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MOSCHUS

2512 II. Œuvres. — 1° Le Pré spirituel, ’O Aeiiuov, tel est le titre que porte en de nombreux manuscrits l’ouvrage qui a popularisé le nom de Moschus. Au dire de Pliotius, d’autres textes l’appelaient le Nouveau paradis, ô véoç TtapaSeîaoç. Les deux titres expriment la même idée, que développe d’ailleurs en quelques phrases la petite préface mise en tête de l’ouvrage pour le dédier à Sophrone. C’est en un parterre émaillé des fleurs les plus belles et les plus odorantes que prétend nous introduire l’auteur ; et ces fleurs, ce sont les beaux exemples de vertus qu’ont donnés les héros de l’ascétisme chrétien, plus spécialement monastique, comme aussi les précieux conseils qu’ils nous adressent parfois directement.

Tel qu’il se présente aujourd’hui, le texte grec comporte 219 chapitres de longueur très inégale, les uns comptant quelques lignes, d’autres s’étendant sur plusieurs pages. Ce nombre n’a pas toujours été le même ; et Photius avait en mains des exemplaires qui comptaient différemment les chapitres ; l’un d’eux en avait jusqu’à 342. A ceci rien de surprenant ; d’abord les coupures ne sont pas partout les mêmes ; puis il est de la nature de semblables recueils de s’accroître par adjonction de récits analogues ou de conseils de même genre. Il a fallu les patientes recherches de dom Butler pour restituer le texte primitif de l’Histoire lausiaque de Palladius, qui présente avec le Pré spirituel tant d’analogies. Ce travail n’est pas encore commencé pour l’œuvre de Moschus.

L’attribution elle-même ne va pas sans quelques difficultés. Sans doute de bons mss. portent en tête le nom de Jean Eucratas ; mais il est remarquable que les deux plus anciennes attestations que nous en ayons attribuent l’ouvrage à Sophrone, patriarche de Jérusalem après 636. Saint Jean Damascène transcrit le c. 45, sous cette rubrique : èx toû Aeiiicovapiou tgû àytou TLonpoç y]xù>^ Scocppovtou àpx>.£7UaxÔT : ou’lzpoa<j’kùy.o}>, be imag., oral. î, P. G., t. xciv, col. 1280. Le II’concile de Nicée (787) reproduit le même c. 45 (sans doute emprunt au Damascène) sous ce lemnie : toû èv àyioiç IlaTpôç tjjxcôv Swçpoviou èx toû Asijxcovaptou. , sess. iv, Mansi, Concil., t. xiii, col. 60. A quoi l’on a répondu depuis longtemps que cette particularité s’explique assez bien par le fait que la préface dédie expressément le livre à Sophrone, que d’autre part Sophrone, compagnon de Moschus dans ses voyages, a contribué pour une part a ce recueil d’anecdotes et de traits édifiants, qu’enfin il a pu en être l’éditeur. Il reste que Pliotius attribue le Pratum à Moschus, loc. cit., col. 668 A, et déclare qu’il est dédié à un Sophronios ou Sophronos, disciple de Jean. Les critiques ont accepté dans l’ensemble cette indication ; ils sont aussi généralement d’accord pour voir dans le Sophrone en question, suivant l’indication du Damascène, le futur patriarche de Jérusalem nommé en 636. Ceci est peut-être moins certain. Le disciple et compagnon de Moschus est appelé fréquemment au cours du livre : o aoçtorr, ?, le rhéteur ; le fait d’avoir jadis enseigné l’éloquence ne l’empêcha pas évidemment de devenir moine, et ne l’aurait pas empêché de devenir patriarche. Mais il reste que Photius ne semble pas se douter de l’identification entre le sophiste et le patriarche. Mieux vaut demeurer dans l’incertitude. Voir l’art. SOPHRONE DE JÉRUSALEM.

