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MYSTÈRE, INTELLIGENCE


les mystères, parce qu’ils ont tous pour objet soit la fin surnaturelle en elle-même, soit les moyens destinés à y conduire toute l’humanité, soit les moyens destinés à y conduire chaque enfant d’Adam…, soit les obstacles au salut… Une étude faite de ce point de vue a d’ailleurs l’avantage de garder aux enseignements de la révélation leur caractère salutaire : si la science sacrée se développait dans une autre direction, elle ne serait bientôt plus la science du salut et de la sanctification. » De plus, « c’est dans les rapports qui les rattachent à la fin dernière de l’homme que les mystères révélés nous offrent avec l’ordre naturel les analogies les plus nombreuses, les plus justes, les plus simples et les plus faciles à saisir… C’est grâce aux harmonies établies par Dieu même (avec l’ordre vers la fin naturelle), que, sans pénétrer avec notre raison dans le secret des mystères, nous nous en faisons néanmoins, par analogie, des conceptions fort nettement dessinées. Avec les réserves de droit, nous appliquons légitimement à la fin surnaturelle ce qu’une saine philosophie enseigne de la fin dernière ; à la grâce sanctifiante et aux vertus surnaturelles, ce qu’elle établit de notre vie, de nos facultés et de nos vertus naturelles ; à la grâce actuelle, ce qu’elle démontre du concours divin : nous comparons la manière dont les divers sacrements produisent et entretiennent la grâce en notre âme, à la manière dont nos corps reçoivent le jour, se fortifient et se nourrissent. La lumière divine de la révélation qui éclaire notre chemin, est rapprochée de la lumière du soleil et de celle de la raison. L’Église est une société véritable qui a son but, ses lois, son organisation, ses chefs, son indépendance, comme les sociétés civiles. Le péché est la mort de notre âme. Adam et Jésus-Christ ont été devant Dieu les représentants de l’humanité : celle-ci a été livrée à l’esclavage du démon par la faute du premier ; elle a recouvré sa liberté et ses droits par la rédemption du second. Ces images ne sont pas de simples comparaisons choisies arbitrairement par Dieu, pour nous expliquer les mystères ; ce sont des analogies qui s’imposent, lorsqu’on veut expliquer l’ordre de la grâce, parce que l’ordre de la grâce se superpose à l’ordre de la nature. » Vacant, op. cit., n. 782-785.

2° Cette intelligence des mystères est un don de Dieu. — L’intelligence des mystères suppose la foi en ces mystères, proposés à notre raison par la révélation. On peut sans doute, sans la foi, en avoir une intelligence toute matérielle et quant à la lettre. De cette connaissance il ne saurait être question quand on parle de « lintelligence » des mystères. Cette intelligence suppose, en effet, que nous les atteignons dans les rapports qu’ils présentent entre eux et surtout avec notre fin dernière. Or, une telle intelligence ne peut exister que sous l’influence de la lumière de la foi. Deo danle, dit le concile, faisant écho aux déclarations du IIe concile d’Orange, canon 7, rapportées au c. m : « Bien que l’assentiment de la foi ne soit point du tout un mouvement aveugle de l’esprit, personne ne peut adhérer à l’enseignement de l’Évangile comme il le faut, pour arriver au salut, sans une illumination et une inspiration de i Esprit-Saint, qui donne à tous la suavité de l’adhésion et de la croyance à la vérité. C’est pourquoi la foi en elle-même est un don de Dieu… » Denz.-Bannw., n. 1791 ; cꝟ. 180. Voir, relativement à cette vérité, le commentaire de saint Thomas, sur I Cor., ii, 14, et Sum. theol., II^-II^, q. vi, a. 3. Les analogies proposées par les théologiens eux-mêmes ne sauraient être un moyen de pénétration des mystères qu’autant qu’elles sont éclairées par la foi ; car elles n’ont de valeur certaine qu’en tant qu’elles sont des explications des analogies révélées. La raison seule ne peut découvrir les ana DICT. DE THÉOL. CATHOL.

logies favorisant l’intelligence du mystère comme tel, puisque laissée à ses seules lumières, la raison ne saurait atteindre Dieu que comme auteur de l’ordre naturel.

