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MONOTHÉLISME, ÉVOLUTION HISTORIQUE


physisme sévérien, Louvain, 1909, p. 451-453. Les catholiques lui ont donné le sens de double, ou bien l’ont appliquée à l’activité miraculeuse du Verbe incarné opérant les miracles par sa toute-puissance, en se servant de son humanité comme cause instrumentale ; ou encore, l’ont entendue en ce sens que chaque nature du Christ produit son opération propre avec la participation de l’autre, en vertu du lien qui les unit dans l’unique personne du Verbe, sujet d’attribution de toute opération divine et humaine : agit utraque natura cum alterius communione, avait dit saint Léon. Cf. S. Sophrone, Siinodique, Mansi, t. xi, col. 488 DE ; S..Maxime, P. G., t. xci, col. 345-348 ; 1056-1066, etc. ; Concile du Latran en 649, canon 15 ; S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, t. III, c. xix, P. G., t. xciv, col. 1077-1081.

On aboutit également au monénergisme, et au monénergisme réel, dans les deux autres théories entychiennes de l’absorption de l’humanité dans la divinité, et de l’absorption de la divinité en l’humanité puisque l’une des deux natures disparaît en fait et qu’il n’en reste qu’une.

On peut imaginer un monothélisme plus subtil. Sans refuser à l’humanité de Jésus-Christ l’intégrité physique avec toutes les facultés qu’elle possède naturellement, donc avec la faculté que nous appelons volonté, on peut lui enlever tout exercice de cette faculté, toute activité propre en général, et la considérer comme un médium inerte dans lequel s’exerce et par lequel passe l’activité divine, à peu près comme le corps reçoit de l’âme sa vie et son mouvement. Ce genre de monothélisme, ce monénergisme réel a-t-il eu des partisans ? Nous n’en connaissons pas ; mais certains auteurs ont cru découvrir cette erreur chez plusieurs monothélites. Apollinaire a conçu de cette manière l’activité du Verbe incarné, mais il niait en Jésus-Christ l’âme humaine, l’intelligence et la volonté raisonnables. Son système est en dehors de l’hypothèse envisagée ici. Cf. Tixeront, op. cit., t. iii, p. 175-176.

Chose curieuse, Nestorius et ses disciples, partisans du dualisme hypostatique, ont aflirmé en Jésus-Christ l’unité d’activité et de volonté, et ont été classés, au vu » siècle, par les théologiens catholiques et les conciles parmi les monothélites. Au concile romain du Latran en 649, on cita des textes de Théodore de Mopsucste, de Nestorius, de Théodule le Nestorien, où il est question d’une seule volonté, pîa OéX^aiç, d’une seule activité, pia èvspysi « - Cf. Actes du concile du Latran, Mansi, t. x, col. 906 C, 1058 B, 1110 D, 1118 E, 1120, 1121. (Voir aussi S. Maxime, Dispute aoec Pyrrhus, ibid., col. 729 CD, 745 D : Iv OsX-rçu-a ô Nearôpioç repsaoeùei èrcl twv 7rXaTTopivcov aù-rco 8ùo 71poa(J7rwv — NeoTopioç, 8ùo TrpôcrwTta Xsycov piav SoypaTÎÇei èvépYstav.) Il va sans dire que le monothélisme et le monénergisme nestoriens n’étaient pas de même nature que le monothélisme et le monénergisme des sévériens. Encore plus différait-il du monothélisme eutychien ou du monothélisme apollinariste. Ce ne pouvait être, d’après les principes de Théodore de Mopsueste, qu’un monénergisme et un monothélisme d’ordre moral, non d’ordre physique et substantiel. Le Verbe et l’homme né de la Vierge n’avaient qu’une seule volonté au sens où l’on dit que deux amis arrivent par l’affection et l’amitié à n’avoir qu’un cœur et qu’une àmc, à vouloir toujours la même chose. Ils n’avaient qu’une seule activité en ce sens que le Verbe communiquait au fils de Marie sa toute-puissance pour opérer les miracles et considérait connu l’activité de l’homme, auquel il était

uni par un amour de complaisance tout spécial. C’est bien le sens de ce passage de Nestorius cité au concile du Latran : ’Aouy/ûtouç çuXàfTO|iev tSç tpûcmç, où xaVoûolav, jtaTà Yvebinijv 8e o-’Jv/]ppéva ; - Sio xai piav

aÙTcôv -7)v 6éX7)aiv, èvépyeiav xal SsaicoTstav ôpcô uôv à^taç îoôty]ti Sîix.vupsvaç" ô yàp Qsôç A6yoç, àva-Xaocov ôv irpoûpiasv avOpwrrov, ; û rîjç è^ouataç Xôyoi

upôç oc’jtôv où SiExpîO - /) Sià tjjv itpoYvcaaÔeïaav

aÙTÔJ SiàOsa’.v. Mansi, ibid., col. 1120 A.

