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les caractéristiques du livre de Nahum, dans les éléments du moins dont l’authenticité ne saurait être sérieusement contestée. Aucun des traits, en effet, de la prophétie ne trouve son application à l’époque des Asmonéens, alors que tous ses éléments, au contraire, cadrent parfaitement avec les événements du dernier quart du vir siècle. « Ce qu’il y a lieu d’observer, dit justement van Hoonacker, c’est qu’elle ne met pas en scène Jahvé lui-même comme auteur direct de la ruine de Ninive, et que l’intérêt d’Israël n’est pas explicitement relevé. Bien ne trahit mieux l’absence de spéculation eschatologique chez le prophète. Non seulement il écrit sous l’impression de la situation historique dont il est le témoin, ce sont les événements qui s’accomplissent ou se préparent qui absorbent toute son attention et qu’il décrit sans y chercher un motif de proclamer l’exaltation du peuple de Jahvé et son futur triomphe. Il est inutile d’insister sur la différence radicale qu’offre à cet égard la prophétie de Nahum, aux chap. ii-ni, avec celles de Joël, d’Abdias, etc. » Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 415.

II. — Le livrk. — 1° Analyse. Le titre du livre : Oracle sur Ninive > indique bien l’élément essentiel des trois chapitres qui le composent. Ceux-ci se groupent en deux parties bien distinctes et par leur obji’l et par leur forme littéraire surtout. La première, c. i et t. 2 du c. ii, (héb. i-n, 1, 3) commence par une description générale de la justice de Dieu et de sa colère vengeresse, i, 2-20 et se poursuit par l’annonce du châtiment de l’ennemi qui n’est pas encore nommé et par des promesses de délivrance pour Jbda, i, 11 + ii, 2. La seconde partie, ii, 1, 3-m (héb. ii, (2, 4-m), contient l’oracle proprement dit contre Ninive, ce qui précède tenant lieu d’introduction. Deux sections ou deux tableaux pour annoncer le proche châtiment de Ninive : d’abord ii, 1, 3-13 : ces versets font une peinture très vive de l’attaque contre Ninive et de sa dévastation, de la fuite de ses défenseurs et du pillage de la cité, relevant ironiquement le contraste entre l’antique tyrannie exercée parla puissante Ninive et la détresse qui va la frapper : puis le c. ni, qui reprend la description de la ruine de la capitale assyrienne en rappelant ses innombrables forfaits, cause de son châtiment, et surtout sa perlidie envers les autres peuples qui à leur tour la mépriseront et la railleront ; qu’elle ne se flatte pas d’être imprenable, pas plus que Thèbes elle n’est invincible, sa destruction sera totale, aux applaudissements de toutes les nations.

2° Unît ? et authenticité. — Ce simple coup d’osil sur le livre de Nahum révèle la différence très nette entre le c. i et les deux suivants. « Autant les tableaux des c. n-ni nous retracent des situations concrètes, contemplées ou pressenties dans leur vivante réalité ; autant le discours du c. i se borne à un développement d’idées abstraites. Il semble bien qu’à partir du v.. Il Ninive soit visée ; mais les griefs qui lui sont misa charge et le traitement dont elle est menacée, sont encore conçus sous des formules vagues et générales qui s’appliqueraient à tout ennemi quelconque d’Israël. On a, à bon droit, appelé cette composition un psaume. L’auteur y exalte le caractère redoutable et. la puissance de Jahvé, à qui rien ne résiste, qui accable ses ennemis, qui accablera notamment l’ennemi visé fi.. Il sq., sans ménagement et une fois pour toutes. » Van Hoonacker, op. cit., p. 418-449.

Si à ces remarques on ajoute que le c. t, dans sa forme primitive, constituait un poème alphabétique, voir ci-dessous, on comprendra que se soit posée la question de l’unité et de l’authenticité de l’oracle sur Ninive attribué dans son ensemble à Nahum.

