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MONOPHYSISME, LE T HÉOP ASCHITISME


pris de la Vierge était devenu incréé, par le fait de son union avec le Verbe, et consubstantiel à lui selon la divinité, Renaudot, Historia pair. Alexand.. p. 471. Il fournit à l’évêque do Misra, Chenoudi, l’occasion de prononcer un discours contre les eutychiens et les phantasiastes.

4. Dans l’Église abyssine, la grande controverse sur l’onction du Christ, qui éclata au xviie siècle, a partagé les théologiens en deux écoles rivales : l’école dite des Dibra-îibanésiens, qui reste fidèle au monophysisme verbal, et l’école des Eustathiens, qui se rapproche de l’eutychianisme. Voir sur cette controverse ce qui a été dit à l’article Ethiopie (Église cl’), t. v, col. 9R0-965.

Ces écarts de quelques théologisns montrent le danger des formules monophysites. Elles n’infirment pas la conclusion d’ensemble à laquelle nous avons abouti sur la doctrine officielle des Églises monophysites.

IV. Le théopaschitisme.

Comme le mot l’indique, le théopaschitisme est l’erreur de ceux qui enseignent que Dieu le Verbe a éprouvé la douleur et la mort dans sa divinité.

Cette insanité se déduit logiquement de certaines formes de l’eutychianisme ou monophysisme réel : Ie de la théorie de l’absorption ou de la disparition de l’humanité dans la divinité ; 2° de la théorie du changement ou du mélange de la divinité du Verbe en la chair ; 3° du synousiasme ou théorie de la composition du Verbe et d ? l’humanité en un tout naturel. L’apol-Hnarisme, malgré ses dénégations, n’échappe pas à cette conséquence, et l’arianisme ne l’évite que parce qu’il nie la divinité du Verbe.

Historiquement, tous les monophysites sans distinction ont été accusés de théopaschitisme par les orthodoxes, parce que tous n’admettent qu’une nature après l’union. L’accusation devint générale, après que Pierre le Foulon eut ajouté au Trisagion les mots : Qui as été crucifié pour nous, ô CTTaupcoOsiç ÔYy)u.ôcç. Disons, à ce propos, ce qu’on entend par Trisagion dans les liturgies orientales. Il ne s’agit point, comme on pourrait le croire et comme certains l’ont cru, du triple Sanclus qui vient dans toutes les liturgies d’Orient et d’Occident immédiatement après la préface. Sans conteste possible, cette sorte de trisagion est rapportée aux trois personnes de la sainte Trinité, et les monophysites n’y ont fait aucune addition. Il s’agit d’une autre formule ainsi conçue : Sanclus Deus, Sanclus fortis. Sanclus immortalis, qui se chante dans les messes orientales soit avant, soit après l’Évangile, mais toujours avant la préface, et que notre liturgie latine a conservée dans l’office du Vendredi saint et dans les preces feriales de prime. C’est à cette hymne que Pierre le Foulon ajouta les mots indiqués. L’addition fut bientôt reçue par toutes les Églises monophysites. Comme les Byzantins orthodoxes avaient l’habitude de rapporter la triple invocation aux personnes de la Trinité, ils ne manquèrent pas de voir dans l’innovation du Foulon une profession publique de théopaschitisme, voire même de sabellianisme et de patripassianisme. L’accusation recevait une apparence de fondement, du fait des formules monophysites ne posant dans le Christ qu’une çûctiç après l’union. L’équivoque cachée sous ce mot reparaissait sous une nouvelle forme. Les polémistes catholiques n’ont cessé de reprocher aux monophysites cette addition suspecte et de les accuser de théopaschitisme. Cette accusation est-elle fondée ?

Précisions nécessaires.

