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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE ROMAINE


du pain est plongée dans le calice. C’est le rite de l’intinction pratiqué dans la liturgie syrienne. Suit le verset Fiat domine misericordia tua super nos quemadmodum sperabimus in le.

Et la fraction a lieu. Le pain est rompu, dit la rubrique irlandaise. C’est la place de la fraction au gallican et même au romain avant saint Grégoire.

Les versets suivants commentent l’action du prêtre et mettent en relief l’importance toute spéciale du rite. Cognoverunt dominum, alléluia, in fractione panis, alléluia. C’est le confractorium ou Yantiphona ad confractionem de l’ambrosien et du mozarabe, et dont il reste quelques vestiges même dans certains livres romains. Voir ci-dessous col. 1400. On a pu démontrer que pour la fraction dans l'Église celtique, et peutêtre dans d’autres Églises, un prêtre se joignait au célébrant, s’il était simple prêtre, pour rompre avec lui le corps du Seigneur ; c'était la co/raction. Si le célébrant était évêque, il rompait seul l’hostie (cf. dom Gougaud, loc. cit., col. 3011). Suivent ces autres versets de fraction :

Panis quem frangimus corpus est domini nostri ihesu christi. Alléluia.

Calix quem benedicimus (alléluia) sanguis est d. n. J. C. (alléluia) in remissionem peccatorum nostrorum (alléluia).

Fiat domine misericordia tua super nos. alléluia, quemadmodum speravimus in te. Alléluia.

Cognoverunt dominum. Alléluia.

Credimus, domine, credimus in hac confractione corporis et effusione sanguinis nos esse redemptos et confldimus, sacramenti hujus adsumptione munit os, ut quod spe intérim hic tenemus mansuri in celestibus veris fructibus perfruamur, per d., etc.

L’hostie était divisée de sept façons différentes, suivant les fêtes ; en cinq parties aux messes communes, en sept aux fêtes des saints, confesseurs et vierges, en huit aux fêtes des martyrs, en neuf le dimanche, en onze aux fêtes des apôtres, en douze aux calendes de janvier et au jeudi saint, en treize le dimanche après Pâques et le jour de l’Ascension, en soixante-cinq aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte ; on les disposait en forme de croix, et chaque groupe recevait des parties de la croix selon son grade. Tout cela semble inventé pour disperser l’attention à un moment où elle devrait être concentrée sur le seul objet essentiel. Heureusement les chants de fraction que nous avons cités nous ramènent à des pensées plus sérieuses.

Le Pater dit après la fraction est encadré comme dans la plupart des liturgies entre un prélude et un embolisme, qui diffèrent peu des formules romaines ; dans celui-ci le nom de saint Patrice se lit après saint Pierre et saint Paul. La bénédiction se donne avec ces mots :

Pax et caritas D. N. I. C. et communicatio sanctorum omnium, sit semper nobiscum, et cum spiritu tuo.

Le baiser de paix a lieu alors comme dans la messe romaine. Le missel de Stowe contient à cette place plusieurs antiennes sur la paix mêlées aux antiennes et chants de communion.

La commixtion du corps et du sang se fait comme dans la messe romaine. La communion est entourée de rites et de chants qui lui donnent une grande solennité. Nous citerons celui-ci : novum carmen cantate, omnes sancti venile, Panem cœli dédit eis, le ps. xxxiii qui est de tradition presque universelle, sinite parvulos venire ad me, venite benedicti patris mei. L’hymne fameuse Sancti venite, Christi corpus sumile, conservée dans l’antiphonaire de Bangor, est d’une inspiration élevée et ferait pardonner quelques autres prières d’une prolixité fatigante.

Le texte des postcommunions est emprunté aux livres romains. Le renvoi est fait par ces mots : Missa acta est. In pace.

On le voit, en dehors de quelques formules et de quelques rites qui paraissent particuliers aux Celtes, on ne trouve pas dans cette messe de traits vraiment originaux. Ce qui la distingue, c’est le mélange des usages romain et gallican à peu près à égale dose, avec quelques traits empruntés aux Mozarabes, au rit ambrosien ou aux liturgies gallicanes. C’est une liturgie composite. Les rites du baptême que nous n’avons pas à étudier ici, présenteraient les mêmes caractères.


X. La liturgie romaine. —

Généralités.


La liturgie romaine mérite à tous les titres une place à part dans cette étude sur la messe, car son influence sur les autres liturgies latines a été de premier ordre, et finalement on peut dire qu’elle les a toutes supplantées. La messe romaine forme aujourd’hui un tout assez homogène, mais elle s’est formée d’alluvions de toute nature au cours des siècles. Quoique nous n’ayons pas à l'étudier ici au point de vue historique, il faut cependant indiquer brièvement les étapes de sa formation.

On doit dire que, jusqu'à la fin du ive siècle, on ne peut constater que la messe romaine se distingue par des traits spéciaux. Du reste c’est la loi générale pour cette époque. Si différentes que soient les formules qui nous sont connues, la distinction des familles liturgiques n’existe pas encore. On peut signaler certains caractères selon que l’on est à Antioche, à Alexandrie ou à Rome, mais ce n’est qu’après la fin du iv 8 siècle que l’on constate la formation de familles ou de groupes liturgiques. La grande division liturgique entre l’Orient et l’Occident ne semble même pas exister. Les textes de saint Justin, de Tertullien, d’Origène, de saint Cyrille, de saint Jean Chrysostome, de saint Augustin, ne s’appliquent pas plus spécialement à la messe de Rome qu'à celle des autres Églises. L’anaphore de saint Hippolyte, malgré un certain goût de terroir, n’est pas non plus spécifiquement romaine. Elle présente à peu près les mêmes traits que celle des Constitutions apostoliques, et le travail de comparaison de cette anaphore avec les plus anciennes anaphores orientales auquel s’est livré dom Cagin, serait une nouvelle preuve à l’appui de cette thèse.

La substitution de la langue latine à la langue grecque dans l'Église romaine vers le milieu du me siècle, dut avoir sa répercussion dans la liturgie, mais nous n’avons pas de témoin pour nous dire ce qu’elle fut.

C’est au ve, au vie et surtout au vu 8 siècle que nous pouvons nous représenter à l’aide de documents, ce que fut la messe romaine. Ajoutons qu’elle s’y présente sous l’aspect le plus intéressant et le plus original. C’est l'âge d’or de la liturgie romaine ; c’est celui où les grands papes Damase, Innocent, Célestin, Léon, Félix, Gélase, Anastase, Symmaque, Grégoire surtout, prenaient à la liturgie le plus vif intérêt ; ils en surveillainent les cérémonies, recueillant et parfois rédigeant eux-même le texte des oraisons, des préfaces, le choix des antiennes d’où sortiront les sacramentaires et les antiphonaires les plus anciens ; ils s’inquiétaient même du chant liturgique, et réglaient parfois les détails du mobilier liturgique, de l’architecture et de la décoration des basiliques. Le Liber pontificalis pourrait à lui seul nous édifier sur cette activité des papes. Le Léonien, le Gélasien, le Grégorien peuvent aussi nous aider dans cette œuvre de reconstitution, à condition que l’on n’oublie pas que ces deux derniers, se présentent à nous sous une forme interpolée, après avoir subi de nombreuses altérations en Gaule au vin 8 et au ix 8 siècle. Mais grâce aux travaux de Probst et surtout à ceux de Bishop et de dom Wilmart, on arrive à peu près