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1439 MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : ISAIE

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d’Achaz, y prit part. Pour le punir, Sennachérib envahit Juda : mais devant les portes de la ville sainte son armée fut frappée par l’ange de Jahvé.

Ces événements eurent une forte répercussion sur les oracles d’Isaïc. Le prophète s’opposa par tous les moyens à la coalition avec les autres nations, surtout avec l’Egypte. Il proclama de nouveau que Jahvé suffisait à lui seul pour sauver son peuple. Il assura de la façon la plus nette que Sennachérib ne réussirait pas et qu’après la détresse transitoire la tranquillité renaîtrait. Et de nouveau, comme en 735, il présenta la prospérité à venir comme le bonheur messianique. Les discours qui expriment ces idées d’Isaïe semblent être les suivants : x, 5-xii, 6 ; xvii, 12-xix ; xxviii-xxxiii. 1. Dans l’ordre chronologique, les paroles contre Samarie et Jérusalem, contenues en xxviii, tiennent sans doute la première place. (Bien que la menace à l’adresse de Samarie, xxviii 1-4, date d’une époque antérieure à 722, la plupart des critiques attribuent le reste du chapitre à un temps voisin de 701, à cause de la polémique qui s’y trouve contre ceux qui cherchent l’appui de l’Egypte. Voir Condamin, p. 202, Feldmann, t. i, p. 336. Parce que, en 703, une alliance fut nouée entre Juda et l’Egypte et que, depuis 711, Ézéchias y avait travaillé, les f. xxviii, 5 sq. doivent se placer entre 7Il et 703. A cause de la connexion étroite entre les ꝟ. 4 et 7, il faut supposer qu’Isaïe a repris l’oracle contre Samarie pour y ajouter celui qui vise Jérusalem. Mais comme, d’autre part, le lien entre 4 et 7 est artificiel, rien n’empêche de supposer qu’Isaïe lui-même a plus tard élargi l’oracle contre Samarie par la perspective consolante contenue dans les ꝟ. 5-6, que les critiques rejettent si souvent.)

Comme trente ans plus tôt, Isaïe est obligé de faire encore de graves reproches à Israël ; il l’accuse surtout d’ivrognerie, xxviii, 1-10. C’est pourquoi l’armée assyrienne renversera comme un ouragan d’abord Samarie, xxviii, 2-4. Dieu sauvera cependant un reste de ce royaume pécheur, il deviendra pour lui un diadème de gloire, donnera la justice à ses juges et la force à ses guerriers, xxviii, 5-6. Les Hiérosolymitains ne valent pas mieux que les Samaritains. Ils se moquent même du prophète qui leur annonce la punition, en disant qu’ils ont conclu un pacte avec la mort et l’enfer, xxviii, 14-15. Isaïe leur assure que le fléau les atteindra, xxviii, 17-20. Pour accomplir leur jugement, Jahvé se lèvera lui-même et frémira de colère comme autrefois lorsqu’il est venu en aide à David, xxviii, 21-22. Ce jugement sera « une œuvre étrange » ; car Jahvé, en châtiant son peuple, semble travailler non pas pour, mais contre son propre honneur. Cependant, comme le prophète l’indique, xxviii, 23-29, le châtiment a pour but de purifier le peuple et d’en sauver un reste.

Ce reste, Jahvé l’a dès maintenant posé comme pierre angulaire et comme fondement de l’édifice du nouveau royaume de Dieu qui doit remplacer l’ancien, xxviii, 16-17 a.

2. Malgré les avertissements d’Isaïe, les relations entre Juda et l’Egypte, ou plutôt l’Ethiopie qui dominait en ce moment l’Egypte, devinrent, en face du danger assyrien, de plus en plus étroites et, vers 703, une ambassade du roi éthiopien Tirhaka arriva à Jérusalem. Le prophète éleva de nouveau la voix, xvii, 12-xviii, 7, et invita les messagers à retourner chez eux : Jahvé n’a pas besoin de l’aide de leur roi. Par sa simple menace il dispersera l’armée assyrienne, cette assemblée de peuples nombreux qui font un bruit pareil aux flots de la mer, xvii, 12-14. Au moment où les Assyriens lèveront leurs bras pour saisir Jérusalem, Dieu les coupera comme on coupe des raisins mûrs, xviii, 4-6. L’impression sera telle que les Éthiopiens mêmes reconnaîtront Jahvé et vien dront à Sion lui offrir des présents, xviii, 7. (Bien que ce verset ne semble pas appartenir au texte primitif du poème xvii. 12-xviii, 6, Isaïe lui-même ou quelqu’un de ses disciples a pu ajouter cette prédiction messianique à la prophétie primitive. Condamin, p. 128.)

