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    1. MORALE##


MORALE, RAPPORTS AVEC LES AUTRES DISCIPLINES

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Sophie morale, est, au contraire, pour elle, une condition de progrès et de perfectionnement constant. C’est ce qu’atteste toute l’histoire de la philosophie morale, souvent préservée ou libérée de l’erreur par les interventions doctrinales du magistère ecclésiastique, tandis que, chez les protestants, où, depuis le xvie siècle, l’enseignement de la philosophie morale et du droit a été habituellement soustrait à l’autorité de la révélation, on est tombé dans beaucoup d’erreurs très graves. 3. La subordination de la philosophie morale à la théologie morale doit entraîner, comme conséquence, la même subordination de la part de toutes les sciences qui dépendent de la philosophie morale.

a) La conséquence est évidente pour toutes les sciences économiques et sociales, qui traitent des lois de l’activité humaine dans la recherche des intérêts matériels, en vue du bien social à procurer. Puisque, dans l’ordre providentiel actuel, tous les actes humains doivent être dirigés vers la fin dernière surnaturelle, cette obligation pèse aussi sur ceux qui ont pour objet la recherche de la richesse ou du bonheur temporel ou des intérêts matériels. Il est donc vrai que toute loi ou règle économique, en désaccord avec la loi morale, devient étrangère à la véritable science économique, et doit être énergiquement réprouvée, comme le serait la science de voler, de falsifier les écritures, de pratiquer l’usure. Ch. Antoine, Cours d’économie sociale, e édit., Paris, 1921, p. Il ; voir aussi A. Vermeersch, S. J., Theologia moralis, t. i, p. 12. D’ailleurs cette subordination de tout l’ordre économique à la fin dernière surnaturelle sous la conduite de l’Église, résulte de cet enseignement explicite de Pie X : « Quelque action que le chrétien fasse, même dans l’ordre des choses terrestres, il ne lui est point permis de négliger les biens qui sont au-dessus de la nature. Il est nécessaire que, selon les préceptes de la sagesse chrétienne, le chrétien dirige tout vers le souverain bien, comme fin dernière. Toutes ses actions, pour autant qu’elles sont bonnes ou mauvaises au point de vue moral, c’est-à-dire qu’elles s’accordent ou ne s’accordent pas avec le droit naturel divin, sont soumises au jugement et à la juridiction de l’Église. » Encyclique Singulari quadam du 24 septembre 1912.

Rappelons aussi que, pour l’économie sociale comme pour la philosophie morale, cette subordination à la morale surnaturelle, en même temps qu’elle est un devoir, est une source de très grands avantages, consistant principalement dans la préservation de beaucoup d’erreurs et dans l’aide effective donnée pour la connaissance de la pleine vérité sociale.

b) Cette subordination à la suprême direction du droit chrétien, conséquemment de la théologie morale, doit être affirmée aussi pour toutes les sciences juridiques ayant pour objet les sciences politiques, le droit constitutionnel, le droit privé et public et le droit international. Car toute autorité humaine, pour s’exercer légitimement, doit se conformer à la suprême direction de la loi éternelle, seule source légitime de toute autorité et seule règle suprême de l’exercice légitime de cette autorité. Dès lors toute loi opposée à cette règle suprême est une loi injuste, qui, en réalité, n’est point une loi mais bien plutôt une violence. S. Thomas, Suin. Iheol., I » -II æ, q. xciii, a. 2 ; q. xevi, a. 1 : II a -II « D, q. lx, a. 5, ad lum et 2um ; voir Us nombreux témoignages cités par M. Riquet, Enquête sur les droits du droit et sa majesté la loi, Paris, 1927.

