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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE ROMAINE


messe, en transportant à l'épiclèse le moment de la transsubstantiation. Dom Cagin, Eucharistia, p. 70-71.

Les cérémonies dont est entouré aujourd’hui le récit de l’institution, élévation de l’hostie montrée au peuple, prostration, encensement, sonnerie des cloches, luminaire, et qui ne sont pas antérieures au xiie siècle, ne font donc que souligner la croyance séculaire de l'Église romaine en l’efflcacité des paroles de l’institution. Ces démonstrations, à l'époque où elles furent instituées en France, avaient pour but de trancher une controverse théologique et de prouver que la consécration du pain s’opérait immédiatement après la formule Hoc est corpus meum, contrairement à l’opinion qui reculait ses effets jusqu’après la consécration du calice ; aussi n’y eut-il longtemps qu’une élévation, celle du corps sacré ; l'élévation du calice ne vint que plus tard et, si l’on peut dire, par esprit de symétrie. Ce point a été fort bien mis en lumière par les recherches du P. Thurston. Voir notre article Élévation dans le Diction, d’archéol.

Prières après la consécration. — Elles se décomposent en une anamnèse, Unde et memores, ou rappel des mystères de la vie du Christ, en un autre Mémento et en la doxologie finale. Dans la première prière on se contente de rappeler que notre offrande, ce pain et ce viii, devenus le pain sacré de la vie éternelle et le calice du salut, ne sont eux-mêmes qu’un don de Dieu aux hommes, de luis donis ac datis, et nous demandons à Dieu de les accepter comme il a fait des sacrifices des patriarches Abel, Abraham appelé dans la circonstance notre patriarche, et Melchisédech, grand prêtre de Dieu. Nous avons dit à propos du De sacramentis, à quelles discussions ont donné lieu la mention du saint ange chargé de présenter notre offrande devant le trône de la divine majesté. Le rôle de l’ange de Dieu, Angélus Dei, qui intervient si souvent dans l’Ancien Testament, a soulevé les mêmes difficultés que les exégètes s’efforcent d’expliquer. Cf. Lagrange, Revue biblique, 1903, p. 212 et 1908, p. 498.

Nous nous contenterons de renvoyer sur ce point à Lebrun, dom Cagin, Batiffol. Si l’on accepte pour le Mémento des morts l’hypothèse que nous avons présentée pour celui des vivants, Y Unde et memores, le Supra qua et le Supplices forment une prière unique qui se termine par la doxologie Per quem. Le Mémento des morts donne lieu aux mêmes remarques que celui des vivants. Le petit catalogue des saints rappelle les principales dévotions de l'Église de Rome, et a permis à Mgr Batiffol d’en fixer aussi à peu près la date. Le Supplices te, quoi qu’on en ait pensé, n’est pas plus une épiclèse, au sens vrai, que le Quam oblationem.

Le Per quem hsec omnia a soulevé aussi quelques difficultés. Il est trop clair qu’il ne se rattache pas logiquement au Per Christum et à la prière qui précède. La suppression du Mémento des morts permettrait de le raccorder plus facilement au Supplices te. Dom Cagin, Paléographie musicale, t. vi, p. 83, et Eucharistia, p. 57 ; P. Batiffol, Leçons sur la messe, p. 272. Le Hsec omnia pour désigner le corps et le sang du Christ crée aussi une difficulté que l’on a résolue de diverse façon. Si l’on accepte la variante du sacramentaire d’Autun, Per quem omnia créas (en supprimant hœc), la difficulté disparaîtrait. On ne voit pas pourquoi non plus il ne désignerait pas les autres dons offerts par les fidèles pour être bénits à la messe. Les signes de croix multipliés dans cette doxologie, comme ceux de l’anamnèse et du Supplices, ont aussi soulevé des objections. Il va de soi qu’ils ne représentent pas ici une bénédiction du prêtre sur le corps et le sang du Christ. Ces gestes sont simplement figuratifs, comme ceux du récit de l’institution ; sans tomber dans les exagérations de dom Claude de Vert, on peut admettre que dans bien des cas, en liturgie, c’est la

