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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE GALLICANE


vi' au viiie siècle s’y donne librement carrière. Le la tin de cette époque n’est plus le style classique des R cmains du siècle d’Auguste. Il est souvent prolixe et l’on y relève des antithèses, des ornements, même de s concetti qu’on voudrait voir bannis de ces compositions ecclésiastiques. La manière romaine, surtout au temps de Gélase et de Grégoire, a incontestablement plus de discrétion et de dignité, l’expression est aussi d’une orthodoxie plus surveillée. Mais, pour le point de vue qui seul nous intéresse ici, cette riche collection de conleslaliones qui nous est conservée dans les livres gallicans, est un trésor encore peu exploré par les théologiens où l’on pourrait étudier les doctrines de cette Église sur l’eucharistie, sur la grâce, sur l’incarnation et la rédemption, mieux peut-être qu’en aucun autre recueil. Nous ne pouvons que signaler ici cette source de l’histoire de la théologie de l'Église gallicane, car l’exposition détaillée demanderait une longue thèse. Nous citerons presque au hasard la suivante pour donner une idée de cette littérature :

Dignum et justum est : qui dives infinitæ clementiae copioso munerc plasmam tuse creaturæ in tantum digneris erigere, ut vernaculo Hmi patiaris homine de terrena compage claves ca ?li committeres, et ad judieandas tribus solium excelsa ? sedis in sublime componeres. Testis est dies hodierna, beati Pétri cathedra episcopatus exposita, in qua fidei merito revelationis mysterium, Filium Dei confitendo, prselatus apostolos ordinatur. In cujus confessione est fundamentum Ecclesiæ nec adversus hanc petram portas inferi prævalent, nec serpens vestigium expremit, nec triumphum mors obtinet. Quid vero beato Petro diverso sub tempore accessit laudis et gloriæ quæ vox, quæ lingua, quis explicet ? Hinc est quod mare tremulum fixo calcat vestigio, et inter undas liquidas pendilla planta perambulat. Hic ad portam speciosam contracti tendit vestigia, et tactus Pétri digito, claudus non indiget baculo. Hinc carceratus dum dormitat, Christus ciun ipso pervigilat, et retrusus ergastulo, foras procedit per angelum. Hinc paralyticum erexit decubantem in lectulo, ac debilitato verbo dédit vestigium. Hinc Tabitham mulierem revocavit de funere, et virtute imperanti prsedare non licuit. Hinc tanta fidei dotem inter apostolos petiit, ut curaret universos languores dum præterit, et cadavera viverentumbra salubris quæ tetigit, per Christum… P. L., t. Lxxii, col. 257.

Comme dans toutes les autres liturgies la conleslatio aboutit au Sanclus.

Mais les liturgies gallicanes et la liturgie mozarabe ont une autre oraison, la collectio post sanctus, qui est une transition entre le Sanctus et le récit de l’institution. Elle commence généralement par les mots Vere sanctus. Ainsi dans une des messes de Mone : Vere sanctus, vere benedictus dominus noster J. C. filins tuus qui pridie. P. L., t. cxxxviii, col. 866. Mais d’ordinaire elle donne lieu à de plus amples développements où la question dogmatique est souvent abordée, ainsi dans la suivante de la même collection, loc. cit., col. 873 :

Hic inquam Christus dominus noster et Deus noster, qui sponte mortalibus factus adsimilis per omne hune aevi dieni immaculatum tibi corpus ostendit, veterisque delecti idoneus expiator sinceram inviolatamque peccatis exhibuit animam, quam sordentem rursus sanguis elucrct, abrogataque in ullimum lege moriendi, in ca’lo corpus perditum atque ad patris dexteramrelevaret, per Dominum nostrum qui pridie.

Le passage est altéré dans le manuscrit, mais on devine le sens (voir la note de Denzinger, loc. cit.) ; le post sanctus répond aussi à une prière de même genre dans les liturgies orientales. La liturgie romaine n’a p ; is de prière qui réponde au Vere sanctus.