C’est d’ailleurs ce que l’on doit déduire de renseignement de l’Église plusieurs fois affirmé par Pie IX, notamment dans la condamnation formelle qu’il porta contre ces assertions du libéralisme politique : l’Étal esl l’origine et la source de tous les droits, les droits de l’État ne son ! restreints par aucune limite, propositions 89 s(|. du Sijllabus, et contre les défenseurs de

l’amoralisme du droit politique et du droit international, propositions 56-61 du Syllabus, et encyclique Quanta cura, Denzinger-B., n v 1739 sq., 1756, 1689. C’est aussi l’enseignement plusieurs fois répété par Léon XIII, notamment dans les encycliques Immortale Dei du 1° novembre 1885, Libertas du 20 juin 1888, et Sapientiachristianæ du 10 janvier 1890, affirmant que le droit chrétien doit régir la vie publique des sociétés.

D’ailleurs pour ces sciences, comme pour la philosophie morale, la subordination à l’enseignement de la théologie morale, en même temps qu’elle est un devoir, suivant le concile du Vatican, sess. iii, c. iv, procure aussi d’excellents avantages : elle préserve de beaucoup d’erreurs, et elle assure la pleine possession de la vérité, sans gêner d’aucune manière le libre emploi des méthodes scientifiques appropriées à ces sciences. Les grands avantages, procurés aux sociétés par cette subordination à la suprême direction du droit chrétien, sont souvent signalés, avec insistance, dans les encycliques déjà citées de Léon XIII.

4. De cette subordination de la philosophie morale, et de toutes les sciences connexes à la direction supérieure du droit chrétien et de la théologie morale, résultent d’importants devoirs pour ceux qui cultivent ces sciences et pour les théologiens eux-mêmes.

Il en résulte, pour les théologiens chargés de défendre les vérités morales confiées à la garde de l’Église, le grave devoir de suivre, avec vigilance, l’enseignement donné dans les sciences juridico-sociales ou économico-sociales, afin de pouvoir signaler les erreurs qui attaquent, de quelque manière, l’enseignement de l’Église, et d’aider ainsi à leur réfutation.

Il en résulte aussi, pour ceux qui cultivent ces sciences soumises à la direction supérieure de la théologie morale, l’obligation de suivre cette direction, en tout ce qui est approuvé par le magistère ecclésiastique. Cette obligation existe pour beaucoup d’erreurs signalées dans les encycliques de Léon XIII, notamment dans l’encyclique Diuturnum du 29 juin 1881, sur l’origine du pouvoir civil ; dans l’encyclique Libertas du 20 juin 1888, sur la liberté humaine ; dans l’encyclique Immortale Dei du 1 er novembre 1885, sur la constitution chrétienne des États ; dans l’encyclique Rerum novarum du 15 mai 1891, sur la condition des ouvriers ; dans l’encyclique Graves de communi du 18 janvier 1901, sur la démocratie chrétienne.

Comme erreur qu’il importe d’éviter, en ces matières, nous signalerons particulièrement celle qui tend à soustraire toute la conduite politique des nations à la direction supérieure du droit chrétien, et même du droit moral naturel, pour la soumettre uniquement à l’intérêt national. Erreur à laquelle n’échappent point les auteurs qui, avec Ch. Maurras, laissent souvent entendre ou disent même ouvertement, que l’intérêt national doit tout primer, de telle sorte que le devoir vis-à-vis de cet intérêt est au-dessus de tout droit. Cli. Maurras, La politique religieuse, Paris. 1912, p. 241, 250, 373, 376 ; L’Action française et la religion catholique, Paris, 1913, p. 164 sq., 329 sq. Signalons en même temps le louable effort de juristes compétents, pour mettre les sciences juridiques en accord avec le droit naturel et le droit chrétien ; voir parti’culièrement, parmi les ouvrages les plus récents, Georges Renard, Le droit, la justice et la volonté, Paris, 1924 ; Le droit, la justice et le bon sens, Paris, 1925 ; Le droit, l’ordre et la raison, Paris, 1927 : La indeur de la loi, Paris, 1918, et les travaux cités par lui. » II. MiVrnoDK. Tandis que la théologie dogmatique, à cause des vérités principalement spéculatives dont elle traite habituellement, emploie seulement la méthode positive et la méthode SCOlastique, dont la nature, la nécessité et l’importance ont été déjà indi-