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MONOTHÉLISME, FORMULES THÉOLOGIQUES


de manière à dire : deux énergies, deux actiuités, et cela de peur de diviser Jésus-Christ en deux personnes, de tomber dans le nestorianisme. Il raisonne ainsi : « Du moment qu’il n’y a en Jésus-Christjqu’un seul agent, qu’un seul opérant, qu’un seul sujet des opérations divines et humaines, à savoir la personne du Verbe, qui agit tantôt dans et par sa divinité, tantôt dans et par son humanité, nous disons qu’il n’y en a lui qu’une seule êvÉpyEia, qu’une seule activité. » Il se garde bien de qualifier cette unique activité de l’épithète de physique, naturelle. Il ne nie pas que, sous la motion de l’agent, de la personne unique, du principium quod, la nature humaine ne déploie son énergie physique propre, ne produise son opération naturelle. Mais il réserve le nom d’svÉpysia à la motion initiale de l’agent, à l’initiative qu’il a de l’opération à produire, à sa détermination à agir tantôt d’une manière divine, tantôt d’une manière humaine. Cette IvÉpys’.a, il l’appelle non pas physique, mais hyposlatique (Théodore de Pharan ; cf. P. G., t. xci, col. 136 D), ou encore hégémonique, ^ysfiovixV) (Cyrus d’Alexandrie, Lettre à Sergius, Mansi, op. cit., t. xi, col. 561 C). C’est pourquoi elle est unique, parce que dans le Christ il n’y a qu’un seul agent responsable, ayant l’initiative de toute opération qu’il produit soit comme Dieu, soit comme homme, à savoir la personne du Verbe incarné.

A la huitième session du VI" concile œcuménique, on demanda à Macaire, patriarche d’Antioche, monénergiste et monothélite résolu, s’il admettait en Jésus-Christ deux activités physiques et deux vouloirs physiques, 8ûo êvEpysîaç (puatxâç, Sùo 0eXv)[iaTa çoaixâ. Il répondit : « Je ne dis pas deux vouloirs ou deux énergies, mais bien un seul vouloir, une seule volonté hyposlatique, une activité théandrique, àXX’êv OéXvjjxa ÛTrooTafixov xal ôsavSpixyjv tyjv èvspyeiav. » Mansi, ibid., col. 345 E, 349 BC. Il se garda bien de nier deux volontés physiques, deux énergies physiques. Il ne répondit pas à la question, mais répondit de son point de vue, c’est-à-dire du point de vue du principium quod, non du point de vue du principium quo. Qu’on remarque aussi qu’il ne dit pas : une seule activité théandrique, mais : une activité théandrique, l’activité théandrique, l’épithète théandrique, signifiant dans sa bouche non une activité mixte résultant d’une fusion de l’humanité et de la divinité en un lertium quid, mais l’activité du Dieu-Homme opérant par ses deux natures, de telle sorte que chacune agit avec le concours de l’autre, suivant la formule de saint Léon que Macaire accepte explicitement : agit utraque forma cum alterius communione. Ibid., col. 356 E.

Dans sa célèbre dispute avec saint Maxime, Pyrrhus disait à son interlocuteur : « Ce n’est pas pour détruire l’activité humaine que nous disons une seule activité, mais parce que, mise en parallèle avec l’activité divine, elle est dite passion sous ce rapport ; c’est-à-dire que l’activité humaine est mise en branle par l’agent divin, la personne du Verbe, à qui appartient l’initiative de toute opération qu’il produit par sa nature humaine. Sous ce rapport, c’est-à-dire en tant que mue par le Verbe, au point de départ de l’action, la nature humaine est dite passive : oùx È-rc’àvaipsasi. TÏjç àv6pcoTTÔvi, ç èvspyelaç ttjv |^îav XÉyo[i.sv EvÉpysiav, àXX’È7C£’.S7) àvTiSiaaxeXXoiJtévr) xꝟ. 6sta èvepyeîa rcâ00ç Xéys-a’, xarà toùto. » Disputatio cum Pyrrho, P. G., t. xci, col. 349 BC. En lui répondant, saint Maxime ne nie point que l’activité humaine soit mise en branle par la personne divine, mais il dit qu’une chose ne se définit point par comparaison avec une autre, mais par ce qu’elle est en elle-même, par sa nature propre.

