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MOUNISME, LA REPROBATION


Ruard Tapper (t. i, art. >. De salis faciione, fol. 242) et Capreolus (/n //7° iii, dist. XVIII, q. i, ad lum)d’après lesquels le Christ aurait été cause méritoire de la

première grâce et des dons consécutifs, niais non de la foi et des dispositions qui la précèdent. Celles-ci seraient, d’après eux, des effets de la prédestination éternelle émanant du seul vouloir libre de Dieu, et la première grâce ne serait conférée qu'à ceux qui seraient ainsi prépares à recevoir l’application des mérites du Christ.

5. En définitive, il faut affirmer simplement que le Christ est cause de notre prédestination, parce qu’il est cause de ses mérites, de ses miracles et de tout ce qui en découle pour nous en vue de la vie éternelle, et qu’en lui se trouvent la fin et le modèle de notre salut. On sous-entend évidemment qu’il n’est pas cause de lui-même.

Sans doute, saint Paul déclare que nous avons été prédestinés selon la volonté de Dieu (Ephes., i), et que la prédestination a été gratuite (Rom., in) ; mais cela n’empêche pas que Dieu nous ait prédestinés dans le Christ, par le Christ, en décidant de nous conférer gratuitement le fruit des mérites du Christ ; les dons surnaturels qui conduisent à la vie éternelle. (Q. xxiii, a. 4 et 5, disp. II, p. 551-557.)

/II. CAUSE /'/ : la RÊPRO RATION. — La réprobation a-t-elle une cause dans le réprouvé ? — Délicate question à laquelle saint Paul (Rom., ix) semble répondre nettement par la négative : Dieu a aimé et prédestiné Jacob, il a haï et réprouvé Esaii avant même qu’ils fussent nés, non d’après leurs œuvres, mais par son simple choix ; il fait miséricorde à qui il veut et endurcit qui il veut, comme le prouve l’exemple de Pharaon ; de la même masse de perdition, il tire, comme le potier de l’argile, des vases d’honneur ou des vases d’ignominie, pour faire connaître sa puissance ou sa miséricorde.

II semble donc que la réprobation dépende du seul bon vouloir divin, sans que la prévision des péchés y soit pour rien.

Principes de solution.

Cela ne paraît pas si

simple à Molina. Qu’est-ce en effet que la réprobation ? Si on la considère du point de vue humain, on peut y distinguer un triple acte de volonté divine : la volonté de permettre les péchés qui entraîneront la damnation ; la volonté d’endurcir le pécheur, c’est-àdire de ne pas lui accorder les secours à l’aide desquels il se relèverait ; la volonté de l’exclure du ciel et de l’envoyer en enfer à cause des péchés dans lesquels il mourra. Or, ces trois actes qui produisent en quelque sorte, dans le temps, une permission, un endurcissement et finalement la damnation, ont ceci de commun que tous trois supposent la prévision des péchés auxquels ils se rapportent.

La volonté de permettre les péchés suppose une prévision non simpliciter mais ex hypothesi, une prévision que l’adulte les commettra dans l’hypothèse OÙ Dieu ne l’en empêchera pas par des secours plus efficaces. Elle n’est d’ailleurs pas autre chose que la volonté de ne pas les empêcher, alors que Dieu prévoit que, s’il ne le fait pas, l’homme les commettra librement.

La volonté d’endurcir le pécheur suppose la prévision que le pécheur commettra en réalité les péchés que Dieu permet, et que, dans l’hypothèse où Dieu lui donnera ensuite certains secours à l’aide desquels il pourrait se relever et non certains autres dont il n’a pas besoin, il ne se relèvera pas. par sa faute. Elle n’est d’ailleurs pas autre chose que la volonté de ne p : is lui donnerd’autres secours, plus grands ou différents, a l’aide desquels Dieu prévoit qu’il se relèverait. Il arrive qne Dieu aille plus loin et a abandonne », comme on dit, le pécheur ; il le tait quand,

par punition, il diminue ses secours et permet de plus graves tentations ou occasions de péché, ce qui rend la conversion plus difficile. Mais en aucun cas cet « abandon > ne va jusqu'à ne pas laisser au pécheur la possibilité de la conversion.

La volonté d’exclure le pécheur du royaume céleste comme indigne et de l’envoyer au l’eu éternel suppose la prévision des péchés que commettra le réprouvé et de sa persévérance coupable jusqu'à la mort.

Ainsi, ces trois actes de volonté divine supposent comme racine la prévision des péchés qui seront librement commis par l’adulte.

Ils diffèrent cependant entre eux et dans leurs effets, en ce que la volonté de permettre le péché et cette permision elle-même peuvent émaner de la seule liberté divine, sans avoir un caractère pénal, tandis que la volonté d’endurcir le pécheur peut être une punition, et que la volonté de l’exclure du ciel et de l’envoyer en enfer est toujours un châtiment.

Os remarques permettent de répondre à la question posée.

2° Conclusions. 1. La réprobation a, dans le

réprouvé, une cause méritoire : l'état de péché dans lequel Dieu prévoit qu’il mourra. Il est vrai que la réprobation exige comme condition sine qua non la volonté divine de permettre le péché et d’endurcir le pécheur jusqu'à la mort ; mais on a vu qu’elle ne consiste pas dans ces deux actes : elle est seulement la volonté d’exclure tel pécheur de la vie éternelle, comme indigne, ou de l’envoyer au supplice éternel, si Dieu prévoit qu’il mourra dans le péché.

2. Si, comme le dit saint Thomas, la réprobation incluait la volonté de permettre le péché qui entraînera la damnation, et d’endurcir le pécheur jusqu'à la fin de sa vie, l’effet intégral de la réprobation n’aurait pas de cause dans le réprouvé. Il aurait cependant en lui une condition, car si le réprouvé ne mourait pas dans le péché, il n’aurait pas été au préalable réprouvé par Dieu.

3. Puisque la volonté divine, soit de permettre le péché d’Adam et les autres fautes des réprouvés, soit d’endurcir l’adulte jusqu'à la mort, dépend de la prescience que Dieu tient de sa science moyenne, il en résulte que cette permission, cet endurcissement et tous les effets de la réprobation divine n’ont d’autre certitude que celle de cette prescience, et que la difficulté de concilier la liberté humaine avec la réprobation éternelle de Dieu, ne diffère pas de celle de concilier la liberté avec la prescience ou avec la prédestination.

On comprend facilement, dès lors, étant donné la prescience, que le décret divin concernant l’ordre de choses et de secours qui se dérouleraient jusqu'à la lin des temps ail eu, par exemple par rapport à Judas, raison de providence, en tant qu’il fut une volonté de créer Judas pour la béatitude et de lui donner les moyens d’y arriver ; raison de permission du péché, en tant qu’il fut une volonté de ne pas lui donner d’autres secours que ceux malgré lequels il se perdrait ; raison d’endurcissement, en tant qu’il fut une volonté de le punir de sa trahison par une suppression de secours qu’il aurait obtenus sans cela et une permission des tentations plus graves, à la suite desquelles il ne se relèverait pas ; raison de réprobation enfin, en tant qu’il fut une Juste décision de l’exclure du royaume céleste et de le punir par des peines éternelles, à cause des péchés dans lesquels Dieu prévoyait qu’il mourrait. (Q. xxiii. a. I et ">. disp. IV. p. 561573.)

V. Compléments donnés par Mouna dans l' « Appendix » Concordiam ». - A peine la Concordia avait-elle paru, qu’elle fui attaquée par des adver-