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MYSTIQUE, DESCRIPTION, Ste THÉRÈSE


louanges dont on est l’objet ; « de très grandes maladies. » Pe.nes intérieures : doutes sur l’origine des faveurs reçues ; « sécheresses, où il semble qu’on n’ait jamais eu et qu’on n’aura jamais la moindre pensée de Dieu », p. 213 ; scrupules ; sorte d’hébétement qui rend l’esprit incapable de tout, même de comprendre ce qu’on lit ; « chagrin, mauvaise humeur visibles à tous les yeux », p. 215 ; « mais pourra-t-elle dire ce qu’elle a ? Non, c’est quelque chose d’inexprimable, ce sont des angoisses et des peines spirituelles auxquelles on ne sait quel nom donner. » P. 215-216. Pourtant il y a des accalmies « dans une pareille tempête ; Dieu, « lorsqu’on s’y attend le moins, par une seule parole qu’il adresse à l’âme ou par un événement qui se présente, la délivre soudain de tous ses maux. On dirait qu’il n’y a jamais eu de nuages dans cette âme, tant elle se trouve inondée de soleil et comblée de consolation. » P. 214. Que penserait le psychologue, le psychiatre, de cette sémiologie ? Sans doute que sainte Thérèse n’a pas été exempte de cette « mélancolie » qui « de nos jours, affirme-t-elle, remplit le monde », p. 212, et qu’elle souffrit de cette « psychose cyclothymique ». Cf. Maurice de Fleury, Les états dépressifs et la neurasthénie, Préface, p. x ; G. Truc, La grâce, c. ni, Les étals mystiques négatifs.

5. La « délicieuse blessure » et V « embrasement délicieux ». — « Souvent lorsqu’on y pense le moins et qu’on n’a pas l’esprit occupé de Dieu, Sa Majesté réveille l’âme tout à coup : on dirait une étoile filante ou un coup de tonnerre. On n’entend cependant aucun bruit, mais l’âme comprend parfaitement que Dieu l’a appelée… Elle sent qu’elle vient de recevoir une délicieuse blessure. Comment, de qui l’a-t-elle reçue ? Elle ne s’en rend pas compte… Elle se plaint à son Époux par des paroles d’amour, et cela même extérieurement. Elle ne peut s’en empêcher, parce qu’il lui fait sentir sa présence, sans pourtant se manifester de manière à l’en laisser jouir. La peine qu’elle en éprouve est très vive, mais suave et pleine de douceur… Cette peine la pénètre jusqu’aux entrailles, et il semble qu’on les lui arrache, quand le divin Archer retire la flèche dont il l’a percée, tant est vif le sentiment de l’amour qu’elle lui porte. » VIe D., c. ii, p. 219-220. Il n’y a ici « nulle illusion à redouter », « car il est visible que le mouvement imprimé à l’âme vient de l’immuable demeure où le Seigneur habite. Les effets, d’ailleurs… » P. 221. « Je sais une personne qui ne craignait rien tant que d’être trompée, et qui ne put jamais concevoir la moindre inquiétude sur l’oraison dont je parle. » P. 223.

L’ « embrasement délicieux » est une faveur « plus ordinaire à l’âme que la précédente » et non moins sûre. « A l’improviste, au milieu d’une prière vocale et quand on ne s’attend à aucun effet surnaturel, voici tout d’un coup un embrasement délicieux. On dirait qu’un parfum pénétrant s’est répandu par tous les sens… Comparaison, pour montrer que quelque chose fait connaître que l’Époux est là. » P. 223.

6. Les « paroles » surnaturelles. — « Ces paroles sont de bien des genres : les unes semblent venir du dehors ; les autres, de la partie la plus intérieure de l’âme ; d’autres de sa partie supérieure. D’autres, enfin, semblent si extérieures, qu’elles sont perçues par les oreilles : on dirait une voix articulée. » VI D., c. ni, p. 221 Suinte Thérèse, qui a reproduit dans ses « relations » beaucoup de ces paroles, y affirme n’avoir « jamais rien vu des yeux du corps », ni « jamais rien entendu des oreilles du corps, sauf deux fois seulement. Encore ne saisit-elle rien de ce qui lui était dit, et elle ne sut point qui lui parlait. » Relation LUI, t. i, p. 507.

