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MONARCHIANISME EN ORIENT


bien de le dire, et la chose n’est pas sûre. Du reste, s’étant mis hors de l’Église, il était inutile qu’il en fût exclu solennellement. En tout cas, sa doctrine fut désapprouvée par Calliste qui la regarda comme l’expression du dithéisme. Ce mot lui-même pouvait être de l’invention d’Hippolyte ; mais l’idée qu’il exprime correspond assurément aux sentiments de Calliste : pour des croyants attachés aux formules anciennes, et plus précisément encore à la foi traditionnelle, la prédication d’Hippolyte semblait de nature à favoriser le dithéisme.

Toutefois Calliste ne se contenta pas de rejeter la théologie d’Hippolyte ; il condamna aussi la doctrine de Sabellius, et ceci est très important. Les Philosophoumena prétendent que la crainte fut le principal motif de l’attitude du pontife : leur auteur se vante assurément en parlant ainsi. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre son triomphe en donnant la formule suivante des opinions professées par Calliste : « Le Verbe est le Fils même ; il est le Père même ; au nom près, il n’y a qu’un même Esprit indivisible. Le Père n’est pas une chose et le Fils une autre : ils sont une seule et même chose, l’Esprit divin qui remplit tout, de haut en bas. L’Esprit fait chair dans la Vierge n’est pas autre que le Père, mais une seule et même chose. D’où cette parole de l’Écriture : Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père et le Père en moi ? L’élément visible, l’homme, voilà le Fils, et l’Esprit qui réside dans le Fils, voilà le Père. Je ne parlerai pas de deux, le Père et le Fils, mais d’un seul. Car le Père qui s’est reposé dans le Fils, ayant assumé la chair, l’a divinisée en se l’unissant et l’a faite une avec soi, en sorte que les noms de Père et de Fils s’appliquent à un seul et même Dieu. La personnalité de Dieu ne peut se dédoubler : conséquemment le Père a compati au Fils. » Philosoph., IX, xii, p. 248-249 ; traduction d’A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyie, p. 11.

On ne peut manquer d’être frappé, en lisant la formule attribuée à Calliste, des ressemblances qu’elle présente avec les déclarations que Tertullien prête à Praxéas. C’est bien la même doctrine modaliste, et l’on comprend que certains historiens, tels H. Hagemann, Die rômische Kirche, p. 234-257, aient identifié le mystérieux Praxéas à Calliste lui-même. Cette identification, reprise encore par Kroymann, Terlallian, Adversus Praxean, Tubingue, 1907, se heurte à trop de difficultés pour pouvoir être soutenue.

Aussi bien a-t-on le droit de se demander si Calliste a vraiment soutenu les opinions dont saint Hippolyte le rend responsable. « Il est bien remarquable, note ici J. Tixeront, La théologie anténicéenne, p. 359, que Tertullien, qui n’aimait pas Calliste et qui lui a reproché bien d’autres choses, ne l’en accuse pas. Le témoignage de l’auteur des Philosophoumena est isolé, et c’est celui d’un ennemi personnel. Il n’est corroboré par aucun vestige, qui soit resté dans la doctrine romaine du temps, d’un enseignement modaliste quelconque. Dans ces conditions, on ne saurait l’accepter comme l’expression de la simple et pure vérité. Jusqu’à nouvel ordre, et en se basant uniquement sur les faits, Calliste doit être considéré comme orthodoxe. »

Cette conclusion est absolument certaine. Elle le resterait si l’on admettait l’authenticité de la formule rapportée par Plippolyte, car cette formule serait, paraît-il, susceptible d’une interprétation correcte. A. Harnack y voyait naguère une formule de compromis. « Les concessions faites à la christologie des hypostascs, écrivait-Il, et l’éloignement du vieux monarchiantsme proviennent en fait de cette circonstance que Calliste gardait un fonds de pensée théodoticiine. Au reste l’enseignement de Calliste est si obscur qu’on respire vraiment en passant de lui à la christologie du Logos, et que l’on comprend sans peine que

