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    1. MYSTIQUE##


MYSTIQUE, DESCRIPTION, S. AUGUSTIN

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Louis, Doctrines religieuses des philosophes grecs, p. 114-116 ; et Raitz von Frentz, Revue d’ascétique et de mystique, 1925, p. 74-80, compte rendu du livre de Joseph Bernhart, Die philosophische Mystik des Miilelallers von ihren anliken Ursprùngen bis zur Renaissance.

Mais avons-nous bien affaire ici avec la connaissance mystique proprement dite, c’est-à-dire avec la connaissance expérimentale des choses divines ? Il ne le semble pas. Clément paraît n’envisager que la foi chrétienne : elle est considérée comme une sorte d’œil spirituel, créé en nous par le baptême, qui nous permet de « voir » Dieu ; elle est assimilée à la contemplation des disciples de Pythagore xa6apô> ou <|n.X£> x& v « ; Clément est persuadé que les choses se passent ainsi en ce monde intérieur qui échappe à la conscience ; mais comment le sait-il ? « Métaphysique ou expérience ? » R. Arnou, Le désir de Dieu dans la philosophie de Plotin, p. 259-271, la question se pose pour Clément comme pour Plotin et peut se résoudre de la même manière : c’est une tradition philosophico-théologique plutôt que l’expérience qui permet à Clément d’affirmer que tout chrétien « atteint » Dieu par la foi, et le fidèle qui admet cette doctrine, encore qu’il puisse vivre avec l’Invisible comme avec le visible (Hebr., xi, 27), n’en devient pas pour cela un mystique. Pour paradoxale que la chose puisse paraître, on pourrait dire que Clément et Origène, cf. Revue d’ascétique et de mystique, 1922, p. 298, Plotin et Denys, et tous ceux qui, après eux, s’efforcèrent d’atteindre Dieu par la pure intelligence ou par delà l’intelligence, et Dieu sait s’ils sont nombreux, ne furent pas par cela même des mystiques, ne furent pas nécessairement favorisés de 1’ « expérience mystique. 2° Saint Augustin.

« Au sujet de la vision intuitive

de l’essence divine sur terre, dom Butler fait observer que saint Grégoire et saint Bernard la rejettent expressément. Saint Augustin l’a certainement admise pour Moïse et saint Paul, peut-être encore pour d’autres ; peut-être aussi a-t-il cru qu’il en avait été favorisé lui-même. » La vie spirituelle, sept. 1923, p. [305J, à propos de l’ouvrage de dom Butler, Western Mysticism. The teaching oj SS. Augusline, Gregory and Rernard on contemplation and the contemplative lije. Notre intention n’est -pas d’exposer toute la doctrine de saint Augustin sur la contemplation ; voir à ce sujet le livre du P. F. Cayré, A. A., La contemplation augustinienne, Paris, 1927 ; nous voudrions seulement citer quelques textes concernant la connaissance mystique, telle que nous l’entendons ici.

Il en est un qui se présente spontanément à la pensée : c’est celui des Confessions, ix, 10, P. L., t. xxxii, col. 773-775, où saint Augustin raconte le ravissement dont sa mère et lui furent favorisés à Ostie ; cf. Pourrat, t. i, p. 342-344. Monique et Augustin s’entretiennent du ciel ; ils s’élèvent et s’élancent par bonds successifs des créatures corporelles aux spirituelles : « et nous arrivâmes à nos âmes, et. nous les dépassâmes (transcendimus) pour atteindre cette région d’inépuisable abondance où vous repaissez éternellement Israël de l’aliment de la vérité, où la vie est la Sagesse même… Et tandis que nous parlions et que nous désirions vivement atteindre (inhiamus) cette souveraine Sagesse, nous la touchâmes un peu de tout un battement de notre cœur, altigimus eam modice toto iclu cordis. Puis, ayant poussé un soupir, nous laissâmes au ciel ces prémices de notre esprit, et nous revînmes aux accents de notre bouche, à la parole qui commence et qui finit. » Monique et Augustin s’entretiennent ensuite de 1’ « expérience mystique » qu’ils viennent d’éprouver : ils l’analysent et, si l’on peut dire, en font la théorie, en décrivent la méthode : « Nous disions donc : Celui qui ferait taire en lui les

