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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE ROMAINE


bablement par l'Église de Rome elle-même. Si certains fragments de livres extra-canoniques, comme ceux du IVe livre d’Esdras, purent se glisser dans les chants, je ne crois pas qu’il y ait d’exemple qu’ils furent lus à la messe. On ne toléra pas non plus, comme en Afrique et en Gaule, la lecture des passions des martyrs, ni certaines combinaisons ou interpolations des textes sacrés, comme on en trouve par exemple dans le Missel de Bobbio. Mais on fut moins rigoureux dans les prières chantées, et il n’est pas impossible d’y relever des morceaux paraphrasés ou fourrés (par exemple l’introït du jeudi saint). Le décret de Gélase a pour but, on le sait, de proscrire un certain nombre de livres trop facilement admis ailleurs.

l’ne grande solennité entoure à Rome la lecture de l'évangile. C’est une vraie procession, qui se rend de l’autel à la chaire où il doit se lire, le diacre portant le livre, entouré des acolytes avec des cierges, et un thuriféraire avec l’encens pour encenser le livre sacré. Comme on l’a justement fait remarquer, avec la procession solennelle de l’introït, c’est la seule fois que le rit romain se départit à la messe de la simplicité et de la sobriété qui fait le caractère principal de cette antique liturgie. Toutes ces cérémonies se sont conservées jusqu’aujourd’hui à la messe solennelle. On y a ajouté les deux prières Munda cor meum et Dominus sit in corde meo. Le salut du diacre Dominas vobiscum, le Gloria tibi Domine, le Laus tibi Christe, et le Per evangelicu dicta sont des acclamations qui soulignent, avec le baiser du livre saint, l’importance de cette lecture.

La lecture de l'évangile est suivie logiquement de son commentaire par l'évêque qui, en principe, avait seul le droit de prêcher. Mais il se faisait assez souvent suppléer par un prêtre. Dans d’autres Églises, à Jérusalem, par exemple, au ive siècle, plusieurs prêtres successivement sont invités à prêcher, l'évêque prenant la parole en dernier lieu.

Le Credo. C’est un fait curieux que l'Église doctrinale par excellence n’introduisit à la messe la formule du Credo qu’au xi » siècle. Nous avons vii, dans le chapitre sur l’anaphore de Balizeh, qu’elle avait été devancée dans cette voie par d’autres Églises depuis plusieurs siècles. A ceux qui s’en étonnaient un Romain du xie siècle répondit que Rome, n'étant jamais tombée dans l’hérésie, ne sentait pas le besoin d’affirmer sa foi de cette façon. C'était une réponse ad hominem. Il aurait pu ajouter avec dom Cagin que l’anaphore dans sa forme primitive est théologique et qu’elle contient, comme celle d’Hippolyte, un exposé de la foi. Toutefois Rome se laissa enfin gagner par l’exemple, et le Credo y est chanté, non pas quotidiennement, mais dans certaines circonstances. C’est la formule de Nicée-Constantinople dont il sera parlé avec les développements nécessaires à l’article Nicée. Nous ferons simplement remarquer que le texte qui est aujourd’hui au missel romain présente avec le texte original quelques légères variantes.

Après l'évangile et l’homélie, on renvoyait autrefois les catéchumènes et les pénitents, et tous ceux qui ne communiaient pas. Cette discipline date du ive et du v siècle. La formule de renvoi variait, nous en avons vu des exemples pour l’Orient et même en Gaule. Nous avons dit aussi, col. 1373, les allusions qui y sont faites dans saint Grégoire et même encore dans le pontifical (ordination des exorcistes).

