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MOLINISME, LA VOLONTE DIVINE


C’est ainsi que la science et la volonté immuables et éternelles de Dieu atteignent indifféremment tout ce qui se réalise librement dans le temps, à quelque moment que ce soit.

Solutions de désespoir, pense Molina, et qui répugnent à la perfection de la science divine, car elles lui enlèvent toute certitude en la faisant dépendre du cours incertain des événements. Il est vrai que le libre choix de la créature ne dépend pas de la prescience divine : il est vrai aussi que Dieu a prévu de toute éternité ce choix ; mais, s’il l’a prévu, ce n’est pas en raison de ce choix lui-même, tel qu’il se réalise dans le temps. La connaissance que Dieu a des futurs contingents est dès maintenant certaine et immuable, comme le dit saint Thomas. I a, q. xiv, a. 13, ad lum : elle ne provient donc pas de l’objet, qui reste contingent jusqu'à sa réalisation, mais de ce que son intelligence parfaite, connaissant à fond les causes secondes sait à quoi elles se décideront librement. (Q. xiv, a. 13, disp. LI, p. 30-1-31.').)

Conclusions. — 1. La triple science de Dieu. — Il y a donc, en Dieu, une science par laquelle il voit, dans son essence ce que feraient librement les causes secondes dans toutes les circonstances où elles pourraient être placées. Cette science n’est pas purement libre, comme celle qui suit la libre détermination de sa volonté ; elle n’est pas non plus purement naturelle, comme celle qui est coextensive à sa puissance ; il faut l’appeler mixte ou moyenne. Elle se rapproche en effet de la science naturelle, en ce qu’elle prévient l’acte libre de la volonté divine, et de la science libre, en ce qu’elle se rapporte à ce que ferait la volonté libre, si Dieu créait tel ou tel ordre de choses.

Cette affirmation, postulée par l’existence de la liberté, qui est de foi aussi bien que la prescience et la prédestination, peut paraître troublante, au premier abord. On l’admettra néanmoins, estime Molina, si on se rappelle le parfait accord et la cohésion des vérités suivantes : rien n’est au pouvoir des créatures, qui ne soit aussi au pouvoir de Dieu : Dieu, par sa toute-puissance, peut incliner le libre arbitre où il veut, sauf au péché ; tout ce que Dieu fera par l’intermédiaire d’une cause seconde, il peut le faire par lui seul, à moins qu’il ne soit impliqué dans l’effet qu’il émane d’une cause seconde ; Dieu peut permettre le péché, non le commander, y exciter OU y incliner ; qu’un être libre s’oriente de tel côté ou de tel autre, s’il est placé dans un certain ordre de choses et de circonstances, cela ne provient pas de ce que Dieu le prévoit, ni de ce qu’il le veut, mais de ce que cet être le veut lui-même librement.

Il suit manifestement de tout cela que la science par laquelle Dieu, avant de décider la création de cet être, prévoit ce qu’il ferait dans l’hypothèse où il serait placé dans tel ordre de choses, dépend de ce que ferait librement cet être ; tandis que la science par laquelle Dieu sait absolument ce que la créature libre fera en réalité, est toujours libre en Dieu et dépend de la détermination volontaire, par laquelle il a librement décidé de créer tel être libre dans tel ordre de choses.

2. Comment Dieu est cause des choses.

a) Par sa seule science purement naturelle, à laquelle vient se joindre son acte de volonté libre. Dieu est cause de tout ce qui dérive de lui immédiatement ou par l’intermédiaire des causes secondes nécessaires, agissant indépendamment de toute liberté créée.

b) Par sa science purement naturelle et par sa science moyenne, il est cause éloignée de tout ce qui émane ou dépend à un degré quelconque d’une volonté libre créée ; il est cause prochaine de ces mêmes choses par la détermination de sa volonté.

c) I.a science libre de Dieu n’est pas cause des choses, puisqu’elle suit la détermination de sa volonté.

3. Comment Dieu connaît les futurs contingents. — Quoique la science île Dieu ne soit en aucune façon tirée des choses, ce n’est pas parce que Dieti connaît un futur que celui-ci existera, c’est au contraire parce que ce futur sera produit que Dieu sait qu’il le sera. En effet :

a) Il connaît les futurs dont il est cause totale et immédiate, dans la détermination de sa volonté créatrice. — b) Il connaît ceux qui seront produits par les causes secondes nécessaires, dans la détermination de sa volonté décidant de créer ces causes. — c) Il connaît enfin ceux qui émaneront des causes secondes libres, dans la détermination de sa volonté de les créer telles et dans telles circonstances.

4. Accord de la liberté et de la prescience.

Puisque les futurs contingents ne dépendent pas de la prescience, mais inversement ; puisque les causes’secondes produisent leurs effets naturellement ou librement comme si la prescience n’existait pas, il est clair que celle-ci ne porte nul préjudice à la liberté et à la contingence des choses. Cette conclusion générale s’applique a l’ordre surnaturel comme à l’ordre naturel. Il en résulte que l’homme doit travailler à son salut, comme l’agriculteur à sa moisson, le malade à sa guérison et le soldat à sa victoire, sans s’inquiéter de la prescience divine. (Q. xiv, a. 13, disp. LU, p. 315-333.)

IL La volonté divine. — La volonté divine se réalise-t-elle toujours ? Pour répondre à cette question il y a lieu de distinguer en Dieu, avec saint Jean Damascène, De [ide orthod., t. II, c. xxix, la volonté absolue et la volonté conditionnelle.

1° Tout ce que Dieu veut de volonté absolue se réalise toujours. La volonté divine peut être absolue de deux manières, selon qu’elle porte sur un objet indépendant de toute liberté créée ; ou sur un bien qui en dépend ; car Dieu veut d’une volonté absolue tous les biens que nous produirons librement. Dans le premier cas, sa volonté se réalise sans qu’aucune créature puisse lui résister ; c’est proprement la volonté efficace. Dans le second cas aussi elle se réalise toujours, parce qu’elle suit la prescience, qui est infaillible.

2° Ce que Dieu veut d’une volonté conditionnelle ne se réalise pas toujours, parce que la réalisation de cette volonté dépend du libre jeu de l’activité créée. Ainsi, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, mais ils ne le sont pas tous ; il veut que l’on observe ses préceptes et ses conseils, mais tous ne sont pas observés. Néanmoins, le pécheur qui s'écarte de la volonté de Dieu n’y échappe pas par ailleurs, car la volonté absolue par laquelle Dieu veut punir ceux qu’il prévoit devoir mourir en état de péché se réalise toujours.

3° On peut se demander si Dieu ne veut pas de volonté absolue tout ce qui arrive, car il est cause de tout être, et il l’est par sa volonté. Il faut cependant apporter ici des distinctions Dieu ne veut pas absolument l’existence des actes peccamineux posés par la volonté créée : mais il a la volonté absolue de les permettre, et de concourir par son Influx général a leur production. Il ne les veut pas absolument, cela est de foi ; il veut absolument les permettre cl concourir, sinon ils ne seraient pas produits. (Q. xix, a. 6, disp. 11. p. 392-395.)

III. La providence, 1° Ce qu’elle est. - La

providence divine est l’idée de l’ordonnance des choses par rapport à leurs lins, telle que Dieu la commit et se propose de la réaliser, par lui-même ou par l’intermédiaire des causes secondes. Bile est un acte

de l’intelligence pratique, complété par un acte de volonté. (Q. xxii, a. 1. disp. I, p. 103-404.)