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MORT, EFFETS

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due aux actions de leur vie terrestre et sont dans un état qui ne comporte plus Je changement ; cf. v., 26. Le mauvais riche supplie Abraham d’envoyer quelqu’un à ses frères pour les exhorter à une pénitence que lui ne peut plus faire.

c) Les graves avertissements du Christ : briser tout attachement et toute habitude scandaleuse, Matth., xviii, 8-9 ; Marc, ix, 42-47 ; se renoncer à soi-même et f.rendre sa croix, Luc, xiv, 27 ; veiller et prier dans la continuelle attente du dernier jour, Matth., xxiv, 42-44, afin de ne pas être surpris dans la débauche, l’ébriété et les soucis de ce siècle et de ne pas encourir pour sou àme un éternel dommage, Luc, xxi, 34. fout cela, en effet, suppose clairement que l’instant

de la mort est décisif, et qu’il devient ensuite impossible à l’homme de mériter oujie démériter, de faire pénitence de ses fautes ou, à l’inverse, de perdre la grâce de Dieu.

d) II Cor., v, 10 : « Nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ses bonnes œuvres ou à ses mauvaises actions, pendant qu’il était revêtu de son corps. » Notre état futur/lérive de ce jugement. Mais ce jugement aura pour objet unique les actions de la vie présente, les actions que nous aurons’accomplies quand notre àme était unie au corps, ut referai unusquisque propria corporis. Cette pensée fondamentale éclaire d’autres assertions de saint Paul : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut », id. vi, 2. Et encore. « Pendant que nous en avons le temps, faisons du bien », Gal., vi, 10. Et encore : « Exhortez-vous chaque jour les uns les autres pendant le temps qui s’appelle aujourd’hui, de peur que quelqu’un de vous ne s’endurcisse par la séductionjiu péché. » Heb., iii, 13. Le terme « aujourd’hui », emprunté au ps. xciv, désigne ici la durée de la vie terrestre de l’homme. En sorte que le sens est clair : « Exhortez-vous… tant que Dieu vous accorde le « jour » de la présente vie, et avant que ne tombe sur vous la nuit^de la mort, dans laquelle il devient impossible de travailler pour le ciel, etc. »

e) Joa., v, 25-29. On distingue ici deux temps où la voix du Fils de Dieu se fera entendre. Le premier temps est le temps de la vie présente : « L’heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu. » 25. Il s’agit ici des morts spirituels par le péché. La voix du Fils de Dieu se fait entendre à eux, afin qu’ils ressuscitent spirituellement, « et ceux qui l’auront entendue, vivront », id. : la voix dirige son appel vers beaucoup de morts, mais tous ne l’entendent pas, c’est-à-dire n’y répondent pas. L’autre temps est celui de la consommation des siècles. De ce temps il est écrit : « L’heure vient (mais ce n’est pas celle qui est déjà venue) où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu » ꝟ. 28. Il s’agit ici de ceux qui sont morts à la vie du corps. Mais la voix du Fils ne se fera plus entendre pour exciter leur libre arbitre vers le bien, et il n’y a plus place pour la distinction précédemment établie entre ceux qui répondent et ceux qui ne répondent pas à l’appel du Fils de Dieu. Il s’agira uniquement d’appeler au jugement les hommes ressuscites. « Et ceux qui auront fait le bien (pendant le temps de leur vie mortelle ) sortiront des tombeaux pour la résurrection de la vie, maix ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement (qui confirmera leur damnation). » ꝟ. 29. Cf. Billot, loc. cit., p. 33-42.

L’Ancien Testament fournit plusieurs textes où se trouve exprimée la même vérité. Chr. Pesch, Prælectiones, t. ix, n. 572, cite Eccl., ix, 10 ; Eccli., iv, 33 ; xiv, 13 ; xvii, 26 ; xviii, 22, coll. xi, 22 sq.

