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MONOPHYSISME


ïîôv xal IIvsûjva ayiov XéyovTeç, col. 57 B : ce qui semble être l’expression même de l’orthodoxie contre le trithéisme réel prêté à Philopon, à cause de sa terminologie étrange. Nous savons en effet, par l’histoire que les condobaudites se séparèrent de Théodose d’Alexandrie, après que celui-ci eut écrit un traité contre Asquçnagès, où il paraissait l’aire trop de concessions au novateur. J. Maspéro, op. cit., p. 208209. Ils paraissent donc avoir été une fraction des sévériens intransigeants qui repoussèrent toutes les innovations des trithéistes.

Il ne faut point du reste se faire illusion sur l’importance des dernières sectes que nous venons de nommer. Elles disparurent bientôt sans laisser de traces. Le succès de Philopon lui-même fut éphémère. Sa terminologie aristotélicienne n’arriva pas à s’imposer, et ses opinions hétérodoxes sur la résurrection des corps et la fin du monde lui aliénèrent ses meilleurs amis. Le monophysisme sévérien primitif finit par reprendre le dessus sur toute cette poussière de sectes, et devint la doctrine officielle des groupes monophysites constitués en Églises indépendantes.

VI. Le monophysisme orthodoxe.

Par monophysisme orthodoxe, nous entendons non une doctrine spéciale, qui se différencierait du dyophysisme christologique défini au concile de Chalcédoine, mais certaines formules du monophysisme verbal hétérodoxe qui ont été acceptées, tant par les Pères et les théologiens que par l’Église elle-même dans ses conciles. Il s’agit de certaines formules du monophysisme sévérien, non de toutes. Jamais aucun théologien catholique n’a fait sienne toute la terminologie monophysite que nous avons passée en revue dans le paragraphe II de cet article. Ont été seulement acceptées comme légitimes et expliquées d’une manière orthodoxe les expressions monophysites.qui pouvaient se réclamer de l’autorité d’un Père de l’Église, et notamment de saint Cyrille d’Alexandrie. C’est le cas de la plupart des formules, où entrent les mots (pôaiç ou ùTTCCTTaciç. Au contraire, les formules monophysites ayant trait à la propriété, LSiôtyjç, à l’opération, èvépyeta, à la volonté, ôéX^aiç, ont toujours été repoussées par les catholiques. Les théologiens les plus préoccupés d’aplanir aux antichalcédoniens le retour à l’unité catholique et les plus favorables aux formules cyrilliennes n’ont jamais consenti à dire : une seule propriété, une seule opération, une seule volonté. C’est le cas, par exemple, de Léonce de Byzance, le grand théologien de la conciliation, qui entra pleinement dans les vues de l’empereur Justinien pour faire cesser le schisme des sévériens, et déploya toute la souplesse de son esprit à montrer l’équivalence doctrinale des formules cyrilliennes et de la définition de Chalcédoine.

Une autre particularité du monophysisme orthodoxe, c’est son éclectisme en fait de formules christologiques. Loin de partager l’exclusivisme des sévériens, il combine dans une sage mesure les formules monophysites et les formules dyopbysites. Il est chalcédonien et n’est pas anticyrillien : ou plutôt il imite à la fois et saint Cyrille, qui n’a pas refusé de dire : deux natures après l’union, et le concile de Chalcédoine qui n’a pas condamné les formules monophysites de saint Cyrille et a reconnu son orthodoxie. C’est là son attitude caractéristique diamétralement opposée à celle des partisans du monophysisme verbal hétérodoxe. qui anathématisent le concile de Chalcédoine comme nestorien et ne choisissent pour patron que le Cyrille des anathématismes contre Nestorius, feignant d’ignorer le Cyrille qui a souscrit le symbole d’union de 433.

Le monophysisme orthodoxe a eu son âge d’or sous Justinien, dont il a favorisé la politique religieuse, et

sa meilleure expression dans les anathématismes du cinquième concile œcuménique et les écrits de Léonce de Byzance. Nous n’avons à parler ici ni des premiers ni des seconds. Voir les articles Constantinople (Deuxième concile de), t. iii, col. 1231-1259, et Léonce de Byzance, t. ix, col. 400-426. Signalons seulement comme se rapportant spécialement à notre sujet les anathématismes 7, 8, 9 et 10 du cinquième concile et les Capita triginla contra Severum de Léonce.

