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gymnasium indépendant de celui des conventuels, chercha à s’assurer les sympathies du Conseil par la publication du fameux ouvrage Germania. Il s’efforçait dans ce travail de réfuter la thèse du Dauphin, Louis XI de France, qui, en jetant, en 1444, les Ècorcheurs contre les Suisses, avait prétendu que les frontières de la Gaule devaient s’étendre jusqu’au Rhin, et il voulait prouver que ni Strasbourg, ni aucune autre ville du Haut-Rhin n’avaient jamais été sous la domination française. Les franciscains, craignant que la création d’un nouveau gymnasium ne fût la perte du leur, chargèrent Murner de réfuter la thèse défendue par Wimpheling. Il le fit dans sa Germania noua, mais cela lui coûta cher. Il devint l’objet d’attaques acharnées de la part des amis de Wimpheling, principalement de la part de Pierre Gûnther et du jeune Thomas Wolf, qui le représentèrent comme un adversaire des sciences et l’accusèrent du crime de haute trahison. Le conseil de Strasbourg, ému de ces graves accusations contre Murner, condamna et supprima l’ouvrage du jeune franciscain, qui est devenu extrêmement rare. La bibliothèque nationale de Strasbourg en possède un exemplaire (R, 100.631) ; en 1877, K. Schmidt le publia à Genève avec la Germania de Wimpheling, d’après un exemplaire conservé à Zurich. Murner s’efforça encore de se défendre contre les graves accusations portées contre lui dans Honesloruni poemilum condigna laudatio. Il proposa même à ses adversaires de réfuter leurs thèses dans un débat public. Ils s’y refusèrent et continuèrent à rendre le jeune Murner ridicule et odieux aux yeux du peuple.

Les franciscains, au contraire, estimaient la science de leur jeune confrère, qui fut chargé de prendre la parole dans quatre chapitres provinciaux successifs, dans celui de Soleure (1502), d’Esslingen (1503), de Strasbourg (1504), et dans celui d’Ueberlingen, en 1505. Il assista probablement au chapitre général de Rome, à la Pentecôte 1506. La même année, l’empereur Maximilien I" lui accorda officiellement le titre de poète, non seulement à cause des services qu’il avait rendus à la poésie ecclésiastique et à cause de sa remarquable éloquence, mais aussi parce qu’il avait introduit et appliqué les anciennes poésies, même les poésies païennes, à la théologie. Il se trouvait probablement encore, en 1506, àCracovie où il enseignait la logique d’après une nouvelle méthode, à savoir un jeu de cartes et il publiait, à ce sujet, en 1507, son Charliludium logicæ. Il doit avoir appris cette méthode à Paris, où Lefèvre d’Étaples l’appliquait à l’arithmétique.

On trouve Murner, en 1508, à Fribourg, où il était venu avec un jeune noble pour y poursuivre ses études. Il y entretint des relations très étroites avec l’humaniste Jacques Locher, qui expliquait Horace et Lucain, et défendait la formation classique contre les idées et les opinions de l’Église. Murner se brouilla à cause de cela avec le juriste influent Ulrich Zasius. Locher dut quitter Fribourg et le franciscain fut sévèrement réprimandé. Murner n’en continua pas moins à soutenir que l’étude de la littérature ancienne se conciliait avec une vie pieuse et disciplinée, et que la formation classique était nécessaire à tous ceux, fussent-ils religieux, qui devaient entrer en contact avec le monde. Avant 1509, il acquit le grade de docteur à l’université de Fribourg. Comme il l’avait fait auparavant pour la logique, il se servit ici encore d’un jeu pour apprendre la prosodie. Il paraît toutefois que, cette fois, ce ne fut pas le jeu des cartes qu’il employa. Le résultat de son enseignement a été publié dans Ludus sludentum Friburgensium qui parut, en 1511, à Francfort.

