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MUTILATION


Espagne et en Pologne. Et quand la loi fut tombée en désuétude, les particuliers se firent encore fréquemment justice. Chez certaines tribus sauvages, l’usage exista longtemps de châtier ainsi les prisonniers de guerre ; et cette coutume barbare se rencontre encore quelquefois dans les guerres du Moyen Age.

On appréciera plus loin la moralité de telles pratiques. En ce qui concerne la loi du talion, on peut accorder qu’ « elle simplifiait la législation pénale, donnait satisfaction à celui qui avait subi le dommage, empêchait celui-ci d’exagérer ses exigences et prévenait les violences, en menaçant d’une peine bien déterminée celui qui était tenté de les commettre ». H. Lesêlre, art. cit., col. 1975. Quand Jésus-Christ parut, la loi du talion était depuis longtemps, chez les Juifs, tombée en désuétude. Néanmoins, pour prévenir les abus toujours possibles et inculquer une loi nouvelle, toute de charité, le Sauveur abolit expressément la loi du talion. Matth., v, 38, 39.

Aspect social.

L’intérêt social a été, sur ce

sujet, entendu de bien des manières. Chez les anciens peuples, la mutilation de l’homme a été une des conséquences de la polygamie et de la jalousie des princes et des grands, désireux de garder pour eux seuls tous les droits à la débauche. Dans ce but, on faisait eunuques non seulement de jeunes enfants, mais encore des adolescents ayant atteint l’âge de la puberté. Hérodote, iii, 49 ; vi, 32. La sainte Écriture mentionne des eunuques en Egypte, Gen., xl, 1 ; cf. xxxvii, 36 ; xxxix, 1 ; en Assyrie, IV Reg., xviii, 17 ; cf. xx, 18 ; Is., xxxix, 7 ; en Perse, Esth., i, 10, 15 ; n, 3, 14, 21 ; iv, 4, 5 ; vi, 2 ; vii, 9 ; en Ethiopie, Jer., xxxvin, 7 ; xli, 16 ; cf. Act., viii, 27-29. On sait qu’ils pullulaient à Rome. Suétone, Domilien, 7. Sous Hérode, ils furent acclimatés en Palestine. Josèphe, Ant. jud., XV, vii, 4 ; XVI, viii, 1. Mais il convient de dire que les eunuques avaient fait, depuis longtemps, leur apparition à la cour des rois de Juda et d’Israël, sous David, I Par., xxviii, 1 ; cf. I Reg., viii, 15 ; Achab, roi d’Israël, III Reg., xxii, 9 ; Joram, roi d’Israël, IV Reg., viii, 6 ; Jézabel, IV Reg., ix, 32 ; Amon, roi de Juda, IV Reg., xxiii, 11 ; Joachim, roi de Juda, IV Reg., xxiv, 12 ; Jer., xxix, 2. On les trouve jusqu’à la prise de Jérusalem par les Chaldéens, Jer., xxxiv, 19 ; lii, 25, et c’est un eunuque qui est à la tête de la force armée au moment de la reddition de la ville. IV Reg., xxv, 19. Les eunuques étaient peut-être des étrangers qui, déjà mutilés, s’étaient mis au service des Israélites, à moins que le terme d’ « eunuque » ne signifie ici tout simplement un fonctionnaire. Cf. H. Lesêtre, art. Eunuque, dans le Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 2045-2056. La civilisation byzantine a connu de r.ouveau les eunuques, qui, à certaines époques, jouent un rôle considérable au Palais sacré.

Dans les temps modernes, l’intérêt social a revêtu un caractère artistique et pour ainsi dire religieux. Il s’agit des enfants auxquels on fait subir la castration en vue de leur garder la voix blanche. Assez nombreux malheureusement ont été les théologiens qui ont enseigné la licéité d’une telle pratique. Saint Alphonse de Liguori se fait le rapporteur, s.n s les critiquer, des arguments invoqués en faveur de la licéité : < Ces eunuques sont utiles au bien commun, puisqu’ils Chantent dans les églises, d’une manière plus suave, les louanges divines. D’ailleurs, la conservation de la voix leur apporte un bienfait considérable, celui de les élever à une condition sociale meilleure, et de leur procurer pour toute leur vie un moyen d’existence convenable et rémunérateur. Ces motifs présentent un bien réel qui conl rebalance licitement le détriincni que soullrc leur corps. Et ils sont d’autant plus recevables que l’usage d’une telle pratique s’est im planté et que l’Église le tolère. » Theol. mor., t. III, tract, iv, c. i, n. 374.