Le récit de l’institution, introduit par le Veresanctus dans les liturgies gallicanes, suit le texte de saint Mathieu et de saint Marc avec les mots qui pridie

quam pateretur. Ici au contraire l’accord est complet entre les liturgies gallicanes et la liturgie romaine, et le fait n’est pas de mince importance pour l’histoire et le groupement des liturgies latines, mais nous ne pouvons que renvoyer sur ce point aux remarques des liturgistes, notamment à celles de dom Cagin qui a fort bien tiré les conclusions de ce fait. Les liturgies orientales suivent donc une autre tradition et disent avec saint Paul in qua nocte trad.batur. L’Espagne, il est vrai, dit aussi in qua nocte, mais cette anomalie est attribuée d’ordinaire à une influence byzantine d'âge postérieur. C’est d’autant plus vraisemblable que les livres espagnols appellent l’oraison qui suit, Post pridie. Cf. sur ce point dom Cagin, Paléographie musicale, t. v, p. 55 sq. ; Duchesne, loc. cit., p. 230, n. 1 ; dom Wilmart, art. cité, col. 1085. On a discuté aussi pour savoir si ces liturgies ne portaient pas primitivement l’incise, pro noslra et omnium salule. Cf. Revue bénédictine, 1910, t. xxvii, p. 513 sq. Les mots mysterium fidei semblent aussi avoir été adoptés en Gaule, comme dans la formule romaine, et probablement sous son influence.

Les paroles de la consécration en Gaule sont accompagnées d’un signe de croix tracé sur l’oblation, geste auquel on reconnaît la vertu spéciale d’accomplir le mystère et qui est ratifié par le ciel. Le PseudoGermain, qui parle de la « transformation » opérée par la consécration du pain et du viii, fait allusion à l’ange de Dieu qui bénit l’hostie, Angélus Dei ad sécréta super altare tamquam super monumentum descendit, et ipsam hosliam benedicit instar illius angeli qui Christi resurreclionem evangelizavit. On a fort opportunément à ce propos rappelé le trait, cité par Grégoire de Tours, de saint Martin qui apparut dans la basilique à lui dédiée dans cette ville et bénit, dextera exlensa, le sacrifice offert sur l’autel, juxta moremeatholicum signo crucis superposiio. Vitæ Patrum, xvi, 2, P. L., t. lxxi, col. 1075. Cf. dom Wilmart, col. 1086.

La prière qui suit est de première importance pour la théologie de la messe. Elle porte le nom post sécréta et ailleurs post mysteria, post eucharistiam. Ce titre, assez souvent son contenu, le miracle de saint Martin que nous avons rapporté, le fait que Grégoire de Tours appelle les paroles de la consécration verba sacra (Glor. mart., 87, P. L., t. lxxi, col. 782), et d’autres textes que nous pourrions citer, prouvent assez que les paroles de l’institution était considérées comme opérant le mystère de l’eucharistie.

Mais il faut bien ajouter qu’assez souvent cette oraison est conçue en des termes qui feraient croire au contraire que la transsubstantiation est opérée par l'épiclèse, ainsi la suivante :

Deus Abraham, Deus Isaac, Deus Jacob, Deus et pater D. N. J. C., tu de cælis tuis propitius affavens (appareils ?) hoc sacrificium nostrum, indulgentissima pietate prosequere, discendat domine plenitudo magistatis, divinitatis, pietatis, virtutis benedictionibus (benedictionis) et gloriae tuse super hune panem, et super hune calicem et fiât nobis légitima eucharistia in transformatione corporis et sanguinis domini, ut quicumque et cotienscumque ex hoc panem et ex hoc calice Iibaberimus, sumamus nobis monimentum fidei, sincerem dilectionem, tranquilla spem resurrectionis adque immortalitatis œternæ in tuo liliique tui. Messes de Mone, P. L., t. cxxxviii, col. 871. Cf. une oraison dans le même sens, P. L., t. i.xxii, col. 257.

Nous n’insisterons pas sur ce point, car toutes ces difficultés ont été envisagées et expliquées au mot Épiclèse. Cf. aussi dom Cagin, Te Deum ou Illatio ? p. 220 sq., et Revue bénéd., 1911, t. xxviii, p. 386 sq.

Dans tous les cas la collection de ces oraisons post sécréta est l’une de celles qu’il faut étudier avec lo plus de soin dans les liturgies gallicanes, pour se