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MORT, MOMENT

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appelée apparente, se produit rarement ; mais la mort relative est le sort de tous : « Nous pouvons, écrit cet auteur, définir la mort apparente un état accidentel où les manifestations vitales sont réduites, au point de donner durant un temps prolongé l’illusion plus ou moins complète de la mort réelle. Le retour à la vie peut se produire spontanément ou être provoqué par la mise en œuvre de moyens simples, tels la ventilation pulmonaire, les injections médicamenteuses, la provocation des réflexes divers. La persistance de l’activité cardiaque (difficile à diagnostiquer dans certains cas par les procédés courants) est la caractéristique de cet état décrit sous le nom de mort apparente. « Nous avons dit un étal accidentel, car tous les êtres vivants ne passent pas fatalement par cette étape de la mort apparente. On peut, il est vrai, l’observer lors de la période agonique, quand le dernier soupir précède l’arrêt du cœur, mais sa durée est alors de quelques minutes, et il n’y a pas lieu d’en tenir compte. Habituellement, la mort apparente, véritable état syncopal, se produit à la suite d’un choc nerveux traumatique ou psychique, ou dans des circonstances accidentelles : asphyxie, intoxication, hémorrhagie, ou enfin au cours de maladies variées.

Dans la mort relative, on observe une suspension des manifestations vitales, complète, totale et prolongée. Le cœur peut être mis à nu : son immobilité est absolue. Dans ces conditions, tout retour spontané à la vie est impossible. La constatation certaine de l’arrêt du cœur permet de délivrer le permis d’inhumer et cette mesure peut être prise sans inhumanité ; cependant le sujet qui pratiquement peut être traité comme mort ne l’est pas en réalité, puisque l’expérimentation et la clinique démontrent la possibilité, dans certaines circonstances favorables, de rappeler à la vie un sujet dont le cœur a subi un arrêt prolongé qui semblait devoir être définitif. « La mort absolue, c’est la mort proprement dite, c’est l’impossibilité de la vie caractérisée par la destruction autolytique et bactériolytique des cellules, entraînant des lésions incompatibles avec la vie quand elles sont généralisées. Il semble que ces lésions se produisent normalement au moment de l’arrêt du cœur, mais elles n’envahissent pas brusquement toutes les cellules ; c’est la raison d’être de cette période plus ou moins longue, mais toujours appréciable, que nous avons appelée la mort relative. Il ne peut donc y avoir de délimitation fixe entre la mort relative et la mort absolue. Il existe de nombreux signes de la mort relative ; il n’y a qu’un signe de la mort absolue : c’est la putréfaction, manifestation évidente de la destruction de l’édifice organique. » D’Halluin, Le problème de la mort, p. 50-51, 68-69 ; cf. Lettre à l’Ami du clergé, 1906, p. 188.

2° Application de ces observations aux différents genres de mort. — Em. Bertin traitant de la mort de l’organisme entier, marque que la mort peut être naturelle, violente ou causée par la maladie.

1. La mort naturelle est extrêmement rare chez les hommes. C’est la mort qui provient, aux dernières limites de la vieillesse, de l’usure de tous les organes élémentaires dont se compose le tout humain. L’ensemble meurt parce que meurent en lui toutes les parties dont il est formé. En cas de mort naturelle, pas de mort relative, pas de mort apparente possible.

2. La mort violente est la conséquence d’une pertubation des fonctions communes, pertubation produite brusquement par un agent extérieur et assez intense pour anéantir d’un seul coup, soit l’être entier, soit une des conditions physiologiques essentielles de la vie dans l’organisme complet : mort provoquée par la joudre (action directe sur le système nerveux) ; mort . } ar pendaison ou décollation ; mort par un coup

d’arme à feu (désorganisation de la pulpe cérébrale) ; par perforation du coeur (coup de couteau), ou par ouverture des gros vaisseaux (perte totale des provisions sanguines et suppression de la circulation) ; mort causée par la chute d’un lieu élevé (commotion universelle, obstacle respiratoire) ; enfin, mort par asphyxies diverses. Dans ces cas de morts violentes, les seuls à l’occasion desquels aient été tentées des expériences concluantes, on doit admettre le fait d’une mort relative, même après la cessation des battements du cœur. Et cette persistance latente de la vie existe, semble-t-il, dans la plupart sinon dans la totalité des cas de mort violente.

3. La mort par maladie est la suite d’une succession de ravages dans l’organisme, aboutissant à la suppression d’une des fonctions essentielles de la vie. Plus et plus longtemps la maladie opère de ravages dans l’organisme entier, et moins il y a de chance de mort relative, les vies locales étant supprimées presque aussitôt que la vie générale. Plus le déclenchement de la perturbation est brusque et plus la perturbation est profonde, et plus aussi la mort comportera de progression avant d’être absolue. En sorte que les morts subites (qui sont cependant des morts provenant de maladie, car elles supposent toutes un défaut grave dans l’organisme) doivent être, sous le rapport qui nous occupe, considérées à peu près comme les morts accidentelles.

Critiques et conclusions de la théologie.

1. La théologie

n’accepte pas uniformément et sans discussion ces conclusions. Elle rappelle que l’âme est l’unique principe vital du composé humain, principe non immédiat des opérations vitales, mais agissant par l’intermédiaire des facultés. Voir Forme du corps humain, t. vi, col. 363 ; cf. S. Thomas, De anima, a. 12, ad 10um. De plus, d’après saint Thomas, si, dans l’homme, l’âme est à la fois principe de vie intellectuelle, de vie animale, de vie végétative, ces trois fonctions vitales comportent en l’âme même non une distinction réelle, mais une distinction virtuelle entre leurs principes premiers. Rien ne s’oppose donc, dans la conception thomiste du principe vital, qu’à l’âme, principe de vie, simple et complet, mais virtuellement complexe, succèdent au moment de la mort, des principes partiels et imparfaits de vie inférieure, principes transitoires et destinés à disparaître progressivement jusqu’à la dissociation complète du composé en ses éléments premiers. Cf. S. Thomas, In lib. I am De yeneratione et corruptione, lect. 8. Ce rappel de la doctrine thomiste (les anciens théologiens n’admettaient-ils pas d’ailleurs, dans la formation de l’embryon humain, la succession réelle des trois âmes, végétative, sensitive, intellective ?) énerve singulièrement l’argument qu’en faveur de la mort relative, on pense tirer du fait de la persistance d’une certaine vie dans les organes séparés. On fera difficilement admettre à un philosophe catholique que cette vie persistante est encore due à la présence de l’âme spirituelle, puisque les organes sont séparés du tout substantiel dont l’âme est la forme. Il faudrait — chose impossible — démontrer que ces manifestations vitales appartiennent à une vie formellement humaine. Nous admettrions donc plus volontiers que les organes séparés ont acquis, après la séparation de l’âme et du corps, un principe partiel de vie, imparfait et destiné à disparaître progressivement.

2. La persistance d’une certaine vie dans quelques parties, tissus ou organes du corps apparemment mort, mais parties non séparées, n’apporte pas non plus un argument apodictique en faveur de la présence latente de l’âme spirituelle en ce corps sans vie générale. A la rigueur, en effet, on pourrait ici expliquer de la même façon que précédemment les phénomènes