Faisons tout d’abord

remarquer qu’on peut distinguer deux sortes de théopaschitisme : l’un hérétique et absurde, qui a pour formule : La divinité a soufjcrt : c’est le Ihéopaschilismc réel et grossier, celui des eutychiens ; l’autre, ortho doxe et légitime, supposée l’incarnation du Verbe, qui a pour formule : Dieu le Verbe a souffert, ou : Dieu a souffert, ou encore, pour employer une formule qui souleva des tempêtes à l’égal de l’addition du Foulon, Unus de Trinitate crucifixus est, Un de la Trinité a été crucifié ; c’est le théopaschitisme des formules, qu’on peut appeler verbal, bien qu’il soit réel à un certain point de vue, c’est-à-dire en tant qu’il a pour fondement le lien hypostatique, unissant l’humanité du Sauveur à la personne du Verbe et faisant de celle-ci le sujet d’attribution de toutes les opérations, actions et passions des deux natures. Dans ce second cas, les formules théopaschites ne sont qu’une application particulière de la règle générale de la communication des idiomes. Elles n’ont rien d’hétérodoxe et ont toujours été employées par les catholiques, encore que ceux-ci, pour éviter toute équivoque, aient ajouté jadis le mot carne : Unus de Trinitate passus est carne. Si ces derniers les attaquèrent et les condamnèrent chez les monophysites, après le concile de Chalcédoine, cela vient uniquement des circonstances et à cause même de la terminologie équivoque et suspecte des antichalcédoniens, sous la bannière desquels se cachaient les eutychiens, c’est-à-dire de vrais théopaschites.

Il va sans dire que les partisans du monophysisme verbal ou sévérien ne pouvaient enseigner le théopaschitisme physique, attribuant la souffrance et la mort à la divinité. Mais ils ont insisté sur les formules théopaschites, qui exprimaient pour eux le théopaschitisme hypostatique, et avaient l’avantage de bien montrer l’unité de sujet concret dans le Verbe incarné. D3 là l’addition faite par Pierre le Foulon au Trisagion ; de là la formule mise en circulation par Philoxène et patronée ensuite, sous une forme atténuée dissipant toute équivoque, par les moines scythes catholiques : Un de la Trinité a souffert dans la chair.

2° Emploi de la formule théopaschile dans les Églises monophysites. — On peut établir, par des déclarations formelles des premiers théologiens monophysites de l’école de Philoxène et de Sévère, qu’en acceptant l’addition au Trisagion : Qui as été crucifié pour nous, ils entendaient adresser cette hymne au seul Verbe incarné, et non au Père ni au Saint-Esprit. Si l’on ne peut apporter de témoignage explicite de l’auteur de l’addition, Pierre le Foulon, il est cependant difficile de supposer chez lui une autre intention, puisqu’il fut de ceux qui signèrent YHénotique. Cf. Valois, Observations ad hist. eccles. Evagrii, P. G., t. lxxxvi, col. 2894 sq., et Assémani, Bibliotheca orientalis, t. ii, p. 180. En tout cas, la pensée de Sévère sur ce point ne fait pas de doute. Dans son Contra mmophysitas, Justinien déclare que le patriarche d’Antioche a osé prétendre que le Trisagion se rapporte au seul Fils : Kai toûto yàp XsyEiv SsuTJpoç èrôX^aev, Ôti ô rpto àyioç ûavoç tic, u.6vov àvaçépsTai tôv T’.dv, jxt) xoivœvvjaâvTcùv Tyj SoÇoXoyîa toù na-rpôç xal tou àyîoo rr.veuu.aToc. p - G -> * lxxxvi, col. 1141 B. Cf. Lebon, op. cit., p. 477-486.

Les Églises monophysites, qui toutes ont reçu l’addition, ne lui ont jamais attribué une autre signification. Alors que les polémistes catholiques n’ont cessé de les attaquer sur ce point, les théologiens de ces Églises n’ont pas varié leur réponse : Le Trisagion avec l’addition est rapporté au seul Jésus-Christ. Voici, par exemple, ce qu’écrit le Syrien jacobite Abou Raïtha de Takrit dans sa dissertation sur le sujet :

Cum Nestoriani et Melkitæ audiunt a nobis hymnum, quem ter dicimus : Sanctus Deus, Sanctus Forlis, Sanctus Immorlalis, qui crucifixus es pro nobis, extollunt voces suas adversum nos, nosque sectæ jacobiticæ orthodoxæ sequaces graviter insectantur. Verum faciunt id immerito, dum opinantur quod Sanclus Deus, cadat in Patrem, Sanclus Fortis cadat in Filium, Sanctus Immortalis cadat in Spiri-