Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée
1415
1416
MESSIANISME, PROMESSES FAITES AUX PATRIARCHES


assure que les prétendues prédictions ne sont que des descriptions de la puissance et de la gloire d’Israël à l’époque de David et de Salomon.

Les commentaires de la Genèse. — Pirot, Article A braham, dans Dictionnaire de la Bible, Supplément, t. 1, 1926, col. 19-23 ; J.-L. Lienhard, La religion des patriarches, étude d’histoire et de théologie biblique, 1899 ; W. Caspari, Abrahams Berufung (Gen., xii, 1-3) dans Allgemeine evangelisch-lutherische Kirchenzeitung, 1919, p. 325 sq., 346 sq.

La bénédiction de Jacob.

Comme l’histoire des

patriarches s’ouvre par la bénédiction qu’Abraham reçut de Jahvé, elle se termine par celle que Jacob donna à ses douze fils. Le grand discours si poétique, mis dans la bouche du vieillard mourant, a son point culminant dans cet oracle sur Juda, Gen., xlix, 8-12 :

Juda, tes frères te loueront, ta main sera sur la nuque de tes ennemis ; les enfants de ton père se prosterneront devant toi.

Juda est un jeune lion ; c’est parle pillage, mon fils, que

[tu es monté ;

tu t’es étendu et couché comme un lion, comme une lionne ;

[qui oserait t’éveiller ?

Le sceptre ne sera pas enlevé de Juda, ni le bâton d’entre

[ses pieds,

jusqu’à ce que vienne celui à qui appartient le [gouveret à qui appartient l’obéissance des peuples. [nement] Il liera son âne à la vigne, et au cep de vigne le petit de

[l’ânesse ;

Il lavera son vêtement dans le vin et son manteau au sang

[des raisins.

Ses yeux brilleront de vin et ses dents seront blanches

[de lait.

D’après ces paroles, Juda, comme individu aussi bien que comme tribu, jouera parmi ses frères le rôle du lion parmi les animaux, et il sera un guerrier redoutable en face des ennemis. Personne n’osera l’attaquer, tandis que lui s’enrichira du butin pris aux autres. Cette position dominante durera jusqu’à un terme qui est indiqué par les trois mots ad ki iabô Siloh : « jusqu’à ce que vienne Siloh ». Cette petite phrase est la plus importante de tout l’oracle ; car c’est elle qui lui donne un sens messianique. Mais, à cause de cet énigmatique Siloh, elle forme depuis des siècles une véritable crux interpretum.

Il y a trois manières principales de l’expliquer. D’après la première interprétation, autrefois très répandue chez les exégètes protestants tels que Tuch, Ewald, Diestel, Dillmann, Fr. Delitzsch, Strack (1905), Meinhold, Einfùhrung ins Aile Testament, 1919, p. 167, le sujet de la phrase serait Juda, et Siloh serait le nom de la ville de Silo : « Jusqu’à ce qu’il vienne à Silo. » Elle est aujourd’hui presque entièrement abandonnée, parce que Juda n’a jamais eu de relation importante avec Silo, et que la conquête de cette ville n’a pas marqué de tournant dans l’histoire d’Israël.

Tous les autres prennent Siloh pour le sujet de venir. Seulement les uns, Vater, Gesenius, Beuss, Knobel et surtout Kônig, Messianische Weissagungen, p. 98, font de Siloh un substantif abstrait qui signifierait « repos » : Juda gardera sa supériorité « jusqu’à ce que vienne le repos ». Mais cette traduction de Siloh est purement hypothétique et, d’après les phrases précédentes, le repos existe déjà pour Juda pendant qu’il tient le sceptre.