Dire qu’en Jésus-Christ il y aunité/nora/e de volonté et d’activité, en ce sens que la volonté divine et la volonté humaine n’ont jamais été opposées entre elles ; que l’activité de l’humanité s’est toujours exercée en parfaite harmonie avec les desseins et l’action de la divinité, est parfaitement orthodoxe. Mais affirmer simplement, sans aucune explication, sans aucune épithète précisant l’unité dont on veut parler, qu’il y a en Jésus-Christ une seule volonté, un seul vouloir, une seule activité, est une formule qui est condamnable, qui ne peut être acceptée, parce qu’en soi elle est fausse, qu’elle prête à l’équivoque, qu’elle peut couvrir tous les monothélismes hérétiques. Voilà pourquoi les nestoriens ont été aussi englobés dans la condamnation des monothélites. Cf. ici, t. x, col. 189, l’JO.

IL Les étapes historiques de l’hérésie monothélite. — Nous n’avons pas à entrer ici dans les détails de l’histoire du monothélisme, qui est assez compliquée et fort obscure pour ce qui regarde l’origine de l’hérésie. L’essentiel a été dit dans le présent dictionnaire, aux articles suivants : Constaxtinople (Troisième concile de), t. iii, col. 1259-1266 ; Honorius, t. vii, col. 93-132 ; Martin Ie’, t. x, col. 182-194 ; Maxime de Chrysopolis (Saint), t. x, col. 448-460. Notre intention est seulement de marquer d’une manière nette les étapes historiques par lesquelles a passé le développement de l’erreur, étapes que beaucoup d’historiens paraissent n’avoir pas remarquées, bien que ce point soit fort important pour la pleine intelligence des documents doctrinaux.

Le monénergisme.

Notons tout d’abord la première

étape. Elle va des origines (avant 619) à la sentence synodale de Sergius prononcée après le pacte d’union conclu à Alexandrie par le patriarche Cyrus avec les théodosiens, le 3 juin 633. Cette décision synodale, dont nous n’avons plus le texte original, mais dont nous trouvons la substance dans la lettre de Sergius au pape Honorius, est venue après la protestation du moine Sophrone contre la formule de l’unique activité ou énergie, employée dans le décret d’union avec les monophysites alexandrins. Sophrone est allé à Constantinople ; il a eu une entrevue avec Sergius, où ils ont discuté entre eux la question de l’unique activité. Le résultat a été qu’on renoncerait à la formule pia èvspyeia, mais qu’on s’abstiendrait aussi de dire expressément deux activités ou énergies, Sùo svépysiai, pour éviter des controverses dangereuses et inutiles. On exprimerait la doctrine dans les termes communément reçus et précédemment sanctionnés par l’autorité des Pères et des conciles. On dirait — ce sont les paroles mêmes de Sergius dans sa lettre à Honorius — : « Le Fils unique engendré, qui est en vérité Dieu et homme tout ensemble, est le même qui opère les actions divines et humaines, et d’un seul et du même, le Verbe de Dieu incarné, procède inséparablement et indivisiblement toute activité divine et humaine, car c’est ce que nous enseignait expressément le théophore Léon par ces mots : » Chaque forme opère, avec la participation de l’autre, ce qui lui est propre : t6v ocùt&v èvepysïv ià Osïoc xal àv0pa)7tiva’xai hz, èvôç xal toù aÙTOû aeaapxcopévoo 0soû A6you 7râaxv 7tpoïévai àpsplaTwç xal àSiaipéTwç Oslav te xal àv0pco7Ûv/]v Èvspyet, avtoûto yàp ^)pâç 6 Œotpopoç èxSiSâax.Ei Aéwv… » Mansi, t. xi. col. 536-537. Le patriarche constanlinopolitain ajoute aussitôt ces mots, remarqués seulement de quelques rares historiens : « Là-dessus nous avons reçu de Sa très bénigne Puissance (= de l’empereur) une ordonnance d’un