C’est d’ordinaire en commentant Joa., ix, 4, venit nox quando nemo potest operari, que les Pères procla ment la foi catholique. L’auteur de la II a démentis, vin, 2 ; Origène, In ps. XXXVI, homil. iii, P. G., t.xii, col. 1346 ; In Levit., homil, iii, n. 4 ; id., col. 129 ; S. Cyprien, De lapsis, c. xxix, Harlel, t. iii, p. 258 ; S. Hilaire, In ps. XLI, n. 23, P. L., t.ix, col. 323 ; S. Jean Chrysostome, In Joannem, homil. lvi, P. G., t. lix, col. 309 : S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannem, t. VI, P. G., t. lxxiii, col. 959 ; S. Augustin, Enchiridion, c. ex, P. L., t. xl, col. 283 ; In Joannem, tract, xliv, n. 5-6, P. L., t. xxxv, col. 1715-1716 ; S. Grégoire le Grand, In Evang., homil. xiii, P. L., t. lxxvi. col. 1127.

L’Église n’a pas formulé sur ce point de définition solennelle. Léon X a condamné la proposition suivante de Luther (prop. 38) -.Animai in purgatorio non sunt securæ de earum sainte, saltem omnes : nec probatum est ullis aut ralionibus aut Scripturis, ipsas esse extra slatum merendi vel augendx caritatis, Denzinger-Bannwart, n. 778 ; et le concile du Vatican se proposait de promulguer cette définition dogmatique : Post mortem quæ est vise nostræ terminus, illico omnes minifestari nos oportel anle tribunal Christi, ut référât unusquisque propria corporis prout gessit, sive bonum, . sive malum (II Cor., v, 10) ; neque ullus post hanc mortalem vitam relinquitur locus peenitentiæ ad fuslificationem. Mansi-Petit, Concil., t. lui, col. 175.

2. Explication théologique.

Les théologiens enseignent

unaninement cette doctrine. Cf. Suarez, De gratia, t. XII, c. xv ; De angelis, LVI, c. iv, n. 9 sq. ; Ripalda, De ente supernaturali, disp. LXXVII, sect. i sq. Tous professent même que la raison dernière du terme imposé par la mort à l’état de voie, est la volonté souveraine de Dieu, qui, absolument parlant, aurait pu faire qu’après la mort l’homme pût encore mériter, ou qu’avant la mort fût déjà fixé un terme au mérite ou démérite possible. Mais, à ne consulter que l’ordre de la sagesse divine, l’instant de la mort paraît très convenablement choisi pour fixer le terme de la voie, tant au point de vue du sujet, qui, à ce moment là, se trouvant privé du corps, cesse d’être principe total d’activité, qu’au point de vue de la sanction morale nécessaire dès l’entrée en l’autre vie.

Lorsqu’il s’agit de donner la raison prochaine de l’état de terme, dans lequel le changement moral, le mérite et le démérite sont devenus impossibles, les théologiens ne sont plus d’accoid. Les thomistes font procéder la fixité des volontés humaines dans le bien ou dans le mal après la mort des lois psychologiques qui régleront, indépendamment même de l’état de béatitude surnaturelle ou de damnation, la connaissance et l’amour des âmes séparées. A l’instant de la mort sera fait par l’âme le choix de sa fin dernière, ou plutôt l’âme sera fixée dans le choix qu’elle se sera librement déterminé avant la [mort : à l’instant de la mort, « notre âme change de mode de connaissance. Le corps n’étant plus là pour lui fournir les images et les émotions sensibles qui pendant cette vie éveillent, précisent, rectifient ou pervertissent nos idées et nos inclinations volontaires, elle reçoit directement, du même influx divin qui la soutient dans l’être, l’ensemble des idées qu’appelle l’état actuel de son intelligence, état individuellement déterminé par le résultat dernier de toute l’expérience de sa vie terrestre et consacré par son acte suprême d’acceptation ou de refus de l’autorité du Père céleste ». Hugueny, O. P., Critique et catholique, t. iii, p. 337. Cf. S. Thomas, Conl. Gentes, t. IV, c. xcv ; De veritale, q. xxiv, a. 1 ; le commentaire de Sylvestre de Ferrare sur la Somme contre les Gentils, loc. cit. ; Bellarmin, De gratia, t. V, c. xiv. Billot a développé cette preuve dans De personali et originali peccato, Rome, 1924, th. vii, § 2, et dans La Providence de Dieu et le nombre infini d’hommes en dehors de la voie normale du salut,