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MOLINISME, CONCLUSIONS


la Revue thomiste, 1928, où l’auteur soutient que la science moyenne compromet les preuves thomistes de l’existence de Dieu. Le P. d’Alès a réuni tous ses articles en un volume intitulé : Providence et libre arbitre, Paris, 1927 ; il y a ajouté sa réponse au P. Synave, p. 302-304. Les titres qu’on vient de lire indiquent assez l’objet des discussions.

6°. J. Stulfer, R. Schultes et R. Martin. — Une controverse analogue se déroula principalement en pays de langue allemande. Le signal en fut donné, en 1920, par une étude du P. J. Stufler, S. J., publiée dans la Zeitschrift fur katholische Théologie, d’Inspruck, et intitulée : Num S. Thomas prsedeterminationem phgsicam docuerit ? L’auteur y soutient que saint Thomas enseigne la motion divine au bien universel, mais n’admet pas la théorie de la prédétermination physique. Il a trouvé aussitôt des contradicteurs. Le P. Reg. Schultes, O. P., le D' A. Michelitzch et dom Grégoire van Holtum, O. S. B. lui ont donné la réplique, le premier dans la Theologische Revue de Munster, 1921, le second dans le Literarischer Anzeiger de Graz, 1921, le troisième dans le Divus Thomas de Fribourg, Suisse, 1922.

Le P. Stufler a défendu sa thèse dans un nouvel article de la Zeitschrift fur katholische Théologie, 1922 : Der hl. Thomas und die Prûdeterminationslehre ; puis dans un volume intitulé : Divi Thomæ Aquinatis doctrina de Deo opérante, in-8°, Inspruck, 1923. Il avait donné, dans l’intervalle, dans la Zeitschrift fur kath. Théologie, 1922 : Ist Johannes von Neapel ein Zeuge fur die pramotio physica ? et conclu que Jean de Naples n’a pas défendu non plus la prémotion physique. La réponse du P. Schultes a paru dans Divus Thomas, 1923 : Johannes von Neapel, Thomas von Aquin und P. Stufler liber die præmotio physica ; et la réplique du P. Stufler dans Zeitschrift fur katholische Théologie, 1923 : Zur Kontroverse ùber die præmotio physica. A une nouvelle réponse du Divus Thomas, 1 924 : Die Lehre des hl. Thomas ùber die Einwirkung Gotles auf die Geschôpfe, le P. Stufler réplique de même dans la Zeitschrift, 1925 : Das Wirken Gottes in den Geschôp/en narh dem hl. Thomas. Tout dernièrement encore, il fut pris à partie par B. Dôrholt : Der hl. Thomas und P. Stufler, dans Divus Thomas, 1928.

Mais le P. Stufler rencontra aussi des contradicteurs en France. Le P. d’Alès, S. J., ayant critiqué son ouvrage* dans un article des Ephemerides theologicæ Louanienses, 1925 : L’opération de Dieu dans la créature, il répondit dans la même revue, 1926, par une note intitulée : Qusestiones controversée circa doctrinam D. Thomæ de operatione Dei in creaturis.

Dès la fin de 1924, le P. R. Martin, O. P., avait commencé à publier dans la Revue thomiste un plaidoyer Pour saint Themas et les thomistes et contre le R. P. Stufler, S. J., qui parut en un fascicule à Saint-Maximin, en 1926. Il s’attira une réponse dans la Zeitschrift fur kath. Theol., 1926 : R. P. Martin, O. P. und seine Verleidigung des hl. Thomas und der Thomisten. La controverse se clôt par Un dernier mol pour saint Thomas et les thomistes et contre le R. P. Jean Stufler, S. J., publié par le P. Martin dans la Revue thomiste, 1928.

Ces discussions, selon le titre donné par le P. Stufler à son premier article, ont porté surtout sur la question historique : Saint Thomas a-t-il enseigné la prédétermination physique ? Le docte jésuite n’a cherché d’abord qu’a renforcer par sa réponse négative, la thèse traditionnelle de la Compagnie a laquelle il appartient. Il a été amené cependant à étudier sous son aspect positif la pensée de saint Thomas. Sur ce

point, il a émis des viii s qui lui sont propres et dont

le caractère assez fantaisiste a amené les interventions du 1'. d’Alès et de H. Doiholt.