cette christologie simple et cohérente ait remporté la victoire sur les phrases embarrassées de Calliste. Momentanément pourtant, c’est Calliste qui triompha à Rome. Sa formule apporta du moins la paix à l’ombre de laquelle put se développer la doctrine du Logos. » Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., t. i, p. 708-709. La réalité est tout autre. A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, p. 13-14, a pris la défense de la formule de Calliste. Quelques expressions, penset-il, ont besoin d’être expliquées, qui devaient paraître étranges à Hippolyte. Mais l’ensemble est clair et marque nettement la position de l’Église romaine, à égale distance entre le modalisme et le dithéisme. A trente-cinq ou quarante ans d’intervalle la profession de foi de Calliste annonce et prépare celle de Denys. Voir pourtant art. Hippolyte, t. vi, col. 2507.

Quoi qu’il en soit de cette exégèse, il est curieux de constater que le Constitutum Silvestri, Mansi, Concil., t. ii, col. 621, que nous avons déjà cité, condamne Calliste qui se ita docuit Sabellianum, ut arbilrio suo sumat unam personam esse Trinilatis, non enim cotequante Paire et Filio et Spiritu Sancto… et qui in sua exlollentia separabat Trinitatem. Il ne faut pas attacher autrement d’importance à ce document incontestablement apocryphe, qui traduit de façon confuse Je souvenir des troubles de la première moitié dume siècle.

A Calliste revient l’honneur d’avoir excommunié Sabellius qui était de son temps le véritable chef du modalisme romain, et d’avoir ainsi coupé court à l’extension de l’hérésie à Rome, et, peut-on dire, dans tout l’Occident. Avec la condamnation de Sabellius s’achève pour nous l’histoire du monarchianisme à Rome. Il semble qu’après avoir été agitée pendant une vingtaine d’années par les controverses trinitaires, l’Église romaine entre dans une période de calme. C’est en Orient, et spécialement dans la Pentapole, que nous avons maintenant à suivre les destinées de la doctrine sabellienne.

III. Le sabellianisme en Pentapole et la controverse des deux Denys. — Il est curieux que le modalisme, issu d’Asie Mineure, ne s’y soit pas propagé, ou du moins que nous ne sachions rien de sa propagation dans son pays d’origine.

L’Orient d’ailleurs ne semble pas s’être inquiété beaucoup des doctrines modalistes pendant toute la première moitié du iiie siècle. Origène connaissait ces doctrines : « Il y a des gens, dit-il, qui regardent le Père et le Fils comme n’étant pas numériquement distincts, mais comme étant un, où p.6vov oùaîa àXkà xal ùtcoxei(jlévw, et comme multiples seulement xaTa Tivaç èmvo’. aç, où xaO’ÙTrôaTamv », In Joan., x, 21 ; ii, 2, P. G., t. xiv, col. 376 et 108-109. C’est à cette théorie qu’il oppose ses propres formules et qu’il enseigne que le Fils est différent du Père.xa-r’oùaîav xai Ù7rox£Î[ZEvov. et qu’il y a en Dieu 8ùo inzocxâaeiç. ou encore Sùo Tfj Ù7roaxâaei ^pàyu-axa, De oral., 15, P. G., t. iii, col. 405 ; Contra Cels., VIII, 12, P. G., t. xi, col. 1533. .Mais il ne nous dit pas où il a rencontré des hérétiques qui pensent ainsi ; il est possible que ce soit à Rome même où il a séjourné vers 212 et écouté saint Hippolyte, qu’il ait découvert les systèmes modalistes.

Nous aimerions être mieux renseignés sur l’enseignement de Bérylle de Bostra en Arabie, qui. aux environs de 244, professait des opinions assez singulières sur la Trinité. Ensèbe, qui est le seul à nous

informer, « lit simplement que Bérylle osait dire que notre Sauveur et Seigneur ne préexistait pas avant >a venue parmi les hommes, selon la propre détermination de l’ousie, xoct’ÎSEav oùataç 7repiYpa<pï)v, et qu’il n’avait pas de divinité propre, mais seulement la divinité du l’ère habitant en lui. Eusèbe, II. E., VI, xxxui, 1, P. G., t. xx. col. 593 A. Il est difficile, d’après ces quelques lignes, de discerner si Bérylle