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NKSTOR1ENNE (L'ÉGLISE) KN CHINK


L'évêque Jean, dont le nom ouvre la série des 70 membres du clergé inscrits sur les faces latérales du monument, n’a pas d’autre qualificatif. Le prêtre Georges, archidiacre de Kumdan, était maqrgânâ, c’est-à-dire chargé d’enseigner à bien lire la Bible. Il y avait encore, semble-t-il, deux chorévêques nommés tous deux Mar Serge, avec des noms chinois différents, dont le deuxième aurait été chargé de Chiang-tsoua (shiang-thsua), partie du Chen-si, d’après M. Sæki, op. ci !., p. 254-256, tandis que M. Pel liot préfère voir dans l'énigmatique Si’angisua du syriaque un titre bouddhique. T’oung pao, sér. II, t.xii, 1911, p. 6(59-690. Vingt-quatre prêtres sont désignés comme tels (qasisâ), dont quatre sont qualifiés de moines, ou plutôt solitaires (ihidâyâ), un autre « prêtre du tombeau » et un autre doyen. Il n’y a qu’un seul diacre, en plus du lils de Yazd-bôzëd, et un portier ou sacristain. Les autres noms, accompagnés en chinois d’un signe que M. Sæki rend abusivement par prêtre, devaient être des moines laïcs ; leurs noms ne sont accompagnés en syriaque d’aucune qualification.

Quelle chrétienté y avait-il derrière ce clergé? Sans doute, il y avait dans les ports et dans les centres commerciaux de l’intérieur, le long des fleuves, que remontaient alors les embarcations venues de Perse ; G.Ferrand, Relations de voyages et te.iles géographiques, t. i, p. 96, citant Masûdï, un certain nombre de nestoriens venus pour le négoce, mais il y avait aussi, probablement surtout dans les villes, un nombre important de chrétiens chinois : l’inscription le dit formellement. Pendant les vii « et viiie siècles, dans toute la Chine, mais surtout dans la capitale, car il était important d’obtenir l’oreille du souverain, se côtoyaient les missionnaires de plusieurs religions, faisant du prosélytisme à outrance, dans une concurrence pas toujours loyale. Les moines perses, introduits par leurs compatriotes marchands, sont accourus à cette mêlée dans le noble but de propager la religion chrétienne ; ils se sont trouvés à Si-ngan-fou, comme ils l'étaient à Ctésiphon, près de monarques, qui n'étaient pas de leur religion, mais dont plusieurs étaient bien disposés. De même que des diacres, comme l’un des BoUtiso', étaient à Bagdad médecins des califes, les prêtres nestoriens en Chine se prêtaient volontiers au gouvernement pour occuper des fonctions publiques ; on en connaît qui, au milieu du viip siècle, étaient interprètes auprès des mercenaires ouigours, et notre Yazd-bôzëd s'était vu confier une haute dignité militaire, sans doute parce que ses connaissances linguistiques lui permettaient de coordonner plus facilement l’action de troupes appartenant aux races les plus diverses. Mais le clergé nestorien n'était pas seulement un clergé de cour : les monastères rayonnaient, comme rayonnaient les grands centres monastiques d’où étaient partis les premiers missionnaires, comme d’ailleurs rayonnaient aussi les monastères bouddhiques, puisque ce fut ce rayonnement qui provoqua la suppression des uns et des autres en 845. Il n’est pas permis de mettre en doute l’esprit apostolique de ces moines, dont le patriarche Timothée Ier disait quelques années plus tard : « beaucoup traversent les mers vers l’Inde et la Chine avec un bâton et une besace seulement. » Epistulæ, dans Corpus scriplorum christianorum orientalium, Scriplores sijri, ser. II, t. lxvii. p. 107, trad., p. 70. M. Sæki pense que le nombre des chrétiens en Chine à la fin du viir siècle était très grandsi nous ne trouvons pas leur trace, n’est-ce pas parce que, dans la Chine surpeuplée, bâtiments et monuments disparaissent vite lorsqu’ils ont cessé d'être utiles, et aussi parce que les recherches archéologiques y ont « été très peu développées ? Tout espoir, ne doit pas

être perdu, témoin cette croix, avec quelques mots du ps. xxiv, 6, en syriaque, trouvée en 1920 a quelque distance de Pékin. F. C. Burkitt, A new nestorian monument in China, dans The Journal of theological sliulies, 1920-1921, t. XXII, p. 269.