Le monophysisme orthodoxe se retrouve encore, un siècle après Justinien, dans les canons du concile du Latran sous saint Martin Ie - 1 (649), où l’inspiration orientale est si manifeste. Voir en particulier les canons 5, 6, 7 et 8, qui expliquent les formules cyrilliennes. Mais c’est aussi dans ces canons (canon 915) qu’est condamnée le plus explicitement la terminologie monophysite sur la propriété, l’opération et la volonté. Voir l’article Martin I er, t. x, col. 180-184. A partir de la querelle monothélite, les formules monophysites, par le moyen desquelles on n’a pas réussi à rallier les dissidents, coptes, syriens et arméniens, perdent leur raison d’être. On ne les garde plus que comme un souvenir archéologique, et les théologiens s’ingénient à les expliquer sans toujours être d’accord entre eux. En Orient, on y revient de temps à autre, chaque fois qu’il y a des tentatives d’union avec les groupes monophysites, spécialement avec les Arméniens. Les formules monophysites n’avaient guère qu’une valeur de combat contre le nestorianisme. Prises en elles-mêmes, elles présentaient plus d’inconvénients que d’avantages pour la foi commune, et heurtaient le langage de cette philosophia perennis communément reçue, à laquelle l’Église, qui ne s’inféode à aucun système philosophique, aime à prendre ses termes pour formuler les dogmes divins.

Nous ne connaissons pas d’ouvrage d’ensemble traitant à la fois des multiples aspects du monophysisme examinés dans cet article, mais les études particulières et les monographies abondent, surtout sur les querelles christologiques des ve et vie siècles. L’ouvrage capital sur le monophysisme sévérien dans sa première période est celui de J. Lebon, souvent cité dans notre étude : Le monophysisme sévérien. Étude historique, littéraire et théologique sur la résistance monophysite au concile de Chalcédoine jusqu’à la constitution de l’Église jacobite, Louvain, 1909. L’auteur exagère pourtant le monophysisme de saint Cyrille, et paraît oublier que le saint docteur a quelquefois employé aussi le langage dyophysite. On trouvera en tête de cet ouvrage une bibliographie choisie, qu’il est inutile de transcrire ici. Tixeront, Histoire des dogmes, t. iii, p. 117-129, donne un bon résumé des conclusions de J. Lebon. Voir aussi la bibliographie de l’article Eutychianisme de ce Dictionnaire : Eutychianisme et monophysisme ayant été considérés comme des termes synonymes, sources et monographies sont souvent les mêmes pour les deux sujets.

Sur le dogme christologique dans les Églises monophysites après le vie siècle, nous donnons au cours du paragraphe les indications principales. Pour les Églises copte et syrienne jacobite, les meilleurs renseignements sont fournies par Renaudot : Liturgiarum orientalium coliectio, dans les préfaces et les notes aux liturgies coptes et syriennes, et aussi dans la dissertation encore inédite : De jacobitarum sententia circa duarum in Christo unionem, t. xviii du fonds Renaudot, à la Bibliothèque nationale de Paris. Voir aussi du même Historia patriarcharum Alexandrinorum, Paris, 1713, qui donne quelques professions de foi des patriarches coptes. J. S. Assémani a des données sur la doctrine des Syriens jacobites dans les tomes i et h de sa Bibliotheca orienlalis, et spécialement dans sa Disserlatio de monophysitis, éditée à part. Pour les Arméniens, aucun ouvrage ne renseigne mieux que les écrits mêmes des principaux théologiens arméniens publiés par les mékitaristes de Venise au cours du xixe siècle. Pour les détails des éditions, voir l’article Arménie, bien documenté sur la littérature théologique des Arméniens.

Sur l’histoire des sectes monophysites issues des sévériens, on trouvera des renseignements jusqu’ici peu connus dans l’ouvrage de Jean Maspéro, Histoire des patriar-