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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES ARABES


autorités locales, s’il s’agissait d’en établir l’histoire. Au Beit-Qatarâyê, avant la disparition définitive du christianisme qui eut lieu probablement au début du vme siècle, lors des campagnes dirigées contre l’Oman par al-Hadjadj ibn Yûsuf, on trouve en 676 un essai de réorganisation tenté par le catliolicos Georges I", qui s’y porte de sa personne, y tient un synode avec le métropolite, les évêques de Dayrin, Tirhan, Mazonâyë, Hagar, Haltâ, et reste longtemps sur place, Synod. orient., p. 215-226, trad., p. 480-490 ; Thomas de Marga, op. cit., p. 95, trad., p. 219.

Sous Hënâniso' II, l'Église nestorienne souffrit à nouveau d’un schisme : Barhébrseus, en bon jacobite, donne, comme raison des malheurs qui l’atteignirent alors, une maladresse que le catholicos aurait commise en saluant le calife 'Abd al-Malik ibn Marwân. Chronicon ecclesiasticum, f. ni, col. 135. Quoi qu’il en soit, lemétropolite de Nisibe, Jean le Lépreux, réussit à supplanter Hënâniso', mais pour devenir la victime, 22 mois plus tard, de la dureté d’al-Hadjâdj. Celui-ci, qui terrorisa l’Iraq, la Perse, et d’une façon générale fous les pays de récente conquête qui étaient dans la dépendance des deux centres militaires de Koufa et Bassorah, empêcha Hënâniso' de rentrer dans le territoire de son gouvernement. Le catholicos, qui vécut jusqu’en 699, ne put donc plus administrer que les diocèses du Nord, Nisibe, Mossoul et le Beit Garmaï. Séleucie resta vingt ans sans pontife, et chacun y faisait à sa guise, dit Mari, p. 64 sq., trad., p. 57. Sous al-Hadjâdj, les chrétientés de la Mésopotamie méridionale perdirent beaucoup : les Nedjrânites, qui étaient arrivés 40 000 à Hirâ, n'étaient plus que 5 000 à l’avènement d’Omar II ibn 'Abd al’Aziz (717). J. Périer, Vie d’al-Hadjâdj ibn Yousof d’après les sources arabes, dans Bibliothèque de l'École des Hautes-Études, fasc. 151, Paris, 1904, p. 266.

Sans cloute, tous les gouverneurs n'étaient pas comme al-Hadjâdj : le catholicos Peihion (731-740) profil a des bonnes dispositions de Khâlid ibn 'Abdallah al-Qasri, dont la mère était une byzantine. Son successeur, Abâ II, grâce à son habileté, gagna la faveur de Yûsuf ibn Omar, qui s'était d’abord déclaré ennemi des chrétiens ; il résida un certain temps à Koufa. Mari, p. 66, trad., p. 58 sq.

Mais voici que le centre du monde musulman, après s'être transporté de Médine à Damas, allait se fixer pour plusieurs siècles en Mésopotamie : le gouvernement, de strictement arabe qu’il avait été depuis le début de. la conquête, allait subir d’autres influences ; il allait s’iraniser, comme l’ont bien reconnu les historiens arabes, par l’emploi du mot isti’djâm, du mot 'Adjam « Perse ». C'était un événement favorable pour l'Église nestorienne ; il vaut mieux, dit-on communément, avoir affaire à Dieu qu'à ses saints : les nestoriens, qui avaient souffert de plusieurs gouverneurs de l’Iraq, profitèrent du voisinage des califes abbassides. Pourtant l’avantage n’apparut pas immédiatement : al-Mansour trouva le frône patriarcal de Séleucie soumis à la compétition. Sourin s'était fait consacrer grâce à la connivence d’un gouverneur chèrement acheté, et en faisant violence au métropolite conséerateur ; il poursuivait l'élu, Jacques, ancien métropolite de Beit-Lapat. Circonvenu par les partisans de Sourin, le calife fit emprisonner Jacques, le relâcha, puis ordonna d’emprisonner les deux compétiteurs, si bien que, sur dix-sept ans de pontificat, Jacques en passa sept en prison. Mari, p. 09, trad., p. (il. Mais le développement de l’administrai ion exigea bientôt que l’on eût recours aux chrétiens, plus culiivés et plus instruits que les fils du désert. Tous les médecins, aslronomes, philosophes à la cour d’al-Mantsour ou de Haroun al-Rasid sont des chrétiens. Ct’ux-ci peuvent beaucoup pour leur commu nauté. Si celle-ci est divisée, les coups de l’autorite pleuvront sur le parti vaincu : les fonctionnaires musulmans concevront du mépris pour les chrétiens, il y aura de nombreuses apostasies. Mari, p. 68, trad., p. 60. Si, au contraire, les chefs de l'Église sont des hommes de valeur, l’influence des chrétiens sera grande.

