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MOYNE (PIERRE LE) — MOZARABE (MESSE ;


Reine régente, Rouen, 1644, in-8°, Réponse au libelle intitulé la Théologie morale des jésuites, Paris, 1644, in-8°, et au P. Annat, Le libelle intitulé … contredit et convaincu en tous ses chefs, Paris, 1644, in-8°, laissant donc à d’autres plus compétents que lui, le soin de discuter théologiquement les accusations portées par Arnauld contre la morale des jésuites, Le Moyne « prit la question par ses côtés les plus élevés, sûr de déployer ainsi avec plus d’avantage ses ressources oratoires », Chérot, p. 129-130 ; il attaqua l’auteur anonyme de la Théologie morale, lui reprochant trois impostures « des plus noires et des mieux marquées » : « par la première, cet homme fait des opinions de quelques particuliers, des crimes généraux… ; par la seconde, il produit des opinions qui ne sont point nées chez nous, qui sont venues d’ailleurs, qui étaient vieilles dans les Écoles, avant qu’il y eût des jésuites au monde ; … par la troisième, il falsifie les textes des auteurs… », cité par Chérot, p. 133. Le Manifeste du P. Le Moyne fut dénoncé au Parlement, mais l’affaire n’eut pas de suite. Cf. Chérot, p. 136, note. La onzième Provinciale n’y fait qu’une rapide allusion : « Car quel fruit a-t-il paru de ce que tant de savants docteurs et l’université entière vous en ont repris par tant de livres ? Qu’ont fait vos Pères Annat, Caussin, Pinthereau et Le Moyne, dans les réponses qu’ils y ont faites, sinon de couvrir d’injures ceux qui leur avaient donné ces avis si salutaires’? » Cité par Chérot, p. 137, note.

La dévotion aisée prétend n’être que la reproduction d’une conversation du P. Le Moyne avec Madame de Toisy ; elle vise deux catégories de lecteurs : les « appréhensifs » qui s’effraient trop facilement de la dévotion, et ces âmes inquiètes qui ne voient de dévotion que dans cet « étage supérieur, où l’on ne monte que par une longue croix et par une mort continuelle ; où il ne monte que des contemplatifs et des extatiques. » Cité par Chérot. p. 210-211. En somme, le livre du P. Le Moyne est comme une réplique de l’Introduction ù la vie dévote ; comme celle-ci, il se propose de démontrer que « la dévotion n’est pas inaccessible, comme on le veut faire à croire. Elle a de hautes régions pour les âmes qui ont des ailes ; elle en a de basses pour celles-là mêmes qui ont peine à marcher. Et par conséquent, elle n’est pas seulement pour ces dépouillés et pour ces libres qui sont dégagés du monde. Elle est encore pour ces embarrassés qui traînent une famille et une fortune, qui ont des prétentions et des affaires, qui sont chargés de tous les devoirs et de toutes les nécessités de la vie commune. » Cité par Chérot, p. 210, note 2. « Il serait facile, ajoute le P. Chérot, de poursuivre le parallèle (entre l’Introduction et La dévotion) dans les détails. Les pensées qui ont été le plus critiquées dans La dévotion aisée sont précisément celles où l’auteur se rapproche le plus de son illustre devancier. » Il s’agit particulièrement de l’habillement et de la parure, du logis et des meubles, et des divertissements.

Le P. Le Moyne ne se doutait guère probablement du tapage qui allait se faire autour de son livre. Dès le 28 octobre 1652, le fameux Toussaint des Mares, prêtre de l’Oratoire, « Port-Royaliste du dehors » et des plus ardents, dans une lettre de 12 pages in-4°, somma le P. de Lingen de retirer l’approbation qu’il avait donnée au livre de son confrère, ouvrage qui « au jugement de tous les sages, n’est pas seulement la folie d’un poète extravagant tel qu’est le P. Le Moyne, mais un ouvrage de ténèbres, et qui ne peut avoir été suggéré que par un ange de perdition…, qui ne parle qu’en païen et à la manière des plus libertins de tous les païens. » Cf. Chérot, p. 213. La menace de polémique, dont l’oratorien accompagnait sa sommation, n’émut pas le jésuite.. — Ce fut Le Maistre de Sacy qui se chargea de l’exécution : La dévotion aisée fut