C’est bien le même point de vue que nous trouvons exprimé dans les lettres de Cyrus d’Alexandrie : « Tout

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

ce que nous entendons et croyons, dit-il, au sujet du Christ, soit ce qui revient à la nature divine, soit ce qui revient à la nature humaine est œuvre (spyov) de Dieu (= de la personne du Verbe) et sous ce rapport ces opérations de sa divinité et de son humanité sont dénommées d’une manière orthodoxe (eùaeôwç) une seule activité : xal xonrà toûto fjia èvépysia tocût* t/jç Osôtiqtoç aÙTou xal tyjç àv0pa> ; r6T7]Toç eàas6wç covofiacjToa. » Lettre à Sergius, Mansi, op. cit., t. xi, col. 568 E. Le même, dans le même document, ajoute : « Soit les actions divines, soit les humaines recevaient initialement de la divinité ( = de la personne du Verbe) pour ainsi dire leur intonation et leur principe, et par l’intermédiaire de l’âme intelligente et raisonnable, elles étaient exécutées par le corps, soit qu’il s’agît d’un effet miraculeux, soit même de quelque opération physique de l’homme, comme le désir de la nourriture, le sommeil, le travail, le support des peines : site rà 0sïa, site rà àvOpwTciva àp^osiScoç jzév, olov

£l7T£ÏV, EX TOÎJ 0EIOU TY)V IvSoCTIV Xal "U7)V OUTtav ÈXâfA 6av£, 81à [xéct7]ç Se tîjç voEpâç xal Xoyixîjç ^ox^Ç 6ro>upysÏTO roxpà -roîi aût[ioi.xoç, eÏts 0au|LaTO7rot6v uva Sûva|i.i, v eïnoiç, eï’te xal cpuaixyjv Tiva toù àv0p<ittou xlv7]aiv. » Mansi, ibid., col. 569 BC.

2. Les formules proprement monolhélites. — Ce que nous venons de dire du monénergisme des monothélites doit aussi s’affirmer de leur monothélisme. L’unique volonté ou vouloir, sv 0éXï][ia, dont ils entendent parler est de l’ordre de l’hypostase, non de la nature. G’est pour cela qu’ils disent qu’il est unique, sv ; divin, 0eïx6v ; hyposlatique, Û71 : oaTaTt.x6v ; hégémonique, r)ys[i.ovi.x6v. Ils ne veulent pas nier l’existence de la volonté humaine de Notre-Seigneur prise comme faculté naturelle, physique. Ils ne veulent pas nier non plus que cette faculté physique soit entrée en exercice, ait produit son acte connaturel, sa xîv/)aiç, comme ils disent. Mais il affirment que cette volonté physique ne s’est pas mue d’elle-même à l’action, n’a pas passé de la puissance à l’acte de sa propre initiative et indépendamment et séparément du moi divin, de la personne du Verbe unie hypostatiquement à la nature humaine, la possédant en propre et agissant et voulant humainement en elle et par elle, quand et comme il voulait, par sa volonté divine. C’est parce que cette volonté humaine n’est pas sui juris, ne se détermine pas d’elle-même à l’action comme la volonté d’une personne humaine ordinaire, mais est mise en branle par la personne divine qui se l’est appropriée par l’union hypostatique et qui veut en elle et par elle d’une manière conforme à la nature humaine raisonnable, qu’ils se refusent à lui donner le nom de 0ÉX7][Aa. Le vouloir, le OÉXrpa, pour eux est l’acte initial, la détermination toute première par laquelle l’agent — dans le cas, la personne divine du Verbe — se décide, se détermine à vouloir, à agir. Ce 0éX7)fi.a par lui-même est indifférent, àS(.â<popov, divin, parce que venant d’une personne divine. Il se différencie dans son moyen et dans son terme. Il est divin dans son moyen et dans son terme si le Verbe veut comme Dieu, par sa volonté divine ; il est humain, s’il veut par sa volonté humaine. Us ne nient donc pas l’existence en Jésus-Christ de deux volontés physiques, naturelles, de deux vouloirs physiques, naturels. Mais ils ne veulent pas en parler, et ils en donnent pour raison que dire deux volontés, deux vouloirs en Jésus-Christ, Sûo ŒX^axa, pourrait faire supposer qu’il y a eu en lui deux volontés contraires, ou se mouvant indépendamment l’une de l’autre, comme les volontés de deux personnes humaines. Et c’est encore par peur du nestorianisme

— peur, du reste, factice chez les inventeurs du monothélisme, dont le vrai souci est de trouver une formule de conciliation — qu’ils abandonnent le point de vue des natures, pour adopter uniquement le

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