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NESTORIENNE (L’EGLISE) EN CHINE


la prééminence à la religion chrétienne. Le texte a été composé par le prêtre Klng-Tslng, autrement Adam, qui est l’auteur d’une hymne baptismale à la Trinité retrouvée à Touen-Houang par M. Pelliot, et qui aurait traduit un certain nombre d’ouvrages chrétiens, dont les titres, au nombre de 35, sont enregistrés à la suite de l’hymne, P. Pelliot, Une bibliothèque médiévale au Kan-Sou, dans Bulletin de l'École française d’Extrême-Orient, 1908, t. viii, p. 518-519 ; tract, anglaise par Sæki, op. cit., p. 66-70, reproduction du texte chinois de l’hymne, p. 272. Nous savons par ailleurs que ce même prêtre, d’origine persane, collabora après 782 à la traduction d’un texte bouddhique, du ouïgour en chinois, à la demande d’un bouddhiste indien, nommé Prajna. J. Takakusu, The name o o Messiah » fonnd in a buddhisi book. (lie neslorian missionary Adam, presbyter, papas oj China, translating a buddhisi sùtra, dans T’oung Bao, 1896, t. vii, p. 589 sq., reproduit par Sæki, p. 71-74, texte chinois, p. 289. Ce que nous savons sur Adam-King Tsing s’accorde donc parfaitement avec le symbolisme des représentations signalées.

La teneur de l’inscription se divise en cinq parties : 1° exposé doctrinal ; 2° historique de la chrétienté de Chine, vu de la capitale, de 635 à 781 ; 3° éloge de Yi-sseu ; 4° éloge poétique des empereurs cités dans la partie historique ; 5° acte d'érection de la stèle. L’exposé doctrinal vaut d'être reproduit dans son entier, car il montre ce que des chrétiens habitant la Chine, dans un temps où plusieurs religions s’y coudoyaient, osaient écrire sur une pierre accessible à tous, et aussi ce qu’ils croyaient devoir omettre ou exprimer dans un langage voilé. Nous nous servirons de la traduction française du P. Havret, telle qu’elle se trouve, complétée, dans F. Nau, L’expansion ncslorienne en Asie, dans Annales du Musée Guimet, Bibliothèque de vulgarisation, t. xl, Paris, 1914, p. 347-383, de la traduction anglaise de Sæki, op. cit., p. 162-180, en tenant compte de ses notes explicatives, p. 181256, et des variantes à la traduction proposées par L. Giles, Noies on the nestorian monument at Sianfu, dans Bulletin o) Ihe school of Oriental studies, London Institution, t. i, part. 1, 1917, p. 93-96 ; part. II, 1918, p. 16-29 ; part, fil, 1920, p. 39-49 ; part. IV, p. 15-26,

Monument (commémorant) la propagation dans l’Empire du Milieu de l’illustre religion de Ta Ts’in.

Éloge (gravé) sur le monument (commémorant) la propagation de l’Illustre religion dans l’Empire du Milieu, avec préface, composé par King Tsing, prêtre du monastère de Ta Ts’in (en syriaque), Adam, prêtre et chorévêque, pafsi de Chine.

En vérité, Celui qui est pur et paisible, qui étant sans principe est l’origine des origines, incompréhensible et invisible, toujours mystérieusement existant jusqu'à toute fin, qui contrôlant l’axe caché de l’univers, a créé et développé toutes choses, donnant mystérieusement l’existence à de nombreux sages, étant le premier digne d’hommages n’est-ce pas notre Dieu (Allaha), Trinité une, substance mystérieuse, inengendré et vrai Seigneur ?

Séparant en forme de croix, pour les déterminer, les quatre quartiers de l’univers, il mit en mouvement l'éther primordial et produisit le double principe. Les ténèbres et le vide furent transformés : le ciel et la terre apparurent. Le soleil et la lune tournèrent : les jours et les nuits commencèrent. Ayant projeté et accompli toutes choses, il façonna et dressa le premier homme, lui donna l’intégrité et l’harmonie, puis lui conféra la domination sur l’immensité des créatures. La nature originelle de l’homme était pure, humble et sans enflure ; son esprit était libre d’aprétits et de concupiscence. Mais Satan se nia habilement des espérances de bonheur supérieures à celles de l'état de justice, et il introduisit une obscurité semblable à celle de son propre état de péché.

