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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE CELTIQUE


emprunts, à la tradition romaine, de sorte que les deux usages gallican et romain sont mélangés, comme ce devait être souvent le cas en Gaule au vin » siècle, qui est l'époque où il a été composé. Le nom de Bobbio qui lui est donné vient du monastère où Mabillon le trouva. Il est aujourd’hui à la Bibliothèque nationale, n. 13 246.

Les éditions et les nombreux travaux auxquels il a donné lieu sont cités dans l’article Bobbio (Missel de) par dom Wilmart, du Diction, d’archéol., t. n a, col. 939962. Depuis ce temps, la Henry Bradshaiv Society a édité avec le soin et le luxe qu’elle met dans toutes ses publications le fac-similé du manuscrit, The Bobbio missal, a gallican mass-book, Londres, 1917 ; le texte (même titre) édité par E. A. Lowe, in-8°, Londres, 1920 ; et enfin un vol. (même titre) Notes and siudies, par dom A. Wilmart, E. A. Lowe et H. A. Wilson, in-8°, Londres, 1924.

C’est cette édition qu’il faut consulter, non seulement parce que le texte, après toutes les études paléographiques auxquelles il a donné lieu, y est plus correct, mais encore parce que les dernières vues de la critique sur ce texte si extraordinaire y sont exposées avec impartialité. On en revient pour la question d’origine à concéder qu’il a dû être écrit à Bobbio ou du moins dans une province voisine, que sa date est le viie siècle, même le commencement de ce siècle et que le compilateur doit être un Irlandais. Ceci expliquerait bien les particularités dont il nous faut donner ici le caractère, car il éclaire en même temps et explique non seulement la nature du missel de Bobbio, mais encore celle de tous les autres documents de la liturgie celtique. Comme le dit Ed. Bishop qui connaissait la question mieux qu’homme au monde : « On peut être sûr quand on a affaire à un document liturgique irlandais du vn* ou du viiie siècle, qu’on est en présence de problèmes très compliqués. Éclectiques par nature en fait de liturgie (les Irlandais de ce temps) n’ont de respect pour rien et dénaturent tout ce qu’ils touchent. Extrait d’une lettre particulière citée par dom Wilmart, The Bobbio missal, notes and siudies, p. 57. Le jugement paraîtra peut-être sévère, et Bishop en eût sans doute mitigé l’expression s’il eût écrit en sa propre langue ; il était bon cependant de le citer pour expliquer certaines excentricités que nous allons rencontrer dans la composition de la messe. Ajoutons qu’ailleurs Bishop a parlé avec admiration de la piété des Irlandais et de leur zèle pour la liturgie. Book of Cerne.

Le traitement appliqué dans les lectures du texte de la sainte Écriture qui est arrangé et centonisé, est aussi un indice de cette tendance signalée chez les Celtes.

On ne saurait donc le mettre de côté pour l'étude de la messe celtique avec Mgr Duchesne qui n’y voit qu’un essai maladroit de combinaison des deux usages gallican et romain. Même si l’on refuse d’admettre son origine celtique contre l’avis des plus savants liturgistes, il faut bien y reconnaître de nombreux éléments celtiques. Les relations entre le missel de Bobbio et celui de Stowe sont aussi un point désormais acquis. Enfin les analogies entre ce manuscrit et la liturgie mozarabe soulèvent un autre problème, mais ce n’est pas le lieu d'étudier ici ces questions qui sont plutôt du domaine de l’histoire.

La messe celtique.

Gildas reproche aux prêtres

bretons de ne pas dire la messe chaque jour. Il semble qu’au temps de saint Colomba, à Iona, la messe ne se célébrait que le dimanche et les jours de fête et quand on apprenait le décès d’un ami. En Bretagne armoricaine, au contraire, on a des exemples que la messe se célébrait quotidiennement. La messe se dit dès l’aurore ; on ne cite qu’un cas où elle se célébrait l’après-midi.

L’ordinaire de la messe est exposé par Henry Jenner dans l’article que nous citons plus loin.