Ainsi en fut-il sous le pontificat de Timothée I er (780-823), qui se prolongea plus de quarante ans sous les puissants califes que furent al-Mahdi, Haroun alRasid. Al-Ma’moun, voir art. Timothée I er, patriarche nestorien. Les débuts pourtant furent difficiles et remplis de compétitions : Timothée avait été élu, grâce à de fallacieuses promesses et avec l’appui d’un chrétien influent, Abu Nûh d’Anbar, secrétaire du gouverneur de Mossoul. Thomas de Marga, op. cit., p. 196 sq… trad., p. 382 sq. ; J. Labourt, De Timotheo 1 Nestorianorum palriarcha (728-823) et Christianorum orientalium condicione sub chalifis abbasidis, Paris, 1904, p. 6-13. L’affaire alla au calife ; le nouveau calholicos était instruit, habile, lenace, il finit par s’imposer en excommuniant les réfractaires, gagnant grâce à ses agenls à la cour, les médecins Jean et Gabriel Bokliso', une situation de plus en plus ferme. Il ne put cependant empêcher certains caprices des califes, tel celui de Haroun, qui, à la suite d’une infâme calomnie débitée sur les chrétiens par son favori, Hamdoun, fit raser plusieurs églises.

L'état de la chrélienfé nestorienne, vers la fin du vme siècle et le premier quart du ix c, est assez bien connue grâce à l’ouvrage souvent cité de Thomas, évêque de Marga, et aux lettres de Timolhée, dont quarante environ ont été publiées. O. Braun, Timothei Patriarchæ I epislulæ, dans Corpus scriptorum christianorum orientalium, Scriplores suri, ser. II, t. lxvii Après avoir joui sous les Sassanides, sauf une courte période, d’une situation privilégiée par rapport à celle des jacobites, les nestoriens se trouvaient, depuis l’invasion arabe, lutter à armes égales. Ce n’est plus le temps des coups de force ; on négocie. En 767, l'évêque de Tirhan est autorisé à bâtir une petite église adossée au mur de Takrit, la citadelle jacobite sur le Tigre, mais après qu’il a réussi à persuader à son collègue de Nisibe de reslituer aux jacobites la grande église de Saint-Domèce qui avait été leur. Barhébneus, Chronicon ecclesiasticum, t. iii, col. 155. Il y a des jacobites à Hérat, Timolhée ne songe pas à leur imposer : il se préoccupe seulement de trouver pour ce siège un évêque énergique et instruit. Epistulæ. p. 141 sq., trad., p. 96.

L’unité politique produite par l’Islam dans l’Asie antérieure provoque une recrudescence de relations avec l’Occident : un des moines dont Thomas de Marga raconte le plus longuement la vie, Rabban Cyprien, avant d’entrer au monastère, fait le pèlerinage des Lieux saints et de l’Egypte. Op. cit., p. 333-338, trad., p. 582-591. Il y a un métropolite nestorien à Damas, des évêques à Jérusalem et Alep. Timothée ordonne un évêque pour Sana’a, au Yémen. Labouit, op. cit., p. 40. D’un autre côté, le catholicos pousse l'évangélisation sur les bords de la Caspienne et dans la Transoxiane, toujours au moyen des moines, Thomas de Marga, op cit., p. 260, trad., p. 479 (voir ci-dessous), tandis que le christianisme s’affermit dans les régions incomplètement converties auparavant de Ray et de Holwân. Epistulæ, p. 131, trad., p. 88.

En même temps, Timothée s’efforce d’améliorer son clergé : il favorise de tout son pouvoir les écoles, dont beaucoup oui été fondées à cette époque. Thomas de Marga, op. cit., p. 143 sq., trad., p. 296 sq. Sa sollicitude est particulièrement vive pour l'école de Beit-Lapat, qu’il soutient pécuniairement, et pour