Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée

217

NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES MONGOLS

218

fait entrevoir quelle était la situation. Laurent, Peregrinationes Medii JEvi quatuor, Leipzig, 1864, 131. Le biographe ne signale, en vérité, aucun différend entre le catholicos et ses évoques, à part la calomnie dont il lut victime au début de son pontificat, mais les évêques ne jouent aucun rôle dans cette biographie, d’où l’on peut inférer que le catholicos les tenait à distance.

Ce n’est pas toutefois le manque de cohésion entre les prélats nestoriens, qui amena bu début du xive siècle le déclin de leur Église. Celle-ci fut surtout éprouvée par les vicissitudes de la politique. Dès 128(1, la rupture entre Ghazan et son suzerain, Toghon Timour, petit-fils de Koubilaï, eut pour effet de raréfier les relations entre l'Église mère et ses colonies d’Asie centrale et de Chine. Les missionnaires cessèrent d’y affluer, alors qu’ils y étaient encore nécessaires, comme le disaient à Saumà et à son disciple, partant pour l’ouest, les gouverneurs de Kuoseng : « Pourquoi abandonnez vous notre contrée et allez-vous en Occident ? Nous nous donnons beaucoup de peine pour attirer ici de l’Occident des moines et des évêques, comment pouvons-nous vous laisser partir ? » Revue de l’Orient latin, t. i, p. 585 sq., extrait, p. 19 sq. Pourtant la situation n’empira pas immédiatement en Chine, on le clergé continuait d'être exempt d’impôts et entretenu par l'État, où le bureau chargé de l’administration ecclésiastique fut même amplifié en 1315, pour être ramené il est vrai à son état primitif en 1320. G. Devéria, Notes d'épigraphie mongole chinoise, p. 395-399. 416 sq. En 1335, l’empereur s’oc cupe encore de fixer le rituel à suivre dans l'Église nestorienne où repose le corps de la mère des empereurs Mangou et Koubilaï, ibid., p. 419 sq. : mais en 1337, les révoltes contre la dynastie mongole s’organisent dans diverses provinces et aboutissent en 1309 à l’avènement d’une nouvelle dynastie, celle des Ming. Tout ce que les Mongols avaient introduit ou favorisés fut balayé : avant la fin du xive siècle, pour la deuxième fois. le christianisme était annihilé en Chine.

L’effritement des chrétientés d’Asie centrale se produisit dans le même temps : les inscriptions funéraires de la province de Sémiriétchié ne descendent pas au delà de 1315 : les chrétientés de Pichpek et Tokmak, éprouvées par la peste en 1338 et 1339, furent détruites par la persécution et les conversions plus ou moins forcées à l’Islam. Au cimetière d’Almaliq l’inscription la plus récente est de 1372 : un évangéliaire persan, pour le rit nestorien, fut encore copié à Samarkand, en 1374. E. Blochet, Bibliothèque nationale, Catalogue des manuscrits persans, t. i, p. 8, nonobstant l’observation rapportée par F. Nau, Les pierres tombales nestoriennes du Musée Guimet, dans Revue de l’Orient chrétien, t. xviii, 1913, p. 11. Toutefois, le zèle de Tamerlan en faveur de l’Islam dut accélérer la disparition des groupes nestoriens, même là où il ne porta pas la guerre et la destruction. En Perse et en Mésopotamie, où beaucoup de nestoriens périrent alors, l’anarchie qui prévalut sous les Djelaïrides et le fanatisme chiite avaient déjà causé dans les chrétientés des pertes irréparables.

L’histoire de l'Église nestorienne au xive siècle nous échappe à peu près complètement. Nous savons tout juste comment fut élu Timothée II, successeur de Yahballâhâ III, qui fut choisi en raison de sa connaissance des langues, comme le rapporte un de ses électeurs, Ébedjésus, métropolitain de Nisibe, dans sa collection canonique, Bibliotheca orientalis, t. iii, p. 569. Ébedjésus mourut en 1318 et la réunion du synode de Timothée est le dernier fait connu : après cette date s’ouvre une brèche de deux siècles, pour laquelle on ne peut proposer que sous réserves une série de catholicos, où les noms trouvés' dans les listes

sans garanties ne recouvrent pour nous aucune personnalité.