Qu’y avait-il comme clergé indigène pour encadrer ces chrétiens ? C’est très difficile, à déterminer : les noms que les chrétiens reçoivent au baptême abolissent la marque de leur nationalité, ils reflètent tout au plus celle des missionnaires qui les ont baptisés. Les noms les plus spécifiquement syriens, IMsihâdâd ou Sabriso', peuvent avoir appartenu aux plus authentiques Chinois. Nous croirions volontiers que, dans l’importante liste de la stèle, tous ceux-là sont Chinois dont le nom chinois n’a aucune relation phonétique avec le nom syriaque. Nous aurions ainsi comme persans d’origine : Yazd-bôzëd = Yi-sseu, Gabriel = Yeh-li, évêque Jean = Yao-loun, Éphrem = Fou-lin, et d’autres, ceux en particulier dont le nom syriaque n’est pas accompagné d’un correspondant chinois, mais il faudrait retenir pour Chinois le chorévêque Mar Serge = Ling-pao, l’examinateur Sabriso' = Hsing-t’oung et beaucoup d’autres. C’est là pourtant que devait se trouver la faiblesse de l’organisation chrétienne en Chine : alors qu’il y avait 2 000 moines nestoriens et musulmans (?), Sæki, op. cit., p. 89 et note, lorsque les taoïstes obtinrent en 845 l'édit de fermeture des monastères et de proscription des religions étrangères, il n’y avait plus aucune chrétienté en Chine, lorsqu’en 980 environ le catholicos 'Abdiso' I" y envoya une mission de six moines chargés d’en reconnaître l'état. Kilâb alFihrist, édit. Fliigel, Leipzig, t. i, 1871, p. 349, trad. française dans G. Ferrand, Relations de voyages et textes géographiques…, p. 129. L’explication du P. Wieger est catégorique : « Branche morte de l’arbre de vie, (les nestoriens) ne furent pas une bouture chrétienne, ne poussèrent pas de racines, durèrent autant que la faveur impériale, et disparurent quand celle-ci cessa. » Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine…, Sienhsien, 1917, p. 531. L’examen des circonstances historiques suggère quelques restrictions à apporter à ce jugement sommaire : l’afflux des chrétiens étrangers en Chine, et donc aussi des missionnaires, se ralentit au cours du ixe siècle, parce que, d’une part, le. commerce passa des Perses aux Arabes tous musulmans, tandis que d’autre part le voyage par mer devenait difficile, en raison de l’insécurité qui prévalait dans les mers d’Extrême-Orient. C’est alors que les bateaux partis des côtes d’Arabie cessèrent d’aller jusqu’en Chine, et commencèrent de s’arrêter à Kalah, dans le détroit de Malacca, pour y attendre les marchandises qui y arrivaient sur bateaux chinois. Sans doute, Timothée Ier (780-823) ordonna encore un métropolite pour le Beit Sinâyë, voir Thomas de Marga, The book of governors, p. 238, trad., p. 448, mais ce fut peut-être le dernier évêque envoyé pour lors en Chine. Or on sait qu’une chrétienté ne peut subsister sans évêque au delà d’une génération. M. Sæki pense que beaucoup de chrétiens passèrent à l’islamisme ou à la société secrète des Tchin-tan chiao, ou « religion de la pillule d’immortalité », dont il identifie le fondateur. LuYen, avec le calligraphe de l’inscription de Singan-fou, qui était en tout cas son contemporain. Op. cit., p. 56-61. Quoi qu’il en soit, il est certain que la semence de christianisme avait été abondamment répandue sur le sol chinois ; elle a laissé de nombreuses traces dans les religions qui ont pu se suffire avec les ressources locales, et ont refleuri après la crise de 845, bouddhisme et sectes apparentées, voir A. E. Gordon, Asian christology and the Mahâyanâ, Tokyo, 1921, p. 98-271.