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MOLINISME, CONGREGATIONS DE AUXJLIIS, PAUL V


ou 1' « équivoque » de ces propositions, qu’il trouvait toutes i trop captieuses. (Texte et réponse dans Serry, col. 479-484.) En réalité, les dominicains n’acceptaient guère l’idée d’une solution qui n’inclurait pas la condamnation de Molina : on le vit bien quand, au mois d’août, Lemos apporta à Paul V une série de trente propositions à condamner.

.Mais le pape ne voulut pas mettre fin aux débats sans avoir donné aux jésuites une satisfaction qu’ils réclamaient dépuis longtemps : il voulut faire discuter le mode d’efficacité de la grâce, et la prédétermination physique dénoncée par eux comme calviniste et luthérienne. Ainsi, sans cesser d'être accusés, les défenseurs de Molina prendront figure d’accusateurs.

Paul V ordonna donc de reprendre les congrégations le 14 septembre et, sur la demande des dominicains qui redoutaient l’influence de Bellarmin et de du Perron, il décida qu’elles se tiendraient en sa présence. Elles comprirent 14 cardinaux, 10 censeurs, dont 5 évêques, et 4 avocats : Lemos et Alvarez pour les dominicains, Bastida et Pères pour les jésuites. Neuf séances, du 12 octobre 1605 au 22 février 160(i, furent consacrées à discuter la question posée dans les termes suivants : An Deus sua efficaci gralia moveat hominis voluntatem ad actus liberos bonos, non solum interius suadendo, invitando, excilando, aut aliter moraliter attrahendo ; sed etiam vere et active proprie, salva tamen luimana libertate ? Et an talis efpcax gratia, connenienler ab aliquibus scholasticis physica prœdeterminatio dicatur ?

2. Le débat sur la prédétermination physique.

Le P. Bastida commença par donner ces définitions : le secours efficace est une grâce donnée par Dieu, non seulement pour que la volonté puisse agir, mais pour qu’elle agisse ; la prédétermination physique est un secours d’une nature telle, qu’il implique contradiction que la volonté le reçoive et que son consentement ne suive pas aussitôt ; la prédétermination morale est une motion par laquelle Dieu porte l’homme à produire librement un effet. Il s’efforça ensuite de démontrer que la prédétermination physique ainsi entendue est contraire à l'Écriture, à l’enseignement des conciles et à celui des Pères, en particulier de saint Augustin et de saint Thomas ; qu’elle détruit la liberté, rend illusoire la grâce suffisante, fait de Dieu la cause première du mal ; en un mot, qu’elle est voisine du déterminisme de Calvin. (Voir la série de ses discours dans L. de Meyer, p. 567-577, 580-594, 602-609, 615-622, 626-664, 669-671, 677-685, 69$1-$298.) Thomas de Lemos prit, sur chacun de ces points, le contre-pied de son adversaire.

Dès leur premier vote, les censeurs se prononcèrent pour la prédétermination physique telle qu’elle avait été définie dans la question posée, et en dépit des efforts de Bastida, quatre fois ils maintinrent leur décision. (Texte dans Serry, col. 522, 534, 538, 514, 550.) Mais, toujours le canne Antoine Bovius refusa de se rallier à l’avis de la majorité, persuadé qu’il était en face d’opinions plus ou moins probables, et qu’il n’y avait lieu, en ces matières, ni à définitions, ni à censures.

3. Les consultation* de Paul V. — Le dernier vote, avait eu lieu le 1° mars. Le pape, avant de conclure, voulut avoir l’avis motivé de chaque consulteur en particulier. Il leur posa quatre questions, auxquelles ils devaient répondre sans se concerter au préalable : l. Quelles propositions paraissent devoir être défi nies'.' 2. Lesquelles doivent être condamnées ? 3. En quoi ces dernières diffèrent-elles de la doctrine catholique ? 4. Dans la bulle de définition, faut-il faire mention <i<s livres dans lesquels se trouvent ces propositions et des ordres religieux qui les ont discutées

(Schneemann, Controv., p."280, n. 1). A l’exception de Bovins et de l'évêque d’Armagh, tous, y compris cette fois Plumbinus, furent d’avis qu’il fallait condamner les 42 « propositions de Molina ». Encore l'évêque d’Armagh admit-il la condamnation de 30 d’entre elles.