tumultes de la chair ; qui fermerait les yeux au spectacle de la terre, des eaux, de l’air et du firmament ; qui ferait taire sa propre âme sans lui permettre de s’arrêter à elle ni de penser à elle ; qui se dépouillerait des rêveries et des souvenirs de l’imagination ; qui oublierait tout langage, toute parole et tout ce qui est changeant ; celui donc qui n’entendrait plus ces créatures après qu’elles l’auraient invité à prêter l’oreille à leur créateur et à qui Dieu seul parlerait lui-même, non plus par les créatures, mais directement par lui-même, si bien qu’il entendît la parole divine… exprimée par celui-là même que nous aimons dans les créatures, et qui parlerait, sans employer l’organe d’aucune créature, d’une manière toute spirituelle comme le contact tout spirituel qui s’est produit à l’instant entre notre pensée ravie au ciel et l’éternelle Sagesse subsistant immuablement sur toutes choses, sicut nunc extendimus nos et rapida cogilatione attigimus œlernam Sapientiam super omnia manentem ; si donc cette extase se continuait… et si cette contemplation seule absorbait et abîmait dans les joies intimes celui qui en jouirait, de telle sorte que la vie éternelle ressemblât à ce court ravissement après lequel nous avons tant soupiré, quale fuit hoc momentum intelligenlias cui suspiravimus, ne serait-ce pas l’accomplissement de cette parole évangélique : « Entrez dans la joie de votre Seigneur ? > (Traduction, un peu paraphrasée, de Pourrat.)

L’inspiration plotinienne est ici très visible : il s’agit d’un effort de purification de l’esprit de toutes les données sensibles pour qu’il puisse s’élever dans la région des intelligibles purs ; c’est une ascension de l’esprit au-dessus, transcendimus, et même en dehors, extendimus nos, de l’âme, si l’on peut ainsi parler, qui aboutit à une rapide intuition de la Sagesse, momentum intelligentiæ. Plusieurs mortels y sont parvenus, saint Augustin le croit sur leur propre témoignage : Dixerunt hsec quantum dicenda esse judicaverunt, magnæ quædam et incomparabiles animée, quas eliam vidisse ac videre isla credimus. De quantitate animas, c. xxxiii, n. 76, P. L., t. xxxii, col. 1076. Quelles sont ces âmes incomparables ? saint Augustin ne le précise pas ; un texte d’Apulée, qu’il cite au 1. IX du De civitale Dei, c. xvi, P. L., t. xli, col. 270, attribue à Platon cette pensée que : sapientibus viris, cum se vigore animi, quantum licuil, a corpore removerinl, intelleclum hujus Dei, et id quoque inlerdum velut in altissimis tenebris rapidissimo coruscamine lumen candidum inlermicare ; ce que saint Augustin commente en ces termes : si ergo supra omnia vere summus Deus intelligibili et ineffabili quadam prsesentia, etsi inlerdum, etsi rapidissimo coruscamine lumen candidum intermicans, adesl tamen sapienlium menlibus, cum se, quantum licuit, a corpore removerinl…

Le livre XII du De Genesi ad lilleram, où saint Augustin parle longuement de la « vision intellectuelle », qui n’est pas autre chose que la connaissance mystique telle que nous l’entendons ici, nous aide à interpréter les textes précédents : porro autem, si quemadmodum raplus est a sensibus corporis, ut esset in istis similitudinibus corporum, quæ spiritu videniur, ita et ab ipsis rapiatur, ut in illam quasi regionem intellectualium vel intelligibilium subvehatur, ubi sine ulla corporis similitudine perspicua veritas cernitur… Una ibi et lola virlus est amare quod vide.as, et summa félicitas habere quod amas … Ibi videtur clarilas Domini non per visionem signiftcanlem, sive corporalem…, sive spirilualem…, sed per speciem, non per xiiigmala, quantum eam capere mens humana potest, secundum assumentis Dei gratiam, ut os ad os loquatur ei quem dignum lali Deus colloquio feceril, non os corporis, sed mentis. C. xxvi, n. 54, P. L., t. xxxiv, col. 476. Puis-