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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES MONGOLS


d’honneur, un petit trône, une ombrelle, signe de sa haute situation, une tablette d’or lui donnant un rang dans la hiérarchie mongole ; enfin, il lui confirma l’usage du sceau dont s'étaient servis ses prédécesseurs depuis la concession de Mangou. Loc. cit., p. 607 sq., extrait, p. Il sq. Yahballâhâ redescendit à Séleucie et y fut consacré dans la grande église le 2 novembre 1281, mais la résidence habituelle des catholicos n'était plus en Mésopotamie ; ils s'étaient transportés dans la région où vivaient de préférence les ilkhans, leur siège était établi à Maragha.

La faveur d’Abagha fut de courte durée ; il mourut en 1282 et la pension qu’il avait assignée au catholicos fut supprimée. Bien plus, au cour de la compétition qui eut lieu entre Arghoun, fils d’Abagha, et son oncle, Ahmed, Yahballâhâ fut accusé auprès d’Ahmed par deux évêques ambitieux, ce qui lui valut un emprisonnement de quarante jours. Arghoun l’emporta en 1284 ; le catholicos s’empressa d’aller le féliciter et fut bien reçu : les évêques accusateurs fuient excommuniés et déposés. L'Église nestorienne continuait à se mouvoir à l’ombre du trône. Yahballâhâ gagna peu à peu en influence ; lorsque Arghoun, reprenant le dessein d’Abagha, désira entrer en relations avec les princes d’Europe pour une action commune en Palestine, il demanda au catholicos de lui donner un homme de confiance, qui pourrait lui servir d’ambassadeur. Yahballâhâ désigna son maître, Saumâ, qui, dit le biographe, était le seul à posséder les connaissances linguistiques utiles. Trad. Chabot, Reime de l’Orient latin, t. ii, p. 81, extrait, p. 53. Il s’agit sans doute du persan, que Saumâ employait aisément, puisqu’il rédigea dans cette langue le récit de son voyage. Ibid., p. 121, extrait, p. 93. Peut-être aussi connaissait-il l’arabe, pour lequel il était encore plus facile de trouver des interprètes en Occident, tandis que personne n’y entendait le mongol. On se rappelait sans doute que l’ambassadeur d’Inno cent IV, Jean de Pian di Carpine, n’avait pas cru inutile d’emporter une lettre en persan, tandis qu’une lettre mongole envoyée par Abagha était demeurée incomprise, eo quod in curia Sanctitalis Vestræ litteras sciens mogalicas nullus reneritur, disait Abagha dans une lettre latine de l’année suivante au pape Clément IV. Rrg. Val. 62, fol. cxxxvin v".

Arghounne cessa pas de favoriser les chrétiens, son fils Kharbanda fut baptisé. Lorsque Arghoun mourut à la fin de 1290, son successeur, Kaïkhatou, conserva la même ligne de conduite : il comblait le catholicos de cadeaux à chacune de leurs rencontres, soit que l’ilkhan vint à Maragha, soit que le catholicos se rendît à Vordou, mais Kaïkhatou fut assassiné le 23 avril 1295, et une nouvelle ère de tribulations s’ouvrit pour les chrétiens de Perse. L’ilkhan Ghazan était avant tout mongol et disposé à continuer, malgré son adhésion à l’islam, la tolérance de tradition chez les Gengiskhanides. niais l’administration de ses Klats ayant été organisée suivant les usages des États musulmans, ses ministres persans se trouvèrent en mesure de faire payer aux chrétiens la faveur dont, ils avaient joui sous les précédents monarques. La biographie de Yahballâhâ n’est plus guère, à partir de cette date, que le récit d’une suite de persécutions, séparées par quelques accalmies, obtenues seulement lorsque le catholicos pouvait avoir audience de l’ilkhan et réussissait ensuite à faire respecter les intentions du souverain. De septembre 1295 à Pâques 1290, première période de terreur : les églises sont détruites, fidèles et clergé sont menacés de mort : tout est prétexte à extorsion d’argent et à pillage. Une visite du catholicos à l’ilkhan en juillet 1296 amène un peu de calme, mais la persécution reprend à Maragha au carême de 1297. Le christianisme a cependant