Les cardinaux, consultés le 8 mars, furent d’avis que le bien de l'Église demandait un jugement définitif de la part du Saint-Siège, écrit Serry, col. 551 ; seuls du Perron et Bellarmin firent exception. Il ne faut pas conclure de là que tous étaient partisans d’une condamnation. Une lettre adressée à Paul V par Pinelli, doyen du Sacré-Collège, témoigne de bien des hésitations et propose une manière plus douce de mettre fin à la controverse. Il rappelle que, sous Clément VIII, on a contesté que beaucoup des 42 propositions fussent de Molina, et que les censeurs ne se sont pas mis d’accord pour les juger et les qualifier ; il met en doute la compétence théologique de plusieurs de ces derniers ; bref, il est d’avis qu’en cette affaire si délicate, il fautVraindre les conséquences d’une décision maladroite.

Il propose à Paul V de consulter par lettre, en secret, les meilleurs théologiens de France, d’Espagne, d’Allemagne et de toutes les universités, sur ce qu’il y aurait de mieux à faire dans l’intérêt de l'Église ; puis de décider le plus vite possible, selon les lumières du Saint-Esprit. Il lui conseille de renvoyer, en attendant, tous les consulteurs ; défaire défense au dominicains, aux jésuites et aux autres religieux de traiter, de quelque manière que ce soit, des questions controversées ; d’interdire les œuvres de Molina, donec expurgentur, comme l’avaient souhaité déjà, sous Clément VIII, presque tous les cardinaux consulteurs. (Texte dans Schneemann, p. 284-286, en note.)

Pressenti sur ce dernier point, Aquaviva, général des jésuites, rejeta vivement cette mesure que les adversaires de la société ne manqueraient pas d’exploiter, en la présentant comme une condamnation de sa doctrine de la grâce. Il répéta, une fois de plus, qu’il se faisait fort de démontrer que la plupart des propositions dénoncées n’avaient pas été enseignées par Molina et que d’autres l’avaient été par beaucoup rie théologiens.

Du Perron fut mis à contribution, au mois de mai, par Paul V qui lui ouvrit, dans le plus grand secret, les archives du château Saint-Ange pour qu’il y étudiât, dans les actes du concile de Trente, les discussions sur la grâce. (Lettre de du Perron à Henri IV, Il juin 1606, dans L. de Meyer, p. 702.)

On sait que le pape consulta aussi l'évêque de Genève, saint François de Sales, grand convertisseur de calvinistes ; et que le saint lui conseilla de laisser pleine liberté aux deux opinions. Ce jugement, dont Pie IX lui fait gloire dans le bref qui le proclame docteur de l'Église (16 nov. 1877), emporta la décision auprès de Paul N'.

4. La décision pontificale. - - En la fête de saint Augustin, le 28 août 1607, le pape convoqua les cardinaux consulteurs au Quirinal, pour porter sur la controverse un jugement définitif. Nous avens, sur cette séance fameuse, les renseignements les plus sûrs, dans une note autographe de Paul V découverte par le P. Schneemann à la bibliothèque Borghèse. (Facsimilé dans Schneemann, Controv., après la p. 491 ; texte italien ibid., p. 287-291. F. Cavallera, Thésaurus doctrines catholiew, Paris. 1920. n. 920 et note, en reproduit l’essentiel.)

Des 8 cardinaux présents, un seul, le dominicain BerneriUS, d’AsCOli, déclara qu’il fallait condamner les 42 propositions de Molina. Deux autres, de Givry et Blanche ttus, penchaient pour t l’opinion des dominicains qui « accorde un plus grand pouvoir à Dieu «