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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : ZACHARIE


fabriquer une couronne royale avec de l’or et de l’argent que des Israélites récemment arrivés de Babylone avaient apportés pour le temple. D’après le texte actuel, cette couronne est destinée à Josué ; mais il n’y a pas de doute que vi, 11, comme déjà iii, 9, il ne faille lire Zorobabel à la place de Josué, changement qui entraîne quelques autres modifications. C’est à Zorobabel seul que Zacharie peut dire comme auparavant qu’il construira le temple, vi, 13 a. C’est à lui seul que peuvent se rapporter les paroles : il sera revêtu ( ?) de majesté et régnera sur le trône, vi, 13 b et surtout ces autres : « Voici un homme dont le nom est Germe et il germera sous lui », vi, 12 b (van Hoonacker traduit : « Voici un homme dont le nom est Germe, et sous lequel se produira une germination » ). Il s’ensuit qu’à Zorobabel est conférée non seulement la dignité royale, mais aussi la dignité messianique : Après qu’Aggée l’a décrit comme l’agent de Dieu sur terre, Zacharie le désigne par le même nom de « Germe » que Jérémie avait donné au rejeton de la famille davidique qui doit inaugurer l’ère messianique. Parce que l’un comme l’autre s’attendaient à l’ouverture prochaine de cette ère, il n’est pas étonnant qu’ « ils aient caractérisé Zorobabel comme l’héritier des promesses messianiques », van Hoonacker, p. 610.

Cependant il n’en résulte pas qu’ils aient pris Zorobabel pour le vrai Messie dans notre sens chrétien. Au contraire, ils n’ont même pas clairement entrevu le Messie par excellence. Car, comme il résulte de la phrase de Zacharie : « il y aura sous lui une germination », ils ont pensé à toute une dynastie de rois qui, à l’ère messianique, descendrait de Zorobabel par « germination ».

Deux ans environ après ces prédictions, en décembre 518, lorsque le temple était déjà en bonne partie construit, des gens demandèrent au prophète, si les jours de deuil et de jeûne institués en souvenir de la chute de Jérusalem devaient être encore observés. Il leur donna une réponse qui répète et confirme les idées qu’il avait publiées par les visions et les symboles : Jahvé est déjà en train de retourner à Sion, vin, 3 ; il viendra habiter au milieu de Jérusalem ; sur les places de la ville il y aura beaucoup de vieillards, parce qu’on vivra longtemps, mais aussi beaucoup d’enfants parce qu’on se multipliera beaucoup, viii, 4-5. Le peuple tout entier, Juda et Israël, sera reconduit en la Terre promise et jouira de tous les biens du sol, vm, 11-12. De nombreuses nations viendront chercher Jahvé et le satisfaire par des sacrifices, viii, 20-22. Dix hommes de toutes les langues saisiront un Judéen par le pan de sa robe et lui diront : « Nous voulons aller avec toi ; car nous avons entendu que Dieu est avec vous », viii, 27.

2° Les chapitres ix-xir. - — Aucun autre morceau de la littérature prophétique ne présente, au point de vue critique et exégétique, autant de difficultés que la seconde partie de Zacharie. Les exégètes indépendants sont unanimes à la contester à ce prophète, et les deux derniers commentateurs du livre, Nowack et Sellin, relèvent expressément comme incompréhensible que même un exégète catholique, aussi averti que M. van Hoonacker, défende l’unité d’auteur pour Zacharie, i-xiv.