Enfin, au point de vue de l’hygiène sociale, certains médecins demandent aujourd’hui, qu’à l’instar de certains États d’Amérique du Xord, on introduise la pratique de la vasectomie. Sans entrer ici dans les détails anatomiques de l’opération, il suffira de dire que la vasectomie complète ou double comporte la section des deux canaux déférents par lesquels le liquide prolifique, chez l’homme, est conduit au canal de l’urètre avant d’être projeté au dehors dans l’acte conjugal. L’acte conjugal reste encore possible après une telle opération, mais le liquide qui sort alors du membre viril n’est plus prolifique. Primitivement, cette castration d’un genre spécial avait été instituée, dans quelques États de l’Amérique du Nord (Connecticut, Californie, Utah) à titre de pénalité, pour punir les nègres coupables de viol ; mais, dans la suite, on en a fait surtout, sous certaines garanties d’ordre médical, un moyen préventif pour empêcher la propagation des dégénérescences, des tares héréditaires, des instincts criminels, et contribuer ainsi à la conservation et à l’assainissement de la santé publique. La question de la vasectomie est aussi à l’ordre dii jour dans certains États d’Europe. Cf. Gemelli, De liceitale vasectomise dans la Scuola cattolica de Milan, nov. 1911, p. 399-400. Le problème de la moralité d’une telle pratique est complexe : il intéresse non seulement le moraliste proprement dit, mais encore le canoniste, au point de vue de la licéité et de la validité des mariages contractés par des hommes ainsi mutilés.

Aspect spirituel.

Ce dernier aspect ne saurait

être négligé, car l’histoire de l’Église nous apprend que certains hérétiques prétendaient jadis que la castration était un moyen nécessaire au salut. Rapprochant Matth., viii, 8, 9. de Matth., xix, 12, ils interprétaient les paroles du Sauveur dans un sens littéral el matériel. Voir Eunuques, t. v, col. 1517.

II. Solutions.

Solutions générales.

1. Du

principe général posé par saint Thomas, il faut déduire la règle suivante : Aucune mutilation importante, aucune opération dangereuse n’est permise si elle n’a pour but soit de conserver la vie du patient, soit de le délivrer d’une grave et insupportable infirmité ou de persistantes et intolérables douleurs. Attendu toutefois qu’il est défendu de donner la mort, des opérations et mutilations gravement dangereuses pour la vie du patient ne seraient pas légitimes, si elles n’offraient absolument aucune chance de succès. Le chirurgien devra donc s’abstenir de toute intervention qui ne serait qu’un moyen détourné d’accélérer la mort d’un individu. Il se gardera d’aller, dans aucune opération, au delà du but qui la justifie. La mutilation d’un membre ne s’imposera que lorsque toute autre opération ou médication seront reconnues inefficaces. En cas de doute sur la nécessité d’une opération’ou d’une mutilation, le chirurgien aura égard uniquement au plus grand bien du patient. C’est en vertu du même principe que les moralistes autorisent quelqu’un qui serait enchaîné par le bras, à se faire détacher, même au besoin par une amputation violente, pour échapper à un incendie menaçant. Mais il ne serait pas permis à un mendiant de se mutiler gravement pour exciter davantage la pitié des âmes généreuses. La mutilation n’est pas en ce cas le seul moyen efficace d’éviter la mort.

lui tout cas, aucune opération grave, aucune mutilation importante ne devra être tentée par surprise, sans le consentement de l’intéressé ou de ceux dont il dépend, toutes les fois qu’il est possible de le demande ! , l.e rôle du chirurgien se borne ici à conseiller, à encourager, à représenter sans exagération les consé-