Conclusions. — En somme, la question du molinisme considérée dans son ensemble comporte plusieurs problèmes bien distincts : la doctrine de Molina et des molinistes est-elle compatible avec la foi ? Estelle compatible avec l’enseignement de saint Thomas et les directions des papes ? Est-elle philosophiquement et théologiquement soutenable ? Ces questions se compliquent naturellement, dans la discussion, de questions subsidiaires assez intimement liées aux précédentes, concernant le thomisme qui s’est posé en adversaire du molinisme ; et les rivalités entre ordres religieux ne contribuent certes pas à donner aux discussions toute la sérénité nécessaire.

1° Que la doctrine de Molina et des molinistes soit compatible avec la foi, cela résulte du fait qu’ayant été dénoncée, combattue, étudiée, discutée pendant de longues années, comme aucune autre doctrine ne l’a jamais été, elle n’a pas été condamnée. Encore que bien des affirmations de Molina aient paru outrées aux molinistes eux-mêmes, et aient été abandonnées par eux, elles ont paru susceptibles d’interprétation orthodoxe ; et les papes ont à plusieurs reprises défendu de taxer le molinisme d’hérésie. Son enseignement demeure libre, dans l'Église, et il y a lieu de croire qu’il le demeurera car, comme l'écrivait Joseph de Maistre, De l'Église gallicane, t. i, t. I, c. ix : « Tout système publiquement enseigné dans l'Église catholique pendant trois siècles, sans avoir été condamné, ne peut être supposé condamnable. » r**

2° Malgré les efforts déployés de part et d’autre pour pénétrer la pensée de saint Thomas, il ne semble évidemment démontré, ni qu’il a été adversaire de la prédétermination physique, ni qu’il en a été partisan. Le molinisme demeure donc compatible, jusqu'à plus ample informé, avec l’enseignement du « docteur commun » de l'Église, qui est en même temps le « docteur propre » de la Compagnie de Jésus. C’est ce qui ressort, disons officiellement, des décisions des papes qui tous, depuis Paul V jusqu'à Pie XI, ont reconnu qu’on peut être « fidèle disciple de saint Thomas », tout en suivant « chacun le sentiment qui lui paraît le plus vraisemblable, dans les matières où les avis ne sont pas unanimes parmi les auteurs du meilleur renom dans les écoles catholiques ». Pie XI, encyclique Studiorum ducem, 29 juin 1923.

3° Au point de vue philosophico-théologique, le molinisme s’est révélé soutenable, et il est toujours soutenu par de bons esprits. Il ne renferme pas l’absurdité radicale dont on lui fait parfois grief, et qui consisterait à introduire une passivité dans l’Acte pur, en rendant Dieu dépendant de la créature. Tout au plus pourrait-on lui objecter un anthropomorphisme inconscient, qui modèle les pensées, les vouloirs, les activités de Dieu sur le patron un peu court de notre humanité.

D’ailleurs, il ne lève pas non plus toute difficulté et ne se révèle pas vrai. Le mystère demeure, en Dieu et dans l'œuvre de Dieu. Les problèmes relatifs à l’accord de la grâce et de la liberté prennent des aspects divers, selon qu’on les envisage du côté de Dieu ou du côté de la créature. Le premier point de vue plaît davantage aux métaphysiciens ; le second a facilement la faveur des psychologues. Mais quelle que soit la solution que ces points de vue permettent d’entrevoir, elle est et restera toujours déficiente par quelque côté. La solution moliniste a, pour des raisons diverses, les préférences de plusieurs. N’eûtelle d’autre effet que de maintenir ses adversaires dans un relativisme souverainement s : i<^e en pareille matière, elle ne serait pas entièrement inutile.

Btbliographte. — I. Doctrine. — 1° Sources, — Molinn, Concordla llbert arbitra cum grattée don ts, dtvina prsesctentta, prautdentla, prtedestinatione et reprobatlone ad nonnullos