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MORALE, OBJET


règle imposant cette direction par la loi divine, ou par les lois humaines ecclésiastiques et civiles, dans la mesure où elles reflètent la loi divine et autant qu’elles ont un caractère obligatoire ; 3° la règle intérieure de la conscience dirigeant chaque homme vers sa fin, sous la dépendance de l’autorité divine ; 4° à quelles conditions et de quelle manière la moralité bonne ou mauvaise appartient à ces actes humains, selon’.eur conformité ou leur opposition à la double règle extérieure et intérieure qui les régit.

1° La fin à laquelle les actes humains doivent être dirigés. Cette fin surnaturelle est la vision intuitive de Dieu, à laquelle il lui a plu d’appeler toute l’humanité, en la rendant strictement obligatoire pour chaque vie individuelle et pour toute vie publique et sociale. L’obligation de cette fin dernière surnaturelle nous est manifestée parla juste sentence de Notre-Seigneur, Matth., xxv, 33, 41, 46, infligeant les supplices éternels à ceux qui, par leur propre faute, n’ont point accompli ce qu’il exige pour la vie éternelle qui, selon l’enseignement scripturaire, consiste dans la vision de Dieu. Matth., v, 8 ; I Cor., xiii, 12 ; I Joa., iii, 2.

Quant au droit de Dieu d’imposer à l’homme cette fin surnaturelle, il résulte de la dépendance essentielle, de l’homme vis-à-vis de Dieu son créateur et son souverain maître. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. xci, a. 1 ; q. xciii, a. 6. Dépendance stricte qui est, en même temps, la raison pour laquelle Dieu, dans l’ordre naturel, est nécessairement la fin dernière de l’homme. S. Thomas, Cont. gent., t. III, c. xvii, § Adhuc.

Il importe aussi de comprendre que l’obligation de la fin surnaturelle imposée à l’homme dans sa vie individuelle, n’est pas moins rigoureuse pour toute sa vie sociale. Car, selon l’enseignement de Léon XIII, l’homme vivant en société n’est pas moins que l’homme individuel sous la puissance de Dieu, et la société n’est pas moins redevable à Dieu que l’individu ; aussi bien que l’individu, elle doit à Dieu son existence, sa conservation et les immenses bienfaits constamment reçus de lui. Encyclique Immortale Dei du 1 er novembre 1885, § Hac ratione constitutam civilatem.

2° La règle divine selon laquelle doivent être dirigés les actes humains, c’est premièrement et principalement la loi éternelle définie par saint Thomas, ratio divinee sapientiæ secundum quod est directiva omnium acluum et motionum. Sum. theol., P-II* 6, q. xciii, a. 1. C’est d’elle que découlent toutes les obligations morales imposées à l’homme, par la loi divine naturelle, par la loi divine positive ou surnaturelle, et par la double loi humaine, ecclésiastique et civile, émanant de la loi divine et conforme à sa direction.

La loi divine naturelle, définie par saint Thomas, Ia-IIæ, q. xci, a. 2, participatio legis eeternæ in ralionali creatura, impose à l’homme les devoirs provenant de sa nature même, vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis de lui-même et de ses semblables. A la morale fondamentale revient l’étude de l’existence et des propriétés de la loi naturelle. En morale spéciale on étudie les obligations particulières que cette loi nous impose envers Dieu, envers le prochain et envers nous-mêmes.

La loi divine positive ou surnaturelle, dans l’ordre actuel’de la Providence, a pour objet les moyens surnaturels par lesquels la fin surnaturelle doit être obtenue. Ils se ramènent à deux catégories principales : les vertus surnaturelles par lesquelles l’homme, sous la direction de l’Église, est rendu capable de connaître sa fin surnaturelle et de porter vers elle toutes ses affections pour l’atteindre effectivement, et les sacrements établis par Notre-Seigneur et confiés à son Église pour donner, entretenir ou réparer la vie surnaturelle de la grâce. La morale spéciale étudie en détail les obligations imposées à l’homme sous ce double rapport, tandis que la morale fondamentale

expose les caractères de la loi divine surnaturelle, dans la nouvelle économie chrétienne. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. evi sq.

Comme conséquence de l’ordre providentiel actuel confiant à l’Église la direction de tous les fidèles dans l’emploi des moyens de salut, la loi ecclésiastique détermine, pour l’utilité de tous les fidèles, ce qu’ils doivent accomplir, pour tendre avec plus de sécurité, à leur fin surnaturelle. L’obligation d’obéir aux lois ecclésiastiques résulte de l’enseignement dogmatique exposé dans le traité de l’Église. De cette obligation le traité des lois expose la nature et l’étendue. En morale spéciale, on montre en détail les devoirs imposés par les commandements ou lois de l’Église, particulièrement pour la conservation de la foi chrétienne, l’observation des commandements divins et la réception des divers sacrements.

Comme conséquence de l’ordre divin établissant l’homme en société et le mettant sous la dépendance de l’autorité nécessaire pour régir cette société, la loi civile détermine ce que les citoyens doivent accomplir, pour tendre, comme il convient, à la fin temporelle de cette société, sans préjudice de l’orientation nécessaire vers la fin surnaturelle. S. Thomas, De regimine principum, t. I, c. i, xiv, xv.

Pour autant qu’elles procèdent d’une autorité légitime venant de Dieu, et qu’elles sont justes, les lois civiles sont comme des émanations de la loi éternelle dont elles tirent toute leur valeur morale. S. Thomas, ja.jjæ ; q X ciii, a. 3 ; q. xevi, a. 4.

C’est d’après ce principe qu’est établi, dans le traite des lois, le principe de l’obligation de conscience qu’elles imposent, et que l’on interprète selon l’enseignement de l’Église et celui des théologiens. En morale spéciale, surtout en ce qui concerne les questions de propriété et de justice, on détermine, d’après ce principe, quelles sont, d’une manière concrète, les lois qui, au jugement de l’Église et des théologiens, imposent une telle obligation. Voir particulièrement J. Salsmans, S. J., Dro’l et morale, Bruges, 1925, p. 32 sq., 89 sq., 209 sq., etc.

Outre la direction préceptive provenant de toutes ces lois, il y a aussi, pour les actes humains, une direction simplement permissive, déclarant ce qui n’est l’objet d’aucune interdiction divine ou humaine, ou ce qui est loué et recommandé soit par l’autorité divine, soit par l’autorité ecclésiastique. Comme exemples de directions louant et recommandant certains actes comme plus excellents et plus agréables à Dieu, ou conseillés par l’Église, on peut citer toutes les directions se rattachant aux conseils évangéliques, tels qu’ils ont été précédemment exposés. Voir t. iii, col. 1171 sq.

En morale spéciale ces directions sont indiquées -en détail, particulièrement dans l’étude de chacune des vertus, dont les actes les plus excellents sont loués et recommandés. C’est ce que fait saint Thomas surtout dans la IIa-IIæ, quand il explique les dons du Saint-Esprit, la charité envers Dieu et envers le prochain, la dévotion et la prière, l’obéissance, l’humilité, la contemplation, l’état de perfection, les vœux de religion.

Quant aux directions simplement permissives, étudiées d’une manière générale, dans le traité de la conscience, où l’on examine les règles tracées sur ce point par les théologiens, elles sont, en morale spéciale, signalées dans l’exposé des questions particulières.

3° Outre la règle extérieure de nos actes, il y a une règle intérieure consistant dans le jugement de la conscience reflétant en nous la règle divine. C’esi une conséquence de ce principe fondamental formulé par saint Thomas, qu’il appartient à l’homme, comme créature raisonnable et libre, de se diriger lui-même