Il y a une préparation à la messe qui comprend dans le missel de Stowe une confession des péchés, une longue litanie des saints (coupée en deux dans l'édition de Warren par suite d’une erreur de brochage dans le manuscrit) et une apologia sacerdolis. Ce dernier trait n’est pas spécial aux liturgies celtiques. On pourrait faire une collection de ces prières dans les manuscrits du Moyen Age. Voir notre article

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Apologies liturgiques du Diction, d’archéol. Notre missel romain en a conservé quelques-unes dans les orationes ante missam pour chaque jour de la semaine.

La préparation des oblats avait lieu, semble-t-il, comme dans le rit gallican, avant l’entrée du célébrant. Elle comportait certaines prières. En versant l’eau dans le calice : Pelo te Pater ; deprecor te, Fili ; obsecro le, Spiritus Sancte ; en versant le vin : Remilteat Pater, indulgeat Filius, misereatur Spiritus Sanctus. Le Leabhar Breac note que l’on devait verser une goutte, pour l’eau, comme pour le viii, en prononçant le nom de chacune des personnes de la Trinité. Nous avons voulu donner cet exemple dès le début pour montrer tout ce que cette piété a de méticuleux, de compliqué, parfois même, devrait-on dire, de superstitieux, comme dans certaines énumérations des péchés, ou dans certains rites de fraction.

Le cadre de l’avant-messe est à peu près le cadre romain, une oraison, le Gloria in excelsis, une ou plusieurs collectes, multipliées, parfois au point de soulever des protestations parmi les fidèles, l'épître tirée de saint Paul, un chant graduel, un chant d’alleluia. Une litanie célèbre, la Deprecatio sancti Martini : Dicamus omnes trouve place ici. C’est un emprunt aux liturgies d’Orient, qui ont des prières de même type ; celle-ci n’est même qu’une traduction d’un texte grec. Elle a été adoptée du reste par d’autres liturgies latines ; on trouvera dans Duchesne, Origines, édit. de 1908, p. 202, le texte fort intéressant, mais qui n’a du reste rien de particulièrement celtique. Suivent deux oraisons, puis l’on commençait par découvrir en partie le calice et les oblats, en enlevant probablement un premier voile, le dévoilement complet ne devant avoir lieu qu'à l’offertoire. On chantait trois fois la formule : Dirigatur Domine, puis on élevait l’un des voiles du calice et l’on répétait trois fois aussi la prière : Veni, Domine, sancti ftcator omnipotens, et benedic hoc sacriftcium preeparatum tibi. Amen. (Pour tout ceci dom Gougaud, op. cit., col. 3008, 3009.) L'évangile suivait. Un des fragments découverts par Bannister donne pour l'évangile de la circoncision un évangile apocryphe de Jacques fils d’Alphée. Journal of theological Studies, 1907-8, t. ix, p. 414-421. Le Credo porte le Filioque ajouté au texte primitif ; après l'évangile un chant qui répond peut-être aux laudes des liturgies mozarabe et gallicane. Nous avons dit quel traitement le missel de Bobbio fait subir à l'Écriture sainte. Nous sommes loin de la rigueur romaine.

L’offertoire comprend le dévoilement complet du calice, une élévation du calice ou du calice et de la patène, avec différentes formules données dans le missel de Stowe, qui n’ont rien de caractéristique.

Ici a lieu le Mémento des morts, avec la lecture des diptyques. C’est l’usage mozarabe et gallican :

Has oblationes et sincera libamina immolamus tibi, domine ihesu christe, qui passus es pro nobis et resurrexisti tertia die a mortuis pro animamus (sic) carorum nostrorum N. et cararum nostrarum quorum nomina recitamus et quorumcumque non recitamus sed a te recitantur in libro vitse.

La préface débute par le Sursum corda. Le texte donné par le Missel de Stowe fait un emprunt au trisagion, et un autre à la préface de la Trinité. Le thème du reste est une confession de la Trinité :

Pater omnipotens… qui cum unigenito tuo et Spiritu Sancto Deus es unus et immortalis, Deus incorruptibilis et inmortabilis, Deus invisibilis et fidelis… te credimus, te benedicimus, te adoramus, et laudamus nomen tuum in œternum et in sæculum seculi, per quem salus mundi, per quem vita hominum, per quemresurrectiomortuorum, per quem mæstatem tuam laudant angeli, etc.

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