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    1. MOLINISME##


MOLINISME. MODIFICATIONS ET PRÉCISIONS

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souvent qu’il réchauffe d’objets. On lui a répondu que l’influx divin est une action unique, quoique virtuellement multiple. Réponse illusoire, car elle n’explique rien. De deux choses l’une : ou la prétendue motion du feu et la caléfaction sont une même action, ou ce sont des actions différentes ; dans le premier cas. comment peut-il se faire que la motion soit dans le feu et la caléfaction dans l’eau, et que la caléfaction soit multipliée d’après les objets dans lesquels elle est revue, tandis que la motion ne l’est pas ? Dans le second cas, ces actions diverses auront des termes divers et seront distinctes, non seulement par le nombre, mais par l’espèce.

Molina avait soutenu que, si le concours général de Dieu avec les causes secondes était un influx sur elles pour les mouvoir, les appliquer à l’action, les renforcer, cet influx serait quelque chose de créé, une cause seconde qui aurait besoin, elle aussi, du concours général de Dieu pour agir ; et ainsi de suite, à l’infini. On a répondu que l’influx divin n’est pas plus une cause seconde que l’action par laquelle agit l’agent, et qu’il n’exige pas plus un autre concours de Dieu que le secours surnaturel efficace qui, selon Molina, meut notre volonté quand il s’agit d’actes surnaturels. « Erreur, réplique Molina : la grâce prévenante jointe à la volonté, est une cause seconde, et quoique surnaturelle, elle a besoin du concours général de Dieu pour agir ; mais comme ce concours est influx sur l’effet, il n’en exige plus d’autre ».

L’adversaire de Molina n’admet pas, enfin, que Dieu et les causes secondes soient causes partielles ; il appelle chacune cause totale, et il considère comme telles aussi, l’intellect et l’espèce intelligible dans l’intellection, l’intellect et la lumière de gloire dans la vision béatilique, la grâce prévenante et la volonté libre dans les actes de foi, etc. Mais n’y a-t-il pas lieu de distinguer deux sortes de causes qui concourent au même effet ? Il y en a qui agissent sur l’effet par le même influx : ainsi, dans la caléfaction, le feu, sa forme substantielle, et la chaleur qui réside en lui : dans l’intellection, l’homme, l'âme et l’intelligence ; dans la peinture, l’artiste et son pinceau ; dans toutes les œuvres de l’artisan, l’homme et son instrument, quand il n’y a pas dans celui-ci un pouvoir spécial d’agir, mais seulement une aptitude à servir. Il y en a qui agissent sur l’effet chacune par un influx qui lui est propre : ainsi Dieu et la cause seconde, l’intelligence et l’espèce intelligible, l’intelligence et la lumière de gloire, la volonté libre et la grâce prévenante ; chacune de ces causes est totale dans son ordre, mais chacune est partielle, si' 'on considère la cause intégrale de l’effet. « dette façon de parler déplaît à certains parce qu’elle détruit les arguments sur lesquels ils s’appuient pour imaginer des prédéterminations (prsedefinitiones) aux actes surnaturels ou naturels, qui suppriment la liberté, et parce qu’elle met en merveilleuse lumière, dans beaucoup de questions très difficiles, la vérité qu’ils rejettent » (p. 158-108).

2. Mode d’action de la grâce prévenante. - « La grâce prévenante, avait dit Molina, est comme un instrument surnaturel agissant avec la volonté sur l’acte. Entendons-nous, poursuit-il, afin d'écarter une fausse interprétation : ce n’est pas un instrument qui aurait besoin d’une nouvelle motion de la part de Dieu pour coopérer avec la volonté et produire un effet surnaturel, à peu près comme les sacrements qui, selon une théorie très répandue, agissent à la Façon des causes naturelles ; ce n’esl pas une substance, mais un accident ; elle ne peut donc être cause principale, elle ne peut agir / ; / quod mais seulement ut quo ; voilà pour quoi on l’appelle instrument, mais c’est un instrument fin genre de ceux qui sont la vertu même de leur cause principale, comme la puissance communiquée à la

semence est la vertu par laquelle l’animal engendre, et la chaleur la vertu par laquelle le feu se communique » (p. 209).