Envoyé ensuite par ses supérieurs à Berne, en 1509, il y composa : Von den fier kelzeren Predigerordens der

observanz zu Bern in Sclvveijlzerland varbrandU (31 mai 1509). C’est son premier travail en allemand. C’est le rapport détaillé d’un procès qui. vers cette époque, eut lieu contre quelques dominicains, qui, pour confirmer la doctrine traditionnelle de leur ordre contraire à l’immaculée conception, avdent apporté quelques faux miracles. II faut placer également à cette époque la composition de plusieurs écrits dans lesquels il raillait les fous. Il fut nommé gardien à Spire en 1510, et prêcha l’avent, en 1511, à Francfort. Élu gardien de Strasbourg, en 1513, par le chapitre provincial réuni à Nordlingen, il fut déposé dès l’année suivante. Il se rendit ensuite en Italie et enseigna quelque temps à Venise. Obligé par sa santé de retourner dans son pays, il vint se fixer à Trêves, où il avait l’intention d’enseigner le droit, encore par le jeu de cartes, comme l’atteste l’ouvrage, paru en 1518, Charliludium institute summarie. Cependant Murner n’y a jamais professé. A peine avait-il annoncé, en novembre 1515, les leçons qu’il voulait donner sur le droit que les chanoines de Cologne et de Trêves, à cause de son attachement à Reuchlin, l’attaquèrent, portèrent toutes sortes d’accusations contre lui et l’obligèrent comme < apostat de la foi et adversaire des sciences » à quitter la ville.

En 1518, il reparaît à Bàle, où il se perfectionna dans le droit et où, en 1519, il devint docteur en droit canonique et civil, malgré l’opposition acharnée de Ulrich Zasius. La même année, il traduisit en allemand les Instilutionex Justiniani, dont une nouvelle édition parut en 1521 avec le titre : Der keijserlichen slatrechten im ingang und wares fundament. A son retour à Strasbourg, en 1520, il prit une part active aux luttes religieuses qui, vers cette époque, déchirèrent l’Église catholique. Il se déclara bientôt l’adversaire ouvert et acharné de Luther et du protestantisme. Dans sa traduction du De caplivitale babijlonica Ecclesix, intitulée Babylonische Gefengnuss der Kirche, il fait une critique serrée du système luthérien et des doctrines protestantes. Il n’écrivit pas moins de 32 traités contre Luther, dont quelques-uns seulement ont été publiés. Il ne composa pas seulement des ouvrages dogmatiques contre les protestants, il s’efforça ausside les rendra ridicules et odieux au peuple par des satires véhémentes, dont la principale est Von dem grossen lulherischen Narren wie in doctor Murner beschworen hat, publiée en 1522. Le Conseil de Strasbourg défendit et supprima cet écrit et interdit à Murner de rien publier désormais.

Murner traduisit en allemand, en 1522, VAssertio septem sacramentorum de Henri VIII, avec le titre : Bekenning der siben sakraminten widsr Marlinum Lu> Iherum gemacht von dem Kônig zu Engelland. Le roi d’Angleterre s’y intéressa si fort qu’il désira voir le franciscain. En 1523, Murner fut l’hôte de Henri VIII. A son retour à Strasbourg, la réforme protestante y avait pénétré profondément et était parvenu à s’imposer à la majorité des citoyens. Il fut député par l’évêque de Strasbourg, en 1524, au Reichstag de Nuremberg pour y porter plainte devant le cardinallégat Campeggio contre la mesure prise par le Conseil de Strasbourg, autorisant dans la ville la réforme protestante. Pendant la triste guerre des paysans, le peuple irrité se jeta sur le couvent des franciscains de Strasbourg et mit tout au pillage. Il s’acharna avec une véhémence marquée sur la cellule de Murner (5 septembre 1524). A cette époque Murner était à Obernai, d’où il fut obligé de partir en 1525, poursuivi par la haine et la fureur des paysans révoltés. Il se rendit alors à Lucerne, où il devint professeur de théologie et prédicateur. Il se mit à la tête du parti catholique dans la lutte contre Zwingle, dont il devint l’adversaire le plus acharné.