En conséquence, trois cent-soixante-cinq formes d’erreur se suivirent pressées et tracèrent leur sillon, tis sant à l’cnvi les filets de leurs fausses doctrines pour enserrer les innocents. L’une, désignant la matière comme premier principe de l’univers, l’autre supprimant la réalité de l'Être, et abolissant la dualité de nature ; d’autres appelaient le bonheur par des prières et des sacrifices ; d’autres enfin faisaient parade de vertu et méprisaient leurs semblables. Les pensées de la sagesse (humaine) tombèrent dans une navrante confusion ; les intentions (des hommes) et leurs affections furent dans un mouvement incessant ; mais leur travail était vain. L’ardeur de leurs soucis devint une flamme dévorante ; aveuglés, ils augmentaient encore leurs ténèbres ; égarés de leur voie, ils se perdaient et reculaient leur retour vers le droit chemin. Cependant la seconde personne de la Trinité, le Messie (Mi-chi-ho = Mêlha), qui est le brillant Seigneur de l’univers, voilant son authentique majesté, apparut sur terre comme homme. Les anges proclamèrent la bonne nouvelle : une vierge enfanta le Saint dans Ta Ts’in. Une étoile brillante annonça l'événement béni : la Perse, voyant cet éclat, vint faire hommage de ses présents. Accomplissant la Loi ancienne, qu’avait écrite les vingt-quatre sages, Il enseigna comment gouverner royaumes et familles suivant son grand plan. Fondant la nouvelle religion, ineffable, du Saint-Esprit, autre personne de la Trinité, Il donna à l’homme la capacité de bien faire par la vraie foi. Instituant la règle des huit préceptes, Il dégagea le monde de la sensualité et le rendit pur. Ouvrant largement les portes des trois vertus, Il introduisit la vie et supprima la mort. Suspendant un soleil lumineux, Il éclaira la demeure de ténèbres ; ainsi toutes les ruses du démon furent déjouées. Conduisant à la rame la barque de la miséricorde, Il transporta ses occupants dans le séjour de la lumière ; ainsi les âmes des défunts furent amenées au salut. Ayant ainsi accompli l’oeuvre de la Toute-puissance, Il retourna en plein midi au pays de la pureté. Il laissait les vingt-sept livres de son Écriture ; les grands moyens de transformation étaient largement étendus et la porte scellée de la vie bienheureuse était ouverte.

Il a ordonné le baptême dans l’eau et l’Esprit, qui dégage des vaines pompes (du monde) et purifie jusqu'à récupération d’une parfaite blancheur. (Ses ministres) portent la croix comme un sceau, qui répand Son influence dans les quatre régions du monde et réunit tout sans distinction. Frappant le bois, ils proclament les joyeuses paroles d’amour et de charité. Ils se tournent vers l’Est, pour leurs cérémonies, ils courent dans les voies de la vie et de la gloiie. Ils laissent croître la barbe pour montrer qu’ils ont des actions extérieures, mais il se rasent le sommet de la tête, pour se rappeler à eux-mêmes qu’ils n’ont point de désirs égoïstes. Ils n’ont pas d’esclaves, hommes ou femmes, mais ils tiennent tous les hommes, nobles et communs, en égale estime. Ils n’amassent ni trésors ni richesses, mais donnent en leurs personnes un exemple de pauvreté et de renoncement. Leur pureté de coeur est obtenue parla retraite et la méditation, leur ascétisme est fortifié, par le silence et la vigilance. Ils se réunissent sept fois par jour pour adorer et louer, ils offrent leurs prières pour les vivants et les morts. Une fois chaque sept jours ils ont un sacrifice non-sanglant. Ils purifient leurs cœurs, retrouvent la pureté. Cette Voie pure et immuable est mystérieuse, difficile à dénommer, mais ses mérites éclatent si brillamment dans sa pratique, que nous sommes contraints de la nommer l’Illustre religion.

Le P. YVieger a sévèrement jugé cet exposé : « L’inscription que cette stèle nous a conservée, parle du Dieu UJn et Trine en des termes très obscurs. L'énoncé de l’Incarnation est dogmatiquement et linguistiquement défectueux. La divinité du Fils de la Vierge n’est pas énoncée. Le dogme de la Rédemption est escamoté. Pas un mot de la Passion. « Après avoir expliqué les trois vertus, inauguré la vie et éteint la mort, en plein midi le Saint (c’est-à-dire Jésus) monta Immortel. » Voilà tout. C’est peu. Et, des termes employés pour exprimer ce peu, plusieurs sont taoïstes, et durent être mal compris j, ar les lecteurs. » Hibloiie des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine depuis l’origine jusqu'à nos jours, Sienshien, 1917, p. 531. C’est là du persiflage. Le texte qu’on vient de lire ne provient pas d’un catéchisme, mais d’une inscription exposée aux yeux de tous.