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MŒHLER — MOGHILA

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Symb, t, I, p. 369-379 ; cf. Vermeil, p. 333-33 1. Mais que penser de l’orthodoxie de Mœhler ? Luimême nous abandonne son premier essai, De l’unie de l’Église : « Ce livre m’a laissé un souvenir désagréable, disait-il plus tard ; c’est l’œuvre d’une jeunesse enthousiaste, qui en usait franchement avec Dieu, avec l’Église et avec le monde ; mais il renferme quantité de choses dont je ne voudrais plus me porter garant ; tout n’y est pas convenablement digéré, ni expose avec assez d’agrément. » Cité par Bélet, p. xvixvii. « L’étude très détaillée du progrès constant de la pensée de Mœhler et de son acheminement vers une orthodoxie toujours plus sûre » a été faite par Aloys Schmid, cf. supra. Pourtant M. Vermail est d’avis qu’ « au fond, les idées maîtresses sont demeurées les mêmes. » 1’. xiv. Il me paraît bien avoir raison : cf. supra, Rapports du naturel et du surnaturel ; Mœhler s’est fait du christianisme une conception inspirée des théories de Schleiermacher, qu’on ne voit pas qu’il ait abandonnée, qu’on ne conçoit même pas qu’il ait pu abandonner, tant elle s’accordait avec son tempérament mystique ; et par là on peut avouer que Mœhler a été un précurseur inconscient du modernisme catholique.

On trouvera dans le livre de M. Vermeil, la bibliographie du sujet, p. 477-497. Outre les ouvrages ou articles signalés au cours de cette étude, mentionnons : G. Goyau, L’Allemagne religieuse. Le catholicisme (1800-1848), t. ii, p. 19-42, 6e édition, 1923 ; L. Monastier, J. A. Mœhler, Étude sur sa vie et son temps (thèse), Lausanne, 1897 ; Saint-René Taillandier, Revue des Deux Mondes, 1 er octobre 1843 ; J. A. Mœhler, Ein Lebensbild, von Prof. BMthasar Wôrner, Mit Rrie/en und kleinern Schriflen Mœhler’s, hg. v. Pius Bonifacius Gains, O. S. B., Ratisbonne, 1866 ; J. Friedrich, J. A. Mœhler, der Sijmboliker. Ein Beitrag zu seinem Leben und seiner Lehre aus seinen eigenen und anderen ungedruckten Papieren, Munich, 1894 ; Al. Knôpfler, J. A. Mœhler. Ein Gedenkblatt zu dessen hunderlslem Geburlslag, Munich, 1896. Dôllinger a publié un certain nombre des articles de Mœhler de la Tubinger Quartalschri/t et du Katholik, dans J. A. Mœhlers’gesammelle Schriflen und Aufsàlze, 2 vol., Ratisbonne, 1839-1840.

A. Fonck.

    1. MOGHILA Pierre##


MOGHILA Pierre, théologien gréco-russe de la première moitié du xvii » siècle, métropolite de Kiev de 1633 à 1646. — I. Vie. IL Écrits et doctrine. III. La confession de foi dite de Pierre Moghila.

I. Vie.

- Même après les nombreuses recherches des savants russes et roumains, la vie de Pierre Moghila, surtout dans sa première partie, reste enveloppée de bien des obscurités. Il est à peu près établi qu’il naquit en Moldavie, le 21 décembre (vieux style) 1596. Son père, Siméon Moghila (ou Mooilà, comme disent les Roumains), descendant d’une noble famille roumaine qui fait sa première apparition dans l’histoire en 1498 et à laquelle oa a donné dans la suite des ancêtres légendaires, fut d’abord hospodar de Valachie (1601-1607), puis de Moldavie (1607-1609). Après sa mort, survenue vraisemblablement en 1611, les Moghila, battus par Kantémir Murza, durent s’enfuir en Pologne, oii ils avaient des parents riches et puissants (1612). Le jeune Pierre continua dans l’école de la confrérie de Léopol les études commencé ss en Moldavie, ("est là, vraisemblablement, qu’il apprit la langue latine et se perfectionna dans le grec, là aussi que lui fut infusé l’esprit d’hostilité à l’égard de l’union de Brest, qui s’était produite quelques

ées auparavant (1590). A ce moment-là, en effet,

la lutte était vive entre les Ruthènes unis et ceux qui étaient restés attachés au schisme oriental. Certains historiens, se fond uit sur une tradition orale conservée à Kiev, affirment que Pierre alla parfaire sou instruction à l’étranger ; mais ils sont fort embarrassés, en l’absence de tout document, pour dire où il alla. Cer tains le font voyager en Hollande ; d’autres nous le montrent étudiant à l’université de Paris, d’autres l’envoient plus loin encore. Ce voyage à l’étranger reste fort problématique.

Sous l’influence de l’hetnian Khodkiewicz, qui était devenu son protecteur en 1620, Pierre paraît s’être destiné d’abord à la carrière militaire. Il rêvait de reconquérir la principauté moldave, arrachée à sa famille. Pour lui être agréable, l’hetnian tenta dans ce but un coup de main, qui ne réussit pas (1622). Pierre songea, dès lors, à l’état ecclésiastique. Le métropolite de Kiev, Job Boretskii, l’initia aux sciences sacrées, et ce fut lui sans doute qui le décida à se faire moine dans la célèbre laure des Pechtchery ou des Grottes de Kiev, véritable centre de résistance des dissidents contre le mouvement unioniste (août 1627). Trois mois s’étaient à peine écoulés depuis sa prise d’habit, qu’il succédait à Zacharie Kopytenskii dans la fonction d’archimandrite de la laure. Un décret du roi de Pologne, Sigismond III, le confirmait, dans cette charge importante, le 29 novembre 1627. Cette élévation rapide lui fit bien des ennemis. Sans retard, le nouvel archimandrite travailla à réaliser le programme qui fut celui de toute sa vie : réorganiser l’Église « orthodoxe » de