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    1. MONOTHÉLISME##


MONOTHÉLISME, FORMULES T IDÉOLOGIQUES

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point de vue hypostatique. C’est ce point de vue exclusif, ce refus de considérer, de nommer et de compter chacune des volontés naturelles, physiques, de l’Homme-Dieu, cette terminologie étrange changeant le sens naturel et communément reçu des mots 0éXir)ji.a, èvépysix, qui désignent non une note caractéristique de la personne, mais des propriétés de la nature : c’est en cela, à notre avis, qu’il faut chercher l’hétérodoxie du monothélisme.

Certains auteurs ont trouvé cette hétérodoxie ailleurs : Ils ont incriminé les passages des fauteurs de l’hérésie où ils disent que l’humanité du Sauveur était toujours et en tout mue par Dieu, qu’elle était 6eoxCvïjtoç ; qu’elle n’exerçait pas de sa propre initiative, indépendamment du Verbe et en dehors de son impulsion, son propre mouvement, sa propre activité, mais qu’elle n’agissait que lorsque le Verbe voulait, comme il voulait et autant qu’il voulait. Et ils ont conclu de ces passages que la véritable erreur des monothélites avait été de nier en Jésus-Christ homme toute spontanéité et tout acte de volonté libre. Ainsi pense Tixeront, Histoire des dogmes, t. iii, Paris, 1912, p. 172175. L’exposé que fait cet auteur tant de la doctrine catholique sur les volontés et les opérations de l’Homme-Dieu que du monothélisme et du monénergisme nous paraît inexact. A l’en croire, l’activité humaine dans le Christ, ses vouloirs humains, ne seraient pas subordonnés, mais parallèles à l’activité divine, à la volonté divine. La personne du Verbe, n’aurait pas Vinitiative première de l’activité de sa nature humaine, des actes de sa volonté humaine. L’harmonie des deux activités divine et humaine résulterait « du consentement libre et spontané de l’homme réglant ses résolutions et ses actes conformément au vouloir et aux actes divins ». Op. cit., p. 173-174. Cette manière de parler a une saveur nestorienne assez prononcée. Elle oublie qu’en Jésus-Christ il n’y a qu’un seul moi, un seul agent responsable des actes humains comme des opérations divines, le moi divin, l’agent divin, c’est-à-dire la personne même du Verbe. C’est la même personne du Verbe qui agit, qui veut dans et par sa nature divine et sa volonté divine, dans et par sa nature humaine et sa volonté humaine. C’est lui qui est le possesseur, l’initiateur, le régulateur de tout ce qui se passe, de tout ce qui est exercé dans et par ses deux natures. La nature humaine, la volonté humaine est vraiment subordonnée à son empire, à son emprise toute-puissante. C’est vraiment lui qui la met en branle, qui a l’initiative de toute action qu’elle produit. Cela ne détruit nullement la liberté de la volonté humaine du Sauveur, car celui-ci veut par elle d’une manière humaine, c’est-à-dire librement et non automatiquement, mécaniquement. Là sans doute, est le point mystérieux de la psychologie humaine de Noire-Seigneur. Même lorsqu’il agit comme homme et par sa nature humaine, c’est toujours une personne divine qui agit. Sa nature humaine est vraiment mue par Dieu, SeoxivrjTOç, et il ne faut point reprocher aux monothélites d’avoir employé celle expression. Aussi bien les adversaires catholiques des monothélites ne les ont pas attaqués sur ce point. Ils ne leur ont pas reproché de nier ou de compromettre, par l’affirmation de cette motion divine, la liberté humaine du Sauveur. Celle liberté comme telle a été en dehors des discussions. Ni le concile du I. al nui de (il ! t, ni le sixième concile œcuménique n’ont visé ce point spécial dans leurs définitions et leurs anathèmes. Ils sont uniquement préoccupés d’affirmer l’existence en Jésus-Christ de deux activités naturelles, physiques, de deux volontés physiques, parce que l’activité, le vouloir, la volonté colonie telle sont chose de la nature et non delà personne, d’après le langage communément reçu.