Nous reconnaissons que les différences entre les chapitres i-viii et ix-xiv sont si grandes, qu’elles s’expliquent au mieux par l’hypothèse de deux auteurs différents. Mais dès qu’on abandonne l’unité du livre, on fait de la seconde partie une île flottante qui, sur la mer de la critique, est aux prises avec toutes les tempêtes. Tandis que les uns ont revendiqué soit pour le morceau tout entier, Newcome, Bertholdt, Ewald. Hitzig, Kônig, Orelli, Strack, soit pour

quelques chapitres seulement, Kuenen, Baudissin, Steuernagel, une origine préexilienne, les autres mettent ix-xiv après Zacharie. Parmi ceux-ci quelques-uns ont cru réussir à en déterminer exactement la place dans la période des Asmonéens (Marti, Duhm, Bertholet, Rubinkam). Plus récemment d’autres, surtout Sellin, reconnaissent l’impossibilité de fixer la date, et se contentent d’indiquer comme temps probable de son origine l’époque comprise entre Esdras et le commencement des guerres machabéennes. Les exégètes catholiques qui n’ont pas pris part à ces aventures critiques, et qui tout en reconnaissant les différences indéniables entre les deux parties — M. van Hoonacker a supposé un intervalle entre la composition de la première et de la seconde- — ont expliqué la seconde à la suite de la première, se sont trouvés, pour la comprendre, dans une position aussi bonne sinon meilleure que les critiques indépendants.

Presque plus complexe encore que le problème de l’origine du Deutéro-Zacharie est celui de son sens, surtout de son sens messianique. Le premier problème n’est en somme que la suite du second. Déjà le point de vue général qui forme la base des oracles est difficile à saisir.

Bien que l’auteur ait écrit après l’exil, plusieurs passages reflètent une situation préexilienne ; par exemple la maison de David est présentée comme exerçant encore la royauté, xii, Il sq., les ennemis mentionnés sont ceux du temps royal, ix, 1 sq., ce qui explique que plusieurs exégètes aient revendiqué pour le Deutéro-Zacharie une date ancienne et que d’autres, en prenant ces versets pour des allusions voilées à l’histoire des Asmonéens, aient pensé au contraire à une époque toute récente. Cependant le point de vue auquel le prophète se place n’est pas réel, mais fictif. Pour donner plus d’autorité à ses paroles, il écrit comme s’il vivait avant l’exil. Il est donc à ranger parmi les auteurs apocalyptiques que nous rencontrerons surtout dans la littérature apocryphe, et qui ont aimé placer leurs paroles dans la bouche d’un personnage qui avait vécu longtemps auparavant. Il est même le premier de la série. En se plaçant au point de vue préexilien il a énoncé les idées messianiques suivantes :

1. Son premier oracle, ix, rappelle les prédictions des grands prophètes contre les païens. (Le texte en est en mauvais état ; nous regardons, avec van Hoonacker, Nowack, Marti, Sellin, 13e, « contre tes fils, Javan », comme une glose et nous plaçons, avec Sellin et Nowack, 9-10 à la fin du chapitre ; car en 13 sq. il est dit que Juda et Israël attaqueront impitoyablement les ennemis ; or en 9-10 il est annoncé que le roi Messie détruira toutes les armes ; donc pour éviter la contradiction entre 9-10 et 13 sq., il est indispensable de mettre 9-10 après 13 sq.) La Syrie, la Phénicie et la Philistie seront subjuguées par Jahvé, 1-6. L’incorporation de ces territoires au royaume théocratique aura comme suite pour leurs habitants l’acceptation du culte de Jahvé ; des Philistins il est dit qu’ils seront comme une nouvelle tribu d’Israël, et qu’ils seront placés sur le même pied que les Hiérosolymitains, 7. En même temps Jahvé délivrera et ramènera les captifs du peuple élu, 12, et se servira d’Israël comme d’une armée pour renverser les ennemis, 13. Pendant la lutte il sera au-dessus d’eux comme un orage, 14-15. La victoire remportée, Israël demeurera heureux dans son pays comme un troupeau dans un riche pâturage, 16-17.

Alors viendra, monté sur un âne, un roi pacifique, humble, sauveur (LXX) des pauvres, c’est-à-dire le Messie. Sion est invitée à se réjouir de tout cœur de son arrivée. Il détruira tous les instruments de guerre