Tout ceci nous révèle bien l’esprit de l’ancienne discipline ; la pari que prenaient les fidèles dans la célébration du culte et en particulier à la messe, était incomparablement plus importante qu’aujourd’hui. Même dans l'Église romaine, où, comme l’a finement observé Ed. Bishop, l’autorité de la hiérarchie dans l’exercice du culte ne perdait jamais ses droits, et se

manifestait beaucoup plus que, par exemple, dans les liturgies d’Orient, les fidèles étaient bien plus étroitement associés qu’aujourd’hui à l’action du sacrifice. Toutes les anciennes oraisons, nous l’avons remarqué, sont au pluriel ; le prêtre prie au nom des fidèles ; ceux-ci répondent Amen ; le canon lui-même contient des expressions comme celles-ci : hœc munera quæ tibi ofjerimus pro Ecclesia tua, Hanc igitur oblationem servitutis nostree sed et cunclx familiæ tuæ, etc. Nous allons voir cette intervention des fidèles se manifester encore à l’offertoire et à l’oraison des fidèles.

4° La messe des fidèles. — Nous avons dit plus haut en quoi consistait cette division de la messe des catéchumènes et de celle des fidèles ; nous n’avons pas à y revenir. On voit qu’elle existe à Rome comme partout dans la chrétienté. La messe des fidèles est comme un deuxième acte, plus encore, un rite nouveau qui commence. Quelque soin qu’on ait mis plus tard à relier ces deux épisodes, chacun garde son caractère et le sacrifice de la messe proprement dit ne commence qu'à ce moment. Voici comment on y procède dans l'Église romaine au ve -vie siècle. On déploie le corporal sur l’autel ; il était alors assez vaste pour le couvrir tout entier ; c’est à deux diacres que ce soin était confié. La même cérémonie s’accomplit encore au vendredi saint, et même aux messes solennelles où le diacre avant l’offertoire étend le corporal sur l’autel.

L’autel étant prêt, le célébrant va recevoir le pain et le vin que présentent les fidèles et qui serviront au sacrifice. Le surplus des dons en nature, bénit aussi dans le courant de la messe, est mis à part et sera distribué plus tard aux pauvres et au clergé. Comme cette opération dans les grandes églises demandait un certain temps, on chantait un psaume, le psaume d’offertoire, puis le célébrant retourne à son siège et se lave les mains, tandis que les diacres disposent le pain et le vin sur l’autel. Quand tout est prêt, il se rend à l’autel, le baise et dit l’oraison appelée « secrète ».

Le psaume d’offertoire se chantait comme celui de l’introït et de la communion, pour occuper les fidèles pendant une cérémonie qui pouvait se prolonger un certain temps. Il fut institué, comme l’introït, au ive siècle. Rien ne paraît mieux justifié qu’une innovation de ce genre. Mais il y eut des protestations contre cette nouveauté, et elles furent telles que saint Augustin dut écrire un traité, du reste perdu, pour la justifier. Preuve en tout cas que les fidèles s’intéressaient à la liturgie, et que les innovations ne devaient être ni trop fréquentes ni trop graves.

Ici se présente dans la messe actuelle une anomalie qui a été relevée depuis longtemps et que l’on a expliquée de diverses façons. Celle qui a rallié le plus de suffrages a été présentée par Duchesne sous cette forme : après l'évangile ou après le Credo, suivant les circonstances, l’officiant dit Dominus vobiscum. Orcmus. Cet oremus, au lieu d'être suivi d’une prière comme il serait normal, est laissé en l’air en quelque sorte. Selon le savant critique « ce trou béant » s’est creusé par la suppression de la prière des fidèles qui se disait alors, et qui est à cette place dans les liturgies orientales. C’est une prière litanique dont nos oraisons du vendredi saint peuvent donner une idée assez exacte. L’explication est ingénieuse, mais c’est une hypothèse qui n’est pas suffisamment appuyé? ; nous préférons de beaucoup celle qui est insinuée par Bishop et que dom Wilmart, par des rapprochements habiles, a rendue des plus vraisemblables. Cet oremus était suivi de l’oraison super sindonem qu’a conservée le rit milanais et même le Sacramentaire gélasien qui présente presque partout deux collectes, là où le grégorien n’en a gardé qu’une. La collecte supprimé