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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) EN CHINE


M. Sæki a fait un relevé minutieux des expressions bouddhistes et taoïstes contenus dans la stèle, il y a reconnu également une citation d’un ouvrage chinois, op. cit., p. 187 ; cela prouve que le prêtre persan, Adam, s'était fort bien adapté au milieu où il vivait. On ne s’y prend pas de la même façon pour convertir des barbares, qui n’ont pas d’alphabet, et des peuples de vieille civilisation comme les Aryens de l’Inde et les Chinois ; aux premiers on impose ses termes, on cherche d’abord à comprendre les expressions et les habitudes des derniers. Le clergé nestorien des Indes n’a converti que les représentants d’une race refoulée et déchue ; en Chine, les moines qui vivaient dans la capitale ont suivi la tactique que suivra le P. de Nobili : ils sont entrés largement, trop largement peut être, dans la voie de l’adaptation et du syncrétisme. Le P. Wieger reconnaît d’ailleurs un peu plus loin, p. 543 sq., que la connaissance de la Trinité était parvenue aux taoïstes avec une précision assez remarquable, dans les mêmes années et par le moyen desdits nestoriens : c'était donc bien, à leur hérésie près, le vrai christianisme que ceux-ci prêchaient.

L’inscription donne ensuite les principales phases de l’extension chrétienne dans la Chine des T’ang : « T’ai Tsoung, l’empereur accompli, inaugurait avec gloire et splendeur son règne magnifique (627-649)… et voici qu’un homme de grande vertu, nommé O-lo-pen, du royaume de Ta Ts’in, consultant les signes du ciel bleu, décida d’apporter les Livres véritables ; observant le cours des vents, il fit son chemin à travers difficultés et périls. » Le récit continue de son arrivée dans la neuvième année du roi (635) à Tehangnan, qui est Si-ngan-fou, de la réception officielle qui lui fut faite, puis de la traduction des livres avant toute prédication, enfin de l’approbation donnée deux ou trois ans plus tara par le monarque. La stèle donne ensuite le texte d’un édit en faveur de la religion chrétienne, pierre d’achoppement pour les ennemis de l’authenticité, qui en est devenu un confirmatur. depuis que le même texte a été retrouvé dans un livre chinois, le T’ang Hui-yao, composé en 982 (voir cependant l’observation de Sæki sur ce que le livre a été révisé profondément au xvine siècle et pourrait avoir été retouché d’après l’inscription, op. cit., ꝟ. 211). A la suite de ce rescrit un monastère fut construit dans la capitale, où vingt et un moines devaient être maintenus aux frais æ la couronne.

L’empereur suivant, Kao Tsoung (650-083). développe les concessions faites, en donnant l’ordre de bâtir une église chrétienne dans chaque arrondissement (tchcoa), et en conférant à O-lo-pen le titre de gardien et chef de la Grande doctrine pour tout l’empire. L’auteur de l’inscription déclare qu’en fait la religion chrétienne se développa dans les dix provinces : des monastères fuient construits dans plusieurs villes et beaucoup de familles jouirent des bienfaits de la religion. Développement trop rapide peutêtre, où les néophytes ne purent recevoir une suffisante formation chrétienne, danger pour la période troublée qui allait suivre ; car en 699 au Honan, et en 713, près de Si-ngan-fou, les chrétiens eurent maille à partir avec les bouddhistes. « Mais arrivèrent alors le métropolite Abraham (Lo-han), l'évêque Cyriaque (Ki-lie) et d’autres, en même temps que, des hommes nobles æ la région de l’or (Bactriane ou Tokharestan), avec des prêtres éminents, qui avaient dédaigné les intérêts matériels. Ils coopérèrent tous dans la restauration des grands principes fondamentaux, et s’unirent pour relier les liens brisés. » Il y eut peut-être plusieurs arrivées différentes : Ki-lie, que M. Sæki a proposé de lire Cyriaque, parvint en Chine en octobre 732, comme membre d’une ambassade venue de Perse, citée par plusieurs textes chinois, op. cit., p. 225 sq.