Sans doute, à insister sur cette emprise de la personne du Verbe sur sa nature humaine, sur cette motion qu’il lui donne comme agent hégémonique et responsable, il y a danger de faire de cette nature un automate dépourvu de spontanéité et de liberté. Mais Dieu sait mouvoir chaque nature suivant les propriétés et les lois de cette nature. S’étant uni hypostatiquement une nature humaine complète, douée d’intelligence et de liberté, le Verbe meut cette nature sans en violenter les ressorts essentiels ; il agit en elle humainement, c’est-à-dire, librement. Reconnaissons que telle comparaison employée par les coryphées du monothélisme comme Sergius de Constantinople et Macaire d’Antioche : l’empire du Verbe sur la nature humaine comparée à l’action de l’âme raisonnable sur le corps (cf. Mansi, t. xi, col. 536 A, 353-350) impliquerait l’idée d’automatisme, si on la prenait à la lettre. Mais on ne saurait prouver que les monothélites dont nous parlons l’ont entendue dans cette rigueur. Ce qui est sûr, c’est qu’on trouve chez les Pères et les docteurs catholiques qui ont combattu l’hérésie les mêmes expressions sur la motion divine que certains veulent incriminer chez les monothélites, et saint Thomas lui-même, Summa theol., III a, q. xix, a. 1, emploie la même comparaison que Sergius. Écoutons saint Sophrone nous dire dans sa célèbre Synodique, considérée à bon droit comme l’expression de l’orthodoxie contre l’hérésie nouvelle : « Dieu le Verbe donnait, et cela quand il voulait, à la nature humaine l’occasion d’opérer et de souffrir ce qui lui était propre, pour qu’on ne prenne pas son incarnation glorieuse pour une apparence et un spectacle vide ; car ce n’est pas malgré lui et par nécessité qu’il recevait ces choses, bien qu’elles procédassent naturellement et humainement, et qu’il les fît et opérât par des mouvements humains : loin de nous cette pensée impie ! Car c’était Dieu qui endurait ces choses charnellement, et nous sauvait par ses propres souffrances… mais cela quand lui-même avait résolu (è6s60ûXt)to) de souffrir, de faire, d’agir humainement. .. et non pas lorsque les mouvements naturels et charnels voulaient (tîŒXov) le pousser naturellement à l’opération ou que les insidieux désiraient réaliser leurs machinations… Il était lui-même pour lui-même le régulateur (xoeuioeç) des souffrances et des actions humaines, et non seulement le régulateur, mais encore, le chef et l’arbitre (TirpÛTaviç), quoique ayant pris une nature passible naturellement ; et à cause de cela, les choses humaines en lui étaient au-dessus de l’homme, non pas parce que sa nature n’était pas humaine, mais parce que, s’étant fait homme, il recevait ces choses de plein gré, et non par contrainte et nécessité, comme il arrive pour nous, mais toutes les fois et autant qu’il le voulait, et qu’il consentait à céder à ceux qui lui infligeaient des souffrances ou aux passions elles-mêmes agissant selon la nature : àXX’rjvtxa xal ôaov è60uXsTo, xal o-oy-/copeïv aÙTOÇ toïç tx TràOï) Trpoaçépouai, toïç te 7ra0r){i.aat.v aÙTOiç ÈvspYOUixivoiç xaxà cpôaiv ÈTtévsuas ». Mansi, t. xi, col, -18-1-185.

Saint Maxime aussi, le grand adversaire du monénergisme, et du monothélisme, le docteur des deux énergies et des deux volontés physiques, insiste souvent et fortement sur cette idée que la nature humaine du Verbe était ŒoxÎvtqtoç, que le Verbe la mouvait et la poussait à l’action quand, comment et autant qu’il voulait ; el cela ne l’cmpèche pas d’affirmer à plusieurs reprises que la volonté humaine de.Jésus, bien que n’ayant pas la liberté que les seolastiqucs appellent de contrariété et que le saint docteur nomme OÉXr^jxa yvcû[jUx6v (c’est-à-dire la liberté de choisir entre le bien et le mal), restait cependant vraiment libre sous l’impulsion du Verbe. « Le vouloir du San veur, dit-il à un endroit, n’était en aucune façon