’un titre ecclésiastique ne pouvait être conféré par le sultan ; il fit donc une instance auprès de la S. Congrégation de Propaganda Fide pour obtenir la confirmation du titre et le pallium. Mais la S. Congrégation fit observer, au mois d’août 1678, qu’en l’absence d’une élection de Joseph

comme patriarche, le Saint-Siège ne pouvait approuver la création d’un nouveau patriarcat par le Grand Turc au préjudice du patriarche nestorien. En 1680, toutefois, la question fut reprise à la demande de François Picquet, d’accord avec les missionnaires. Bien qu’aucune mention n’ait été faite d’une élection comme patriarche, la S. Congrégation, se contentant peut-être de l’acclamation qui avait suivi la lecture du firman, prit le 17 décembre 1670 un décret, qui fut approuvé par le souverain pontife, le 8 janvier 1681. On eut bien soin de ne pas mentionner le nom de Babylone, ni le titre qu’on avait donné à Sulâqâ, pour ne blesser aucun des deux patriarches nestoriens ; les termes employés furent : patriarchatus nationis Chaldxorum patriarchæ regimine deslilulus. Manuscrit Vatic. M. 8063, fol. 226-227 v° et 229. Mais le bref du 25 octobre 1683, qui accuse réception de la profession de foi prescrite avant l’usage du pallium est intitulé : Venerabili fralri Josepho patriarchæ Chaldœorum, S. Giamil, op. cit., p. 206.

La santé de Joseph I er avait été sérieusement ébranlée par -les tribulations qu’il avait endurées ; ayant la vue compromise, il se choisit comme coadjuteur, en lui donnant la consécration patriarcale, Joseph Slibâ, qui lui avait succédé en 1691 sur le siège de Diarbékir ; puis il se retira à Rome. Mais lorsque le nouveau patriarche annonça son élection, la S. Congrégation De propaganda Fide estima que la procédure suivie avait été défectueuse : le vieux patriarche dut remettre sa démission entre les mains du pape, qui, sur la proposition de la S. Congrégation, pourvut en consistoire à l'Église patriarcale en la personne dudit Joseph IL Les bulles, qui sont du 18 juin 1696, portent l’expression Ecclesia patriarchalis Babiloniensis (sic) nationis Chaldœorum. Vatic. loi. 8063, fol. 227 sq., 229 V.

Joseph II fut, lui aussi, en butte à de nombreuses persécutions : dès le 9 décembre 1702, le souverain pontife avait eu occasion d’envoyer une lettre d’encouragement aux fidèles chaldéens. S. Giamil, op. cit., p. 212 sq. En 1708, le patriarche, isolé et découragé, était prêt à se réfugier au Liban lorsqu’il écrivit au pape pour lui demander la permission de se retirer à Rome, comme avait fait son prédécesseur : lettre du 5 juillet 1708, ibid., texte arabe, p. 214 sq., traduction italienne, p. 213. Le pape répondit en lui rappelant que les prélats demeurant in partibus infidclium, bien qu’ils dussent faire leur visite ad limina par le moyen d’un procureur, pouvaient aussi la faire par eux-mêmes, lettre du 21 mai 1712, ibid., p. 216 sq. Joseph II ne se rendit pas à Rome ; il mourut de la peste dans le cours de 1713, âgé de 47 ans.

Deux jours avant de mourir, Joseph II avait désigné au choix des électeurs son disciple préféré, Timothée Maroghin, évêque de Mardin depuis 1696. L'élection ayant été ensuite régulièrement faite, la Propagande prit un décret favorable à sa confirmation en congrégation générale du 13 novembre 1713 ; bulle du 18 mars 1714. Vatic. lat. 8063, fol. 230-232 v°. Joseph III fut, comme ses prédécesseurs, soumis aux persécutions des nestoriens, d’autant plus furieuses que, tous les membres de la « nation » à Diarbékir s'étant faits catholiques, la grande église était tombée aux mains de ceux-ci. Déjà en 1721 et 1725 les difficultés avaient été telles que le pape avait jugé bon de lui écrire pour le consoler. S. Giamil, op. cit., p. 339-341. En 1726, les capucins, dont la présence était pour les catholiques orientaux un réconfort et une protection, furent obligés de quitter Diarbékir. Néanmoins, le catholicisme faisait des progrès. A Mossoul, où les catholiques n'étaient plus visités depuis 1722 que par des prêtres cachés sous des déguisements, le mouvement d’union était devenu