3. Un an plus tard environ, Isaïe annonce que les Assyriens vont mettre bientôt le siège devant Jérusalem. Dès que le cycle des fêtes d’une année se sera encore une fois reproduit, donc dans un an, la ville sera entourée d’ennemis. Parce qu’ils viendront sur l’ordre de Jahvé, Isaïe dit que Dieu lui-même campera et élèvera des retranchements contre elle et réduira ses habitants à la plus extrême détresse, xxix, 1-4. Elle le mérite à cause de son aveuglement, de son culte purement extérieur et de sa politique irréligieuse, xxix, 9-15. Mais Dieu ne laissera pourtant pas périr Jérusalem, il la délivrera, d’un coup, de ses oppresseurs en les dispersant comme de la poussière, xxix, 5-8. Oui, « sous peu », xxix, 17, la situation sera complètement changée, ce qui est exprimé d’une façon imagée par ces paroles : le Liban sera transformé en verger et le verger en une forêt. L’aveuglement cessera et tous, même les plus pauvres, deviendront heureux. Les malfaiteurs disparaîtront de la communauté et celle-ci, devenue sainte, appartiendra dorénavant à son Dieu dans un bonheur qui rien ne viendra troubler, xxix, 16-24.

(Les deux passages 5-8 et 15-24 du chapitre xxix qui contiennent des promesses de salut, sont attribués par à peu près tous les critiques et aussi par Duhm à des auteurs postexiliens. Cependant les principes qui permettent à Duhm de maintenir l’authenticité des promesses semblables : xxxii, 15 ; ix 1-6 ; xi, 1-8, donnent, comme Condamin, p. 203, et Feldmann, t. i, p. 351 sq., le relèvent avec raison, le droit de laisser également à Isaïe xxix, 5-8 et 15-24. D’autant que Duhm garde xxxi, 5, verset qui, comme nous le verrons tout à l’heure, représente, en comparaison avec ce qui précède, un changement aussi brusque que xxix, 5 et xxix, 15.)

4. Peu de temps après, Isaïe s’adresse de nouveau au peuple et surtout à ses chefs politiques : xxx. Il leur reproche, outre leurs efforts pour gagner l’Egypte, la résistance continuelle qu’ils opposent à Dieu et à ses prophètes. La punition ne tardera pas à venir : l’armée judéenne fuira devant l’ennemi de la façon la plus honteuse et il n’en restera presque rien, la nation sera aussi complètement ruinée qu’une cruche brisée en mille morceaux, xxx, 1-17.

De nouveau, comme dans le discours précédent, par un subit changement d’idées, le prophète annonce que, malgré tout, Jahvé « attend pour faire grâce à son peuple ». Le jour viendra où Israël r.e pleurera plus. Les épreuves l’amèneront à la conversion. Parce qu’il écoutera alors fidèlement la voix de Dieu et qu’il se débarrassera des idoles, une pluie abondante et des fleuves qui couleront même sur les hautes montagnes rendront le sol très fertile. La nature sera tellement changée que la lune brillera comme le soleil et que le soleil aura une clarté sept fois plus grande que maintenant, xxx, 18-26.

A la fin de cette description du bonheur futur, Isaïe prononce des phrases mystérieuses : « Ceci arrivera, dit-il d’abord, au jour où Jahvé pansera les blessures de son peuple », xxx, 26, « au jour du grand massacre, quand les tours tomberont, » xxx, 25. Et immédiatement il décrit, sous l’image d’une tempête, la manifestation de Jahvé qui descendra du ciel et massacrera les ennemis, au son des instruments de musique avec lesquels les Israélites accompagneront le combat, xxx, 27-33. (Tandis que les critiques abandonnent ordinairement, xxx, 18-33, en entier,