formule qui a suggéré un geste ; dans tous ces cas, ils ont pour but de souligner un terme et de rappeler le mystère de la Trinité et de la rédemption unis dans le signe de la croix. Cette doxologie, avec ces signes de croix multipliés, avec l'élévation du corps et du sang du Christ, qui fut longtemps la seule élévation, enfin avec ces termes empruntés à saint Paul, est la plus solennelle de toutes les doxologies ; elle l’emporte par sa majesté et sa sublimité sur toutes celles que nous connaissons et conclut dignement le canon romain. Sa présence à cette place est conforme à la tradition la plus ancienne que l’on peut considérer comme apostolique. Y.' Amen de fidèles après le per omnia est aussi d’un usage universel, dont saint Justin est déjà le témoin. Il est une nouvelle preuve de cette part que les fidèles prenaient au sacrifice et constitue un acte de foi, et comme une ratification des paroles prononcées par l’officiant durant tout le canon.

La prière eucharistique terminée, le pontife n’avait plus qu'à procéder à la fraction et aux rites qui entourent la communion. C’est le dessin de la messe primitive tel qu’il nous est révélé par saint Justin, par Hippolyte, et par plusieurs liturgies anciennes. Dans la liturgie romaine nous trouvons ici le Pater. Sa présence à la messe ne saurait nous étonner. Dans la plupart des liturgies le Pater est devenu partie intégrante de la messe. C’est le cas pour la liturgie romaine » Saint Grégoire lui-même a pris soin de nous le dire dans un texte souvent cité, mais qu’il est nécessaire de donner ici et d’expliquer, car sa vraie portée a été rarement comprise. Epist., ix, 12 de l'édit. bénédictine, reproduite dans P. L., t. lxxvii ; ix, 26 de l'éd. EwaldHartmann. Nous le présentons ici sous une forme et avec des parenthèses et une ponctuation qui permettront mieux de se rendre compte du sens, autrement équivoque :

Orationem vero dominicam idcirco mox post precem (la prière eucharistique par excellence, ici le canon, terminé, nous l’avons dit, après l’Amen de la doxologie finale) dicimus, quia mos apostolorum fuit ut ad ipsam solummodo orationem (, )

oblationis hostiam consecrarent.

Et valde mihi inconveniens visum est ut precem quam scholaslicus composuerat (, ) super oblationem diceremus (, )

et ipsam traditionem quam Redemptor noster composuit (, )

super ejus corpus et sanguinem non diceremus.

Sed et dominica oratio apud Grsecos ab omni populo dicitur apud nos vero a solo sacerdote.

Ainsi nous écartons le sens donné d’ordinaire à cetexte, bien qu’il ait été accepté par la plupart des lecteurs de Grégoire, à savoir que, suivant ce pape, les apôtres auraient célébré l’eucharistie avec la seule prière du Pater, auquel l'Église romaine aurait substitué une formule quelconque, œuvre d’un humaniste anonyme. L’interprétation suggérée par les virgules et la disposition du texte que nous avons donnée et qui revient à celle de Bishop et de dom Wilmart, nous paraîtrait plus naturelle et s’adapterait aux faits connus.

Saint Grégoire pense que la formule romaine n’est pas celle des apôtres, ce qui est certain, mais qu’elle a pour auteur un écrivain inconnu, ce qui est également certain. Il pense encore que les apôtres consacraient (évidemment après avoir suivi et reproduit les paroles de l’institution) en récitant la seule prière du Pater. Sur ce point saint Grégoire est en pleine hypothèse, car il ne savait pas plus que nous ce que fut en réalité l’usage des apôtres et quelles formules ils employèrent.

Saint Grégoire ne veut pas dire non plus que c’est lui qui introduisit dans la messe romaine le Pater qui