3. Distinction intrinsèque des aetes naturels et des aeles surncdurels concernant un même objet. —- Un savant a écrit à Molina pour lui poser amicalement quelques questions. Il admet que des actes relatifs au même objet peuvent être naturels ou surnaturels, selon qu’ils sont faits ou non avec le secours de la grâce, et il en conclut avec raison qu’il doit y avoir, dans ces actes, quelque chose d’intrinsèque et d’essentiel qui les distingue spécifiquement. Ce quelque chose ne peut être, l’influx surnaturel de Dieu, puisque cet influx est in génère actionis, tandis que cette réalité intrinsèque est in génère qualilatis. La foi surnaturelle se distingue spécifiquement par la sununa certiludo illius conjunctu cum obscuritate, car l’union de la parfaite certitude avec l’obscurité ne saurait être naturelle, mais qu’en est-il de la charité '.' Enfin, si Dieu pouvait créer un être à qui la vision de l’essence divine fût naturelle, cet être ferait naturellement ce que les bienheureux font surnaturellement. » Non, répond Molina : ce qui caractérise l’acte de foi surnaturelle ne saurait être la certitude, qui est d’ordre négatif et subjectif ; c’est le fait qu’il est posé avec le concours de Dieu qui l'élève à l'état surnaturel. Gela est vrai d’ailleurs de tout acte surnaturel, qu’il soit de foi, d’espérance, de charité, etc. L’influx divin ne produit pas dans ces actes quelque chose de réellement et formellement distinct, qui en soit comme une partie, même métaphysique ; il n’y a pas en eux quelque chose de naturel et quelque chose de surnaturel : ils sont tout entiers surnaturels ; mais ils doivent à notre volonté d'être libres, et à Dieu d’rtre surnaturels. On voit donc que la différence essentielle entre le naturel et le surnaturel n’existe pas seulement dans les termes des actes, qui relèvent du genre qualité, mais encore dans les actes mêmes, qui sont du genre de l’action. » — Quant aux vertus (habitus), si elles sont naturelles, leur action n’entraîne pas ce changement dans l’acte ; mais, si elles sont surnaturelles, elles nous font produire des actes de nature et d’espèce supérieure à ceux que nous ferions naturellement : voilà pourquoi celui qui a la vertu infuse de charité, que Molina ne distingue d’ailleurs pas de la grâce (sanctifiante), aime Dieu autrement » que celui qui n’a que la vertu naturelle de charité. — Enfin, Molina ne nie pas qu’un acte d’une espèce donnée puisse être naturel ou surnaturel selon le sujet considéré ; il va même jusqu'à dire que faire un acte d’amour de Dieu en rapport avec notre fin surnaturelle est surnaturel pour notre volonté considérée en elle-même, nfais naturel pour notre volonté agissant sous l’influence de la vertu théologale de charité. Il ajoute cependant que. « si une même faculté pose à propos du même objet deux actes dont l’un soit naturel et l’autre surnaturel, ces deux actes sont spécifiquement distincts, non en raison de la manière dont ils sont produits, mais parce que le second est d’une nature et d’une essence supérieure ; et que l'éniinence de l’acte supérieur provient effleienter et radicaliter de l’influx de la cause supérieure qui aide la faculté à produire cet acte, surnaturel pour elle » (p. 21 1-222).

3° La prescience divine. 1. Racine (te la contin gence. Molina avail admis, comme source de contingence, un « vestige de liberté » que vraisemblablement les animaux possèdent dans certains de leurs mouvements, « On objectera peut-être, dit-il ici, que ce vestlge de liberté supposerait des connaissances que l’ani mal n’a pas : faculté de discerner, de comparer, de conclure, etc. Mais je ne place pas, avec Durand, la liberté dans l’intelligence plutôt que dans l’appélil ;