Aussi la grande majorité des exégètes anciens et modernes, voit-elle dans Siloh la désignation d’un personnage à venir. Bien que l’accord soit loin d’être réalisé sur la façon de déterminer ce personnage, la plupart d’entre eux se sont ralliés à l’opinion qu’il s’agit du Messie. Mais il y a de nouveau discussion sur les détails de l’exégèse. Les uns, (Gunkel, Grcssmann), dérivent Siloh, soit qu’ils le gardent tel quel, soit qu’ils lui

substituent une forme légèrement différente, de la racine Salah « être tranquille » et y voient un nom mystérieux du Messie. D’autres remplacent Siloh par des mots provenant de racines qui ressemblent extérieurement à Salah, par exemple, Saluah = qui mittendus est. D’autres encore lisent Selloh pour Siloh, et l’expliquent comme un composé de la particule relative Se et du datif de la troisième personne du pronom personnel I6(h) : à qui.

Cette dernière interprétation est de beaucoup préférable aux deux précédentes ; car elle est tout à fait conforme aux consonnes de Siloh, elle est grammaticalement juste, et elle est surtout confirmée par presque toutes les anciennes versions, de sorte que Lagrange, La prophétie de Jacob, Revue biblique, 1898, p. 531, a écrit avec raison qu’elle ne devrait plus être controversée.

Cependant la manière ordinaire de la présenter ne semble pas juste : on prend Sello = à qui pour une phrase elliptique et on sous-entend comme complément : (7 (c’est-à-dire le sceptre) appartient. Ainsi Lagrange, Zapletal, Driver, Kautzsch, Kittel, Murillo, Procksch, Bœhmer, Dûrr. D’une part cette ellipse est trop forte, et à cause du mot suivant welô, « et à qui », si surprenante que Wellhausen, Frankenberg, Hùhn ont pour l’éviter supposé que welô est une glose de Selloh. D’autre part, comme Seydl.Der Katholik, 1900, p. 159 sq., l’a si bien relevé, le texte hébreu et quelques versions paraissent suggérer qu’il y a une vraie lacune. Dans la phrase :

Le sceptre ne sera pas enlevé de Juda jusqu’à ce que vienne celui à qui (appartient)… et à qui (appartient) l’obéissance des peuples,

le parallélisme exige après le premier « à qui » un substantif correspondant à « obéissance ». Ce substantif, nous le trouvons dans Ez., xxi, 32 : ad bô aSer 16 hamiSpal « jusqu’à ce que vienne celui à qui appartient le jugement », verset qui dépend indubitablement de notre passsage ; nous le retrouvons dans le Targum d’Onkelos où se lit la paraphrase suivante : « à qui appartient la royauté. » Nous sommes donc en droit de supposer que le texte actuel présente une lacune et de la combler par miSpat, jugement, gouvernement. Nous pouvons d’autant mieux le faire que le mot « gouvernement » qui se lit encore dans le texte hébreu d’Ézechiel ne se trouve plus dans le grec du même passage. Ce qui est arrivé au texte grec d’Ézechiel, s’est produit antérieurement sans doute dans le texte hébreu de la Genèse. Il est étonnant que cette interprétation donnée par Seydl n’ait pas trouvé d’adhérents ; car elle est de toutes la plus adéquate.

Il s’ensuit que le sens de la phrase si discutée serait celui-ci : le règne de Juda prendra seulement fin au moment où un prince très puissant apparaîtra. Cette annonce n’est aucunement une menace ; elle est au contraire une promesse, car le héros prédit ne sera pas un roi historique quelconque qui supplantera Juda, mais le roi par excellence qui régnera sur le monde entier et inaugurera une ère toute nouvelle. Aussi longtemps que l’état actuel des choses durera en Israël et chez les autres nations, donc jusqu’à la fin des temps, Juda tiendra le sceptre. Il ne le cédera qu’à un prince eschatologique qui exercera le pouvoir royal dans toute sa plénitude. Celui-ci sera le chef non seulement des tribus d’Israël et de quelques nations voisines, mais de tous les peuples.

Son avènement au trône marquera le commencement d’une époque de prospérité extraordinaire : il y aura une telle quantité de vignes que ce prince - - il vaut mieux prendre le prince pour sujet du t- 12, que Juda — pourra lier l’ône qui le porte, monture la