Celle question a été posée pour la première fois par H. Gunkel dans un article de la Zeilscliri/l fur die A. T. Wissenschaft, 1893, p. 233 sq. Il y affirme non seulement l’indépendance du c. i, déjà reconnue par Berthold, mais aussi son origine différente. Dans ce qu’elle a d’essentiel l’hypothèse a été admise par presque tous les commentateurs dans le suite. En voici les principaux arguments, d’abord pour les fꝟ. 2-10 qu’il y a lieu de distinguer de 11-15. Ce premier groupe surtout, i, 2-10. révèle une époque plus récente que celle de Nahum : la forme acrostiche est trop artificielle pour avoir été utilisée par un prophète de la vigueur et de l’originalité de Nahum ; le ton, en réalité celui d’un psaume, est trop différent du langage prophétique, trop abstrait, trop théologique pour que l’on puisse attribuer le chapitre à la même main que les deux suivants d’allure si vivante : l’un est le langage de la réflexion, l’autre celui de la passion prophétique ; le caractère indéfini et eschatologique de ces versets et surfout de 3b-7 se distingue trop licitement de celui de l’oracle authentique des c. ii-iii ; ce caractère sans doute se retrouve dans le livre de Sophonie, mais c’est pour conduire à l’annonce d’événements historiques tandis, qu’ici, la théophanie eschatologique est sans issue pratique et sans rapport avec la catastrophe finale. Cf. J. M. 1’. Smith, op. eit., p. 268-269. Ces arguments n’ont certes pas une égale valeur ; celui par exemple qu’on tire de la forme alphabétique est loin d’être décisif, puisqu’on trouve un tel mode de composition poétique dans une œuvre, les Lamentations, qui n’est pas très éloignée de l’époque de Nahum. Il n’en reste pas moins que l’ensemble des arguments invoqués constitue une objection sérieuse contre l’authenticité de ces premiers versets du livre. Mais pourquoi, se demandera-t-on, les avoir ajoutés à l’oracle de Nahum ? L’addition a-t-elle été volontaire ou accidentelle ? Et si elle est volontaire, comme c’est probable, a-t-elle été composée à une époque assez récente pour servir d’introduction, ou bien utilisée par un rédacteur qui n’aurait pas remarqué sa forme acrostiche ? Autanl de questions auxquelles il est difficile de répondre avec certitude.

Quant aux versets 11-15 (héb., i, 11-14, ii, 1), auxquels il faut joindre le ꝟ. 2 du c. i, on a remarqué que les uns : 11, 12, 14 du c. i et 1 du c. n ont pour objet Ninive ou l’Assyrie, tandis que les autres : 13, 15 du c. i et 2 du c. n ont pour objet Juda ou Sion ; on en a conclu (Wellhausen et après lui presque tous les commentateurs) que la suite de l’oracle, représentée par i, 11, 12, 14, ii, 1, 3, était brisée par î, 13. 15, n, 2, qui malgré leur unité de ton et de point de vue. à savoir l’attente pleine d’espoir de la délivrance de Juda, sont regardés comme des gloses plus ou moins indépendantes, œuvre d’un ou plusieurs rédacteurs dont l’époque ne peut être que vaguement conjecturée : d’autres y voient un des éléments constitutifs du psaume alphabétique (Gunkel, Happel…) tandis que les versets 11, 12 ( ?), 14, et 1 du c. n seraient le commencement de l’oracle authentique de Nahum (Smith). Sleuernagel le trouve, ce commencement, dans i, 12 : « Ainsi parle Jahvé » ; van Hoonacker dans ti 1, 3… A ces conclusions, dont il n’est pas nécessaire de souligner le caractère hypothétique, ajoutons cette simple remarque suggérée par l’étude de i, 11-n, 3 : toute cette partie du texte de Nahum où se révèle un désordre aussi bien au point de vue de la suite des idées que du sens même des phrases, a dû être fortement remaniée.

L’unité et l’authenticité du reste du livre, ni, 3-n, sont généralement admises et ne sauraient d’ailleurs être sérieusement contestées. « Par la stricte identité de leur objet et l’enchaînement des tableaux qui y