Le Pratum échappe à toute analyse. Dans son état actuel, il est bien difficile de voir quelles idées directrices ont présidé au groupement des anecdotes et des maximes spirituelles. A l’heure présente les anecdotes édifiantes, ou soi-disant telles, forment de beaucoup la plus grande masse de l’ouvrage. Mais il est possible, comme le conjecture E. l’reuschen, qui Iles aient d’abord été recueillies non pour elles-mêmes,

mais pour L’illustration, si l’on ose dire, des apophteg mes qui apparaissent quelquefois en masses assez compactes ; cf. c. 52, 115, 144, 152, 168, 187, 209, 217. Mais, du fait même de Moschus, les parties narratives et épisodiques auraient bientôt pris la prépondérance sans compter que, par la suite, elles n’ont pas manqué d’attirer à elles des narrations similaires. Quoiqu’il ensoit.ee sont elles qui donnent maintenant à l’ouvrage sa physionomie caractéristique : Vertus et vices se reflètent à l’envi dans ce miroir fidèle : traits édifiants, austérités héroïques, visions enfantines, contes séniles, tout s’y trouve pêle-mêle, raconté naïvement, au courant de la plume, sans aucun" ; recherche de style, mais avec une prédilection visible. On a vraiment sous les yeux le spectacle de ce qu’était la vie religieuse dans les monastères de Palestine, avant les invasions persane et arabe qui lui portèrent le coup mortel et précipitèrent sa décadence. » S. Vailhé, art. cit., p. 107.

Outre cet intérêt que présente le Pratum, pour l’histoire de la vie chrétienne, des mœurs orientales, des coutumes monastiques, il apporte quelques renseignements qui ne sont pas méprisables sur le dogme et la théologie. Relevons les données relatives aux hérésies de l’époque, c. 26, 47, 188 (l’auteur est surtout très animé contre les sévëriens) ; au culte des images, c. 45, 180 ; à la dévotion envers la sainte Vierge, c. 45, 46, 47, 48, 50, 61, 75, 180 ; à la présence réelle dans l’eucharistie, c. 29, 79 ; à la valeur de certains sacrements conférés par les laïques, c. 25, 196, 176, 198 ; à la prière pour les morts, c. 192. On découvrira sur ces divers points plusieurs singularités qui mériteraient d’être relevées ; sans préjudice de quelques récits macabres, c. 77, 78, de diverses diableries, c. 160, 161, et d’histoires de bêtes qui donnent connue un avant-goût des Fiorelli : cf. c. 163, 181, 181. Tout ce merveilleux, parfois un peu puéril et déconcertant, ne doit pas faire oublier bon nombre d’anecdotes qui ont tout l’air d’avoir été vécues et où ne manque pas une certaine finesse d’observation. Voir par ex. c. 24, 31, 39 (cꝟ. 204 et 205), 165, 166, 212. Ce ne sont peut-être pas celles qui ont fait dans l’antiquité le succès du livre ; du moins peuvent-elles aujourd’hui encore être citées en modèles.

La vie de saint Jean l’Aumônier.

Dans sa biographie

du célèbre patriarche d’Alexandrie, Léonce de Néapolis se réfère à une notice écrite sur le compte du même personnage par Jean et Sophronios : ol Qeoaeôsïç xai cpiXàperoi xal tîjç eùas6sta< ; Ôvteç îmép[x<xyoi. Vita S. Joannis, prol., édit. II. Gelzer, p. 2. Ainsi les deux compagnons de voyage avaient composé un récit des hautes vertus du saint patriarche, qu’ils avaient personnellement connu, récit qui fut utilisé plus tard par Léonce. Le récent éditeur de Léonce, H. Gelzer a bien montré, loc. cit., p. XV, xvi, que les six premiers chapitres de. la Vit de S. Jean l’Aumônier attribuée à Métaphraste, ne sont pas autre chose que le début de la Vit rédigée par Moschus et Sophrone. Texte dans P. G., t. exiv, col. 896-901, et dans Gelzer] loc. cit., p. 108-112. Le reste de la narration de Métapltrasle. au contraire, serre de très près Le texte de Léonce. Le fragment en question qui raconte les origines de Jean l’Aumônier, sa nomination par lléraclius au siège d’Alexandrie, sa lutte contre l’hérésie, sa charité lors de l’invasion perse en l’aies Une, est tout ce qui reste de l’œuvre commune de

Moschus et de Sophrone. Il faut réuni ter la perte de tout le reste, car ces premiers chapitres sont de tous points excellents.

Ti’.xtes. - - 1° Pratum. - - l.e texte a d’abord été imprimé en Occident dans une traduction Italienne, Vioaoze, 1479,

dépendant ellc-nicnie d’une traduction latine alors inédite

exécutée par un camaldule nommé Ambroise ; en 1558,

Alovse l.ipoiiiiini, au t. vu de ses llistnriic <lr VttiS sancta-