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1451 MESSIANISME, LES PROPHhTES PRÉEXILIENS : JÉRÉMIE 1452

pitres xiv-xvii. (La perspective de salut, xvi, 14-15, interrompt la suite des idées et a été sans doute ajoutée après coup ainsi que très probablement xvi, 19-20.)

La quatrième année du roi Joïakim, 005, Jérémie reçut de Jahvé l’ordre de réunir dans un volume toutes les paroles qu’il avait déjà adressées au peuple et de les lire au temple pour que, par leur ensemble, elles fissent plus d’impression sur les auditeurs. Mais le roi déchira et brûla le livre et le peuple persista dans ses péchés, xxxvi. C’est pourquoi dans un grand discours, xxv — excepté Scliwally, Duhm, Ryssell, les critiques le regardent comme authentique, sauf les versets 3038 que la plupart rejettent pour des raisons que le P. Condamin estime vagues et insuffisantes — le prophète annonça de nouveau la punition. Il fit allusion aux bouleversements des peuples de l’Orient qui eurent lieu à cette époque, et dont les épisodes les plus marquants furent la chute de Ninive en 612 et la bataille de Karkemisch en 605. Il vit dans ces troubles le jugement dont Jahvé frappe les nations, en particulier Juda qui boira la coupe de 1? colère divine plus que toutes les autres, xxv, 17, 29. Il releva comme autrefois que le désastre viendrait du Nord : « Dieu fera venir toutes les tribus du Nord », xxv, 9, c’est-à-dire, comme l’indique une glose du texte hébreu, l’armée de Nabuchodonosor. En effet le châtiment se rapprocha de plus en plus en la personne de ce roi qui défit le pharaon Néchao à la bataille de Karkemisch, devint le maître absolu des provinces occidentales de l’ancien royaume assyrien. Jérémie décrit ce châtiment en termes très pathétiques : « Jahvé du haut (du ciel) rugit, il crie… contre tous les habitants de la terre ; le tumulte s'étendra jusqu’au bout de la terre ; …Jahvé dispute avec les nations, il plaide contre toute chair… une grande tempête s'élève des extrémités de la terre, » xxv, 30-32.

Immédiatement avant le déchaînement de l’orage, Jérémie invite encore une fois Juda à la conversion dans le poème, xiii, 15-27, qui se place peu de temps avant 597 : « Rendez gloire à Jahvé votre Dieu avant que ne viennent les ténèbres », xiii, 16. Mais il sait que ses exhortations sont vaines ; aussi peu qu’un nègre peut changer de peau, aussi peu les Israélites habitués au mal pourront faire du bien, xiii, 23. C’est pourquoi Dieu les dispersera comme de la paille, xiii, 24.

2° Oracles à partir du premier siège (597). — Les menaces de Jérémie commencent à se réaliser en 597, lors du premier siège de Jérusalem causé par la révolte de Joïakim : le jeune roi Jéchonias qui lui succéda fut emmené en captivité avec la meilleure partie des habitants de la ville. Aussitôt après cette première déportation, les prédictions de Jérémie prennent une autre tournure ; il n’envisage plus seulement le jugement, mais aussi le salut. Il commence enfin à « planter » après avoir jusqu’ici « arraché ». Cependant de son changement d’attitude ne bénéficient pas ceux qui l’entourent, mais uniquement ceux qui viennent d'être envoyés en exil. Par la vision des deux panniers de figues, dont l’un contient des fruits exquis, l’autre des fruits fort mauvais, il apprend que l’avenir d’Israël repose dorénavant sur les seuls déportés qui sont représentés par les bonnes figues, xxiv. C’est pour eux seuls qu’il trouve des paroles de consolation. Il les leur transmet en 594 dans une lettre, xxix. La perspective du salut telle qu’elle ressort de la forme primitive de la lettre est encore vague et générale : après soixanle-dix ans, c’est-àdire après un laps de temps assez long et non pas bientôt, comme île faux prophètes le leur font croire, xxvii-xwm, Jahvé les ramènera dans leur pays, xxix, 10. (Cette Indication sur la durée de l’exil a élé plus tard Intercalée dans le grand discours du e. xxv, 1112.) L’espoir se précise dans l’oracle sur les mau vais pasteurs, xxiii, 1-8, qui ne se comprend nulle part mieux qu'à la fin du règne de Sédécias, successeur de Jéchonias. Voir Volz, p. 229 ; Rothstein, p. 790. Après avoir menacé les mauvais pasteurs qui ont dispersé et égaré le troupeau de Jahvé, Jérémie annonce que Dieu ramènera ses brebis de tous les pays où il les a dispersées ; elles seront fécondes et se multiplieront ; elles auront des pasteurs qui les paîtront conscieusement, de sorte qu’elles n’auront plus rien à craindre, xxiii, 3-4. Il prédit surtout que le temps viendra où Jahvé suscitera à David un germe juste qui régnera avec sagesse et justice, qui procurera le salut à Juda aussi bien qu'à Israël et dont le nom sera : Jahvé noire justice, xxiii, 5-6. L'éclat de ce rétablissement sera tellement grand qu’il éclipsera la gloire de l’Exode, xxiii, 7-8.