Dans le chapitre qui nous occupe, elle insiste longuement sur les signes qui permettent de discerner

les paroles divines des illusions de l’imagination ou de celles qui proviennent du démon ; car avant la « vision intellectuelle » rapportée au chapitre viii, p. 279, elle déclare qu’ « elle ne savait pas qui lui pariait, elle entendait seulement les paroles », p. 279, et restait très « perplexe » à l’endroit de leur origine. VIe D., c.m, p. 233. Sainte Thérèse a remarqué aussi que « ces effets surnaturels n’étaient pas continuels ; ils se produisaient le plus souvent en présence de quelque nécessité. » Relation LUI, p. 567. Les paroles entendues répondaient donc le plus souvent à des questions d’ordre divers qui tourmentaient la sainte. Voir V Ie D., c. iii, p. 226-230, les signes distinctifs des paroles divines ; p. 225, 230-231, 232-233, ceux qui caractérisent les illusions de l’imagination ; enfin, p. 233-234, ceux qui permettent de dépister les ruses du démon.

Mais sainte Thérèse ne veut pas qu’on se mette l’esprit à la torture à ce sujet : Je voudrais que vous sachiez, mes sœurs, que s’il n’y a pas de mal à n’y point croire, il n’y en a pas non plus à y ajouter foi… Quel qu’en soit l’auteur, ne fussent-elles même qu’un produit de l’imagination, il n’y a pas grand inconvénient. .. La question est de savoir si on tire profil de ces paroles. » P. 226. En pareille matière, on n’arrive jamais à une certitude absolue : « il est bon de garder toujours une certaine crainte. » P. 234. Aussi « jamais elle ne s’est conduite, déclare-t-elle, d’après ce qu’elle entendait dans l’oraison… Bien qu’on lui afïirmât que c’était Dieu qui agissait dans son âme, jamais elle ne l’a cru d’une manière assez absolue pour pouvoir en jurer, quoique d’ailleurs, à en juger par les effets…, elle inclinât à croire que quelques-unes de ces choses venaient du bon esprit. » Relation LUI, p. 565.

7. Les « ravissements », VIe D., c. iv. — Processus psychologique : « L’âme, sans être en oraison, est tout à coup frappée d’une parole de Dieu qui lui revient à la mémoire ou qu’elle entend. Alors Notre-Seigneur… -avive dans son fond le plus intime l’étincelle dont nous avons parlé (à propos de la blessure d’amour, p. 220), en sorte qu’entièrement embrasée cette fois, elle se renouvelle comme le phénix dans les flammes… Lorsqu’elle est ainsi purifiée, Notre-Seigneur l’unit à lui, d’une façon qui n’est connue que de tous les deux ; encore l’âme elle-même ne l’entend-elle pas de manière à pouvoir ensuite en rendre compte. Et cependant elle conserve alors la connaissance, car, en cet état, l’on n’est pas privé de toute sensation intérieure et extérieure. » P. 238.

L’état physique est décrit plus loin, p. 244-245 : il semble bien, contrairement à ce que vient de dire sainte Thérèse, qu’il y ait, pendant le ravissement, sinon perte de connaissance, du moins anesthésie complète, au moins par moments. Mais « ceci est de courte durée, au moins comme état fixe, car cette grande suspension venant à diminuer, le corps semble se ranimer un peu. Mais s’il reprend quelque vie, c’est pour mourir de nouveau et laisser l’âme plus vivante. Néanmoins, l’extase à ce très haut degré dure peu. » P. 245.

Sainte Thérèse est très affirmative sur la conservation de la conscience et sur ce qu’on peut appeler le côté positif de l’extase : il y a toujours au moins une grande jouissance intérieure : « quand l’âme est ainsi en extase, le Seigneur ne veut pas toujours qu’elle ail la vue de ces secrets (il s’agit des « choses de Dieu », cf. p. 238-239) : elle est souvent tellement plongée dans la jouissance de son Dieu, que ce seul Bien lui suffît. Mais quelquefois aussi, il plaît à Dieu de la tirer de la jouissance qui l’absorbe tout entière, et de lui montrer soudain ce que renferme l’appartement où elle se trouve. » P. 242. « Ma conviction est que si, dans les ravissements qu’elle éprouve, l’âme n’entend pas