3° Même après la révélation que Dieu a faite des mystères, leur intelligence demeure obscure et imparfaite.

— 1. Doctrines visées par cette affirmation. — - Notre affirmation suppose que la révélation des mystères a été faite ; elle vise donc les semi-rationalistes qui soutiennent que, si la révélation est nécessaire pour nous manifester les mystères, nous pouvons néanmoins, par les lumières de la seule raison, acquérir une intelligence scientifique de ces mystères une fois qu’ils ont été manifestés par la révélation. C’est la thèse de Frohschammer, condamnée par la lettre Gravissimas inter. Denz.-Bannw., n. 1669. Elle vise aussi les auteurs qui, tenant à bon droit la trinité des personnes comme nécessaire en Dieu, refusaient de ranger le dogme de la Trinité parmi les mystères, erreur condamnée chez les gunthériens par Pie IX, bref Eximiam tuam, 15 juin 1857, Denz.-Bannw., n. 1665, et chez Rosmini, par Léon XIII, prop. 25, Denz.-Bannw., n. 1915. Le Syllabus condamne la proposition suivante qui englobe toutes les doctrines réprouvées :

Prop. 9. — Omnia indis criminatim dogmata reli Tous les dogmes de la reli gion chrétienne sans distinc gionis christianse sunt objection sont l’objet de la science

tum naturalis scientiæ seu

philosophiæ ; et humana ra naturelle ou philosophie ; et

avec une culture purement

tio historiée tantum exculta, historique, la raison humaine

potest, ex suis naturalibus peut, d’après ses principes et

viribus et principiis, ad veses forces naturelles, parve ram de omnibus etiam reconnir à une vraie connaissance

ditioribus dogmatibus scien tiam pervenire, modo hsec

de tous les dogmes, même

les plus cachés, pourvu que

dogmata tanquam objectum ces dogmes aient été propoproposita fuerunt. ses à la raison comme objet.

Denz.-Bannw., n. 1709.

En reprenant ces condamnations dans le second paragraphe du c. vi de notre constitution, le concile du Vatican entend englober dans la même réprobation toutes les formes d’erreurs qui introduisent le rationalisme dans l’intelligence des mystères après leur révélation, soit qu’il s’agisse sans aucune distinction de toute sorte de mystères, soit qu’on distingue entre mystères ayant leur fondement dans la libre volonté de Dieu ou dans la nécessité de la nature divine. Cf. note 12 sur le schéma prosynodal de la constitution De doctrina catholica, dans Vacant, op. cit., t. i, p. 589.

2. Doctrine de l’Eglise.

La note 13 sur le même schéma, voir Vacant, t. i, p. 590, rappelle opportunément qu’il existe une double science des mystères, fldes quærens intelleclum : < l’une prétendait arriver à en démontrer l’existence et à en comprendre l’essence intrinsèque par les principes perçus à la seule lumière de la raison, et elle les considérait ainsi comme des vérités qui sont, non pas au-dessus, mais à la portée de la raison. C’est cette science purement philosophique qui est condamnée… Il est une autre science des mystères, qui part des principes révélés et crus par la foi et s’appuie sur ces principes. Cette intelligence est bien loin d’être condamnée ; car elle constitue une portion de la théologie sacrée. » La science purement philosophique des mystères, condamnée par la lettre Gravissimas inter, par le second paragraphe du c. iv de la constitution Dz ftde catholica, et par le canon 1 qui y correspond, implique donc une impossibilité absolue de ramener les mystères à des principes de certitude naturelle. L’intelligence qu’on en aura ne sera jamais semblable à notre intelligence des vérités naturelles, que nous comprenons en les ramenant à des données d’expérience ou à des principes évidents pour la raison. La démonstra X. — 82