Ce texte représente la première prophétie vraiment messianique qui se rencontre dans Jérémie. Il comprend une description assez complète de l'ère nouvelle : Jahvé lui-même opérera le salut en ramenant les exilés, et en suscitant à David un digne descendant qui réunira sous son sceptre les deux royaumes dans un commun état de félicité. Le nom du nouveau roi « Germe », ainsi que les qualités qui lui sont attribuées, ne laissent pas de doute que cet oracle soit l'écho de celui d’Isaïe, xi, 1 sq., sur la tige qui sortira du tronc de Jessé. (Volz, p. 230, a essayé d'éliminer les ꝟ. 5 et 6 pour des raisons intrinsèques et extrinsèques, de même Meinhold, Einfùhrung ins Aile Testament, 1919, p. 208 ; Rothstein, p. 789, affirme par contre que l’authenticité n’en peut être révoquée en doute.)

L’oracle le plus rapproché de cette promesse messianique appartient déjà au temps du dernier siège de Jérusalem. Le rôle que Jérémie eut alors à jouer était tout autre que celui d’Isaïe en pareille occasion quand l’armée de Sennachérib avait bloqué la ville (701). Celui-ci pouvait annoncer la défaite certaine de l’ennemi ; celui-là devait prédire la conquête inévitable de Jérusalem, xxi, 1 sq., xxxiv. Jérémie s’attira par là même les pires persécutions, xxxvii-xxxviii. Il eut au moins la consolation de recevoir à nouveau de Jahvé, et d’une façon pour ainsi dire palpable, l’assurance que la ruine imminente de la ville sainte et de l'État théocratique ne serait pas la fin d’Israël, xxxii-xxxiii. Au moment où le siège touchait à sa fin, Jahvé lui ordonna d’acheter un champ à Anathoth. Cet achat devait garantir que, malgré le désastre, le champ garderait sa valeur et par là être un indice symbolique de la restauration d’Israël, xxxii, 1-15. Dans ce sens le Très-Haut accompagna son ordre de promesses sur le retour des Israélites, sur leur séjour tranquille dans la patrie recouvrée, sur leur union inaltérable avec Jahvé qui conclurait avec eux une alliance nouvelle, xxxii, 36-44 ; xxxiii, 1-13. (L’authenticité entière ou substantielle de ces deux passages est assez communément reconnue, voir Condamin, p. 250 ; Volz, p. 301, rejette pourtant la majeure partie des deux et Rothstein, p. 815 sq., fait de même pour le second. Quant aux promesses de xxxiiij 14-26, sur l'état florissant de la royauté et du sacerdoce qui manquent dans le texte grec, les critiques sont assez d’accord pour les placer à l'époque postexilienne. « Les raisons apportées contre l’authenticité de ce morceau ne sont pas péremptoires ; mais, prises dans leur ensemble, elles gardent assez de force pour réduire la conclusion, en cette manière obscure, aux proportions modestes d’une simple probabilité » Condamin, p. 251.)

Bientôt après Jérusalem fut détruite et la grande masse de la population transportée à Rabylone. Au prophète qui trouva grâce auprès du vainqueur un seul soutien restait : l’espérance en l’avenir. Pour celle raison il lui donna une expression bien plus