Et pourtant, au moment de sa plus grande expansion, sous Yahballâhâ III qui en trente-six ans de pontificat avait consacre 75 évoques ou métropolites, l'Église nestorienne avait compté près de trente provinces. Les noms en sont rapportés dans un ordre un peu différent par Ébedjésus, donnant l'état de l'Église à la mort de Yahballâhâ, A. Mai, Scriptorum veterum nova collectif), t. x a, p. 303 sq., trad., p. 141 sq., et par Amr, éd. Gismondi, p. 126. trad., p. 72 sq., qui donne une liste plus considérable. La première province, qu’on oublie souvent de mentionner, était celle de Séleucie, dont le catholicos était le titulaire, et qui s'étendait sur une bonne partie de la Babylonie. Après elle venaient les provinces d’ancienne création, contenues dans les limites de l’ancien empire sassanide : Gondisapor ou Élain, Nisibe, Bassorah, Mossoul, Arbèles, Beit Garmaï, Fars, Merv, Holwan, Hérat. Des provinces de la diaspora, Ébedjésus mentionne seulement : Indes, Chine, Samarqand, Arménie (Amr : Barda’a), Damas, ajoutant que quatre provinces créées par Timothée I er avaient disparu de son temps. Amr mentionne encore : Ursam (?), Édesse, Qutruba, qui est Socotra, Ray, Tabaristan (ou Ray et Tabaristan), Daylam (province au sud de la Caspienne), Turkestan ( - pays des Turcs, à ne pas prendre dans l’acception actuelle de Turkestan russe ou chinois), Khalikh (en Hyrcanie, ou Balkh en lisant Halah), Ségestan (dans l’Afghanistan actuel), Khanbaliq et Faliq, Tangout (au nord du Thibet), Kachgar (dans le Turkestan chinois) et Nouaket (Ferghana 9).

Voilà quelle a été l'Église que nous retrouverons au xvie siècle, à peu près entièrement concentrée à l’est du Tigre, entre les lacs de Van et d’Ourmiah, n’ayant conservé de son ancienne extension que la chrétienté du Malabar et quelques groupements dans des centres d'échange, Édesse, Damas ou Jérusalem.

Sur Yahballâhâ III, cf. U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du Moyen Age, Bio-bibliographie, 2e éd., t. ii, Paris, 1905-1907, col. 2297, s. v. Jabalaha ; R. Hilgenfeld, Jabalahæ III catholici nestoriani vita ex Slivæ Mossulani libro, qui inscribitur Turris, desumpta, Leipzig, 1896 ;.1. A. Montgomery, History of Jaballaha III, NewYork, 1927 ; Sir E. A. W. Budge, The monks of Kublai khân emperor of China, Londres, 1928 ; J. Vosté, Memra en l’honneur de Iahballaha III, dans le Muséon, t. xi.ii, 1929, p. 168-176.

Il y a passablement à prendre pour cette période dans les relations des voyageurs occidentaux, surtout dans le récit de Marco Polo, très bon observateur, qui vécut en Chine de 1271 à 1288 et fut souvent le missus dominicus de Koubilaï, le « mouchard de confiance de Koubilaï », dit le P. Wieger, Textes historiques, t. iii, s. 1. et a., p. 1962. On trouvera tous les passages de Marco Polo sur les nestoriens s. v. Cristianesimo, dans la monumentale édition de L. F. Benedetto, Marco Polo, Il Milione, dans Comilato geografico nazionale italiano, pubblicazione n. 3, Florence, 1928, p. 265. Voir à la fin du paragraphe suivant l’indication des autres relations écrites par des missionnaires.

Sur les sièges métropolitains et épiscopaux : C, E. Bonin, Noie sur les anciennes chrétientés nestoriennes de l’Asie centrale, dans Journal asiatique, sér. IX', t. xv, 1900, p. 584592 ; A. Mingana, Early spread of christianity in central Asia and the Far East, dans Bulletin of the John Rylands library, t. ix, 1925, p. 318-330.


VII. Les papes et l'Église nestorienne au Moyen Age. —

Le clergé franc était entré en relations, au cours du xiie siècle, avec les représentants de toutes les Églises orientales, résidents ou pèlerins de Palestine et Syrie. Dès les premiers contacts, sur une terre où les chrétiens avaient été si durement opprimés par l’Islam, on pensa de part et d’autre à