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MURATORI


droit d’exposer pour cela le bien qu’est notre vie. Cela était dit en une petite colonne, p. 137, mais cela venait après un avertissement aux censeurs ecclésiastiques d’avoir l’œil ouvert sur la superstition et ses excès.

C’est de ces quelques lignes que devait sortir toute la polémique que l’on a appelée du vœu sanguinaire, et qui commença d’ailleurs une quinzaine d’années après l’apparition de l’ouvrage. En 1729, le jésuite Fr. Burgi faisait paraître sous le pseudonyme de Candidus Partlienotimus une défense du vœu : Votum pro tui’iula Deiparæ coneeptione ab oppugnationibus recenlioris Lamindi Prilanii vindicalum. Cette publication amena parmi les jésuites de Sicile une grande excitation ; on renouvela solennellement le vœu sanguinaire, on prêcha dans les chaires contre les « hérétiques » qui niaient l’immaculée conception. Informé, Muratori composa une réponse qui était prête dès 1732, mais qui, pour diverses raisons, ne put paraître qu’en 1740, à Venise (en réalité Milan) : De superstilione vitanda, sive censura voti sanguinarii in immaculatse conceptionis Deiparæ emissi, a Lamindo Pritanio antea oppugnati atque a Candido Parthenotimo incassum vindicati, et il le signait Antonius Lampridius (anagramme transparent de Lamindus Pritanius). Il y maintenait, avec preuves à l’appui, l’idée exprimée dans le De moderatione.

L’émotion fut grande dans les milieux dévots ; les écrits se multiplièrent contre le malencontreux érudit ; on y prétendait démontrer que, malgré ses dires, Muratori attaquait la pieuse croyance (chose défendue par l’autorité pontificale). Ceci était pure calomnie, car l’auteur avait pris de ce côté toutes ses sûretés. On verra dans la Vie de Muratori par son neveu, p. 118 sq., la liste imposante des auteurs qui entrèrent en lice et des livres, bien oubliés, qu’ils publièrent. Irréductible, Muratori ne se lassait pas de répliquer. En 1743, il faisait paraître à Milan (réellement Venise) : Ferdinandi Valdesii epistolæ seu appen-dix ad librum Anlonii Lampridii De superstitione vitanda, ubi votum sanguinarium recte oppugnatum, maie propugnatum ostenditur.

Il y reviendra encore en quelques mots dans un ouvrage en italien publié à Venise en 1747, toujours sous le pseudonyme de Lamindus Pritanius : Délia regolala divozione de Cristiani (autres édit., 1748, 1752, etc., trad. allemande) où d’ailleurs le débat était singulièrement élargi. Outre qu’il y faisait le procès de la dévotion toute en extérieur chère aux Italiens, des pratiques parfois superstitieuses où se complaît trop facilement le populaire, des recettes mécaniques et infaillibles enseignées par trop de prédicateurs, il avait à cœur d’y répondre à une accusation qui, dans les années 1740, s’était élevée contre lui à Salzbourg. En cette ville, on avait découvert à ce moment-là et son De ingeniorum moderatione, et surtout quelques conseils de spiritualité donnés par lui dans les Esercizii spirituali publiés en 1720. Rappelant la doctrine de l’Écriture sur l’unique médiateur, Jésus-Christ, Muratori y avait enseigné que seule, en rigueur de terme, la dévotion au Christ est nécessaire pour le salut, que l’invocation des saints, et même de la Vierge, pour louable et utile qu’elle soit, ne peut être dite nécessaire. Tombant dans le milieu dévot de Salzbourg, où l’on se piquait d’avoir plus qu’ailleurs la piété envers Marie, ces affirmations firent scandale. Des violences de langage se donnèrent libre cours dans les chaires de la ville, malgré l’intervention de l’archevêque. Un échange de lettres plutôt discourtoises eut lieu entre Muratori et le syndic de l’université. Elles sont publiées en appendice à la Vita, p. 300-310. De tout cela le vieil érudit se souvint en écrivant La regolata divozione.