encore des partisans dans la famille régnante : c’est une princesse qui sauve le catholicos et les évêques. Trad. Chabot, loc. cit., p. 211, extrait, p. 121. Les chrétiens sont soumis à la capitation, obligés de porter un signe distinctif, (fui leur attire le mépris, les injures et les coups. Le catholicos n’y tient plus, il demande l’autorisation de rentrer dans son pays, où les Mongols, soumis a l’influence du bouddhisme sont demeurés tolérants ; i ! se contenterait même de pouvoir passer dans le pays des Francs, pour y terminer sa vie. Ibid., p. 248, extrait, p. 128. On voit par cette double proposition que la rupture de Ghazan avec le grand khan empêchait Yahballâhâ d’espérer une réponse favorable à la première alternative. Le catholicos ne partit pas, mais rentra en faveur auprès de Ghazan, troina le moyen de rebâtir la résidence de Maragha, voyagea pour le gouvernement de son Église et obtint même que le souverain lui fît faire un nouveau sceau, identique à celui de Mangou-khan, disparu dans le pillage de 1297. Le fait qu’il obtint cette réplique prouve qu’il continuait à être regardé comme le chef officiel de tous les chrétiens. Vers la fin de sa vie, Ghazan avait été complètement gagné par le catholicos : en 1303, il le combla d’honneurs, lui donna son propre manteau, lui envoya un cheval de prix, un vase de cristal, des émaux de valeur. Mais Ghazan mourut à la Pentecôte de 1304. Oldiaïfou, fils d’Arghoun, qui lui succéda était un fils d’une chrétienne devenu musulman. Retenu par son oncle maternel, il ne se lança pas tout de suite dans la persécution ; Yahballâhâ ne put obtenir en 1306 que cessât la perception de la capitation, dont les chrétiens étaient frappés, mais en mai 1308, les ecclésiastiques en furent dispensés, et en 1309, r.près que l’ilkhan eut apprécié l’hospitalité du monastère de Maragha, l’exemption de la capitation fut acquise à tous les chrétiens d’Arbèles C’en était trop pour les musulmans ; ils prirent prétexte d’une dispute entre les chrétiens de cette ville et les habitants de la montagne, pour monter une affaire qui se termina par un massacre général des chrétiens d’Arbèles, où le catholicos lui-même faillit périr.

Yahballâhâ ne devait mourir que le 13 novembre 1317. Ses dernières années furent tristes : l’affaire d’Arbèles l’avait rendu suspect à l’ilkhan, auprès de qui on l’avait représenté comme l’instigateur de l’attitude de révolte prise par les chrétiens, lorsque, prévoyant le massacre, ils s'étaient refusés à sortir de la citadelle où ils s'étaient enfermés. S'étant présenté à Vordou en 1310, Yahballâhâ ne put obtenir la conversation qu’il désirait, lui qui avait été choisi jadis comme le meilleur intermédiaire possible entre les princes régnants et l'Église nestorienne. Il était fondé à s'écrier dans son découragement : > Je suis las de servir les Mongols. » Loc. cit., p. 298, extrait, p. 187.

Yahballâhâ était doux et bienveillant : il entretint avec les représentants des autre Églises les meilleures relations. Barhébneus, mafrien des jacobites, fait son éloge en disant qu’il était un homme naturellement bon et craignant Dieu, et qu’il usa envers lui et les siens de la plus grande charité. Chronicon ecclesiasticunt, t. iii, col. 453. C’est ainsi qu'à la mort de Barhébræus, laquelle arriva en 1286, au cours d’un voyage du mafrien à Maragha, Yahballâhâ régla le deuil des diverses communautés chrétiennes de la ville à l’entière satisfaction des jacobites. Ibid., col. 173-470. Cette tolérance, naturelle chez un Mongol éduqué en Chine, que Yahballâhâ étendait aux missionnaires latins, comme on le verra au paragraphe suivant, ne devait pas plaire aux évêques nestoriens. Le dominicain Ricoldo de Montecroce, qui rencontra le catholicos à Bagdad en 1290, nous