L’empereur Hiouen Tsoung (712-754) montra vis-àvis des chrétiens une particulière bienveillance et restaura la situation ébranlée. Sous son règne on signale encore l’arrivée d’un nouveau missionnaire nommé Chi-ho (744), en qui M. Sæki reconnaîtrait un évêque Georges (Giwargis), p. 230.

Il semble cependant que la situation du christianisme ne s'était pas rétablie partout, car Sou Tsoung (756-762) reconstruisit les monastères de Ling-wou et de quatre autres endroits. Tai Tsoung (762-779) continue aux moines la plus grande faveur, étant également bienveillant d’ailleurs pour les musulmans, les bouddhistes, les manichéens. Il envoyait de l’encens aux moines au jour anniversaire de sa naissance et leur faisait porter des mets de sa table. Sæki, op. cit., p. 232-234. Cet auteur suggère même que la fête anniversaire de la naissance de l’empereur aurait été instituée en 729, à l’instar de la fête de la Nativité de N.-S., que les Chinois voyaient célébrer par les moines. L’empereur régnant, Te Tsoung (780-805) a conféré au persan Yazb-bôzëd, devenu Yi-sseu, le.ï plus importantes dignités : quoique prêtre, du clergé blanc ou marié d’ailleurs, il a obtenu le titre de mandarin du premier rang avec l’insigne d’or et la robe pourpre, il a été nommé commandant militaire en second pour la région septentrionale de l’empire, et inspecteur des examens de la salle impériale. C’est lui, principal bienfaiteur des quatre couvents nestoriens de la capitale, qui chaque année en réunit les habitants pour une de ces fêtes, dont la stèle de Si-ngan-fou est le splendide monument commémoratif.

Après la partie poétique, où n’apparaît aucun détail nouveau, le texte, entremêlé de syriaque et de chinois, raconte les circonstances de l'érection et la liste de ceux qui avaient pris part à la fête, probablement tout le clergé de la capitale. La date est exprimée suivant le comput chinois et dans l'ère des Séleucides, 1092 qui est 781 de notre ère, mais il est dit que le catholicos était alors Hênâniso' IL, lequel a’après Assémani, Bibliolheca orienlalis, t. m a, p. 616, serait mort à la fin du 777 ou au commencement de 778. Mais on a reconnu depuis que sa mort devait plutôt être placée en 780, et il est naturel qu’elle n’ait pas été connue de suite au milieu de la (mine. Il faut en tout cas renoncer à reporter l'érection de la stèle à l’année 779, comme l’a tenté M. Mingana, Early spread of christianity in Central Asia and the Fâr Easl : a new document, dans Bulletin oj the John Rylands librarꝟ. 1925, t. ix, p. 331-333, se basant sur l’hésitation à propos du début de l'ère des Séleucides constatée dans le colophon d’un manuscrit nestorien écrit en Chine à cette époque, car la date chinoise ne peut être corrigée.

Yazd-bôzëd est nommé en syriaque chorévêque de Kumdan qui est Si-ngan-fou ; il était, nous dit-on, fils de Miles, prêtre de Balkh, et avait un fils diacre, nommé Adam. Presque tous les personnages nommés ont un double nom, syriaque et chinois, mais les titulatures qui accompagnent ces noms ne sont pas identiques dans les deux langues, car on a écrit en syriaque les titres ecclésiastiques et en chinois ceux qui étaient à la collation de l’empereur. Des deux dignitaires chargés de vérifier l’exactitude de l’inscription, l’un Sabriso' ou Hsing t’oung, est examinateur, l’autre, examinateur en second, Gabriel ou Yeh-li, est protoprêtre du monastère, honoré de la robe pourpre, directeur du bureau impérial des cérémonies, de la musique et des sacrifices ; il est en même temps archidiacre, ayant autorité sur les Églises de Kumdan et Sarag, c’est-à-dire les deux capitales des T’ang, l’occidentale et l’orientale, Si-ngan-fou et Lo-yang. P. Pelliot, L'évêché nestorien de Khumdan et Sarag, dans T’oung pao, 1928, t. xxv, p. 91 sq.