tournée en ridicule dans Les Entuminures du fameux almanach des PP. Jésuites, intitulé La déroute et la confusion des jansénistes ou triomphe de Molina jésuite sur S. Augustin, s. 1., 1654. Voir dans Chérot, p. 215217, quelques échantillons des « vers prosaïques » de la huitième entuminure, tout entière consacrée au livre du P. Le Moyne. — « Lorsque le gros rire des Entuminures se fut calmé, une voix s’éleva tout à coup de Port-Royal, mâle et vibrante, qui parlait un français d’une saveur inconnue, passionnée comme l’éloquence, légère et ailée comme l’ironie. Les années 1656 et 1657 virent paraître les Petites lettres. La huitième Entuminure était devenue les neuvième et onzième provinciales. » Chérot, p. 221. — La dévotion aisée fait encore les frais de la satire burlesque de Barbier d’Aucour, Onguent ]>our ta brûlure, ou le secret pour empêcher les jésuites de brûler les livres, 1664, in-4° ; réédition à Cologne, 1682, in-12. Voir dans Chérot, p. 225-227, quelques morceaux choisis de ce pamphlet.

L’abbé Maynard, dans son édition des Provinciales, t. i. p. 395-401, a cru devoir innocenter la victime de Pascal. Loyalement, le P. Chérot se montre plus sévère pour son confrère du xvii siècle : « En reconnaissant la justesse des observations de M. l’abbé Maynard, disons cependant que le livre du P. Le Moyne a, suivant nous, deux torts : l’un son titre, l’autre le point de vue trop exclusif de ses théories. » p. 229. « Le religieux à qui la pratique habituelle de ses règles avait fait de la vertu une seconde nature, trouvait l’exercice du bien aisé, et il jugeait des autres d’après lui… Mais il parla trop de la victoire ( et des joies qu’elle procure) et pas assez de la lutte, et il oublia que dans cette lutte, rien moins qu’aisée, tout chrétien a besoin de la grâce. » P. 229-231. Ayant loyalement reconnu les torts de son héros, l’historien du P. Le Moyne peut protester avec d’autant plus de droit contre l’assimilation tentée par Pascal entre dévotion aisée et morale relâchée ; si le P. Le Moyne démontre qu’il est plus aisé de vivre chrétiennement que de suivre les errements du monde, il ne s’ensuit pas qu’il élargisse outre mesure le sentier étroit du bien.

Les Peintures morales du P. Le Moyne furent aussi l’objet des attaques de Pascal dans la neuvième et la onzième Provinciales ; cf. Chérot, p. 104-109 ; comme elles n’intéressent que peu ou pas la théologie, nous n’en dirons rien.

Le livre du P. Chérot s’impose évidemment pour une connaissance complète du P. Le Moyne. Sommervogol s’en est servi pour l’article Moyne (Pierre Le) de la nouvellle édition de la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. V, col. 1356-1371. Il renvoie aussi à un article de E. de Forest, Pierre Lemoyne. Sa nie et son œuvre, dans la Revue de France. 1876, t. xviii, p. 102-134. Pour la querelle de La dévotion aisée, cf. Mémoires du P. René Rapin, publiés par Léon Aubineau, Paris, 1865, in-8°, t. ii, p. 191 sq. ; et pour la réponse aux attaques de Pascal contre les Peintures morales, le Manifeste apologétique et La dévotion aisée, l’ouvrage de l’abbé Maynard, Les Provinciales de Pascal et leur réfutation, Paris, 1851, 2 in-8°. Voir aussi l’édit. de Pascal des Grands écrivains de France, par L. Brunsclivicg, P. Houtroux et F. Gazier, t. xi.

A. FONCK.

    1. MOZARABE (MESSE)##


MOZARABE (MESSE), I. La liturgie mozarabe II. Les sources et les documents (col. 2520). III. La messe mozarabe (col. 2523). IV. Remarques générales (col. 2539).

I. La liturgie mozarabe.

Avant de décrire

la messe mozarabe, ce qui est proprement l’objet de cet article, nous avons à donner sur l’histoire et les origines de cette liturgie, quelques notions qui nous aideront à mieux comprendre la portée des rites.

Le nom.

Le nom de mozarabe (Muzarabes