Il mourut trop tôt pour connaître la réplique que crut devoir y faire un des adversaires de Muratori, dans la’question du vœu sanguinaire, le P. Ben. Plazza, S. J., Christianorum in sanctos sanctorumpie reginam, eorumque festa, imagines et reliquias communis et propensa devotio a præpoitera Lamindi Prilanii reformalione… vindicala, Païenne, 1751 ; l’auteur cherchait à faire passer l’honnête Lamindus pour un hérétique et un janséniste. De même le P. Salvator Maurici, S. J., lançait à Lucques, en 1753 : La divozion de’Cristiani difesa dalla critica di Lamindo Pritanio. Cette offensive déclencha de nouvelles réponses des amis du défunt : Lamindi Prilanii redivivi epistola parœnetica ad P. Ben. Plazza, S..L, censorem minus sequum libelli Della regolata divozione, Venise, 1755, et deux ans plus tard, en 1757 : Avve.rtimznti teologici, storicie morali a spiegazione del trattalo della reg. divoz., e d’allre proposizioni sparse in allri libri dello stesso aulore. Le célèbre dominicain Concina entra en ligne pour la défense de Muratori dans son De revelata religione, part. I, t. V, c. ix, § 8.

Entre temps la Congrégation de l’Index avait été saisie par Benoît XIV de l’examen du livre, De regolala divozione ; elle rendait le 18 décembre 1753 un jugement extrêmement favorable à l’auteur : Nullam illi posse vel levissimam censoriam nolam inuri. Nam quantum ad doctrinam quæ in eo continetur, censuere eam esse undequaque piam orthodoxamque. Illa vero quibus auctor adversatur… constat esse vel certat minifestasque sacrarum rerum d’.pravationcs, vel insipientes ad superslitionem cœteroquin nimium proni popelli opiniones, quas catholica Ecclesia nunquam probavit. Cité par l’archevêque de Vienne, Migazzi dans une lettre pastorale du23 septembre 1759 (dans Archivio Muratoriano, Modène, 1872, p. 149-150).

3. Sur un certain nombre de questions morales ou disciplinaires, Muratori a été appelé à dire son mot.

Il prit parti pour Alexandre Mantegazzi qui avait publié à Paris, en 1736, une dissertation, De jejunio cum esu carnium conjungendo, où était soutenu l’idée, assez neuve alors, que l’essence du jeûne ne consistait pas dans l’abstinence, mais dans l’unique repas quotidien, et qu’il pouvait donc y avoir jeûne, même avec usage d’aliments gras. Muratori soutint le même point de vue dans un Votum imprimé à Parme en 1737.

Bien plus importante fut son intervention dans la question des fêtes à supprimer. Il n’y avait pas que le savetier de La Fontaine à trouver qu’il y avait trop de fêtes de précepte. Saisi de nombreuses demandes, Benoît XIV avait, en 1742, interrogé les évêques d’Italie sur ce qu’il était utile de faire ; il voulut avoir aussi le sentiment de Muratori qui, le 4 janvier 1743, opina pour la réduction, arguant spécialement des besoins des classes laborieuses. Son attitude et le soutien qu’il donna à l’archevêque de Fermo qui, dès septembre 1746, avait procédé à la réduction, faillit le brouiller avec le cardinal Querini. Celui-ci, opposé à cette innovation, avait bataillé par écrit contre l’archevêque de Fermo. Il fut très fâché de voir qu’au c. xxi de la Regolala divozione, parue sur les entrefaites, Muratori prenait ouvertement parti contre lui ; il attaqua donc assez vivement l’auteur qui répondit par une Dijesa di quanto ha scrilto Lamindo Pritanio in javore della diminuzione délie troppe /este, parue à Lucques, en 1748, avec l’autorisation expresse de Benoît XIV, dans la Raccolla di scritlure concernenti la diminuzione délie /este di precetto. De plus en plus irrité, Querini riposta le 14 août 1748 par une lettre publique aux évêques d’Italie, où il invoquait en faveur du statu quo une prescription deux fois centenaire. Muratori tint bon ; en octobre de la même année, il rédigeait une Riposta alla nuova scritlura del card. Querini, précédée d’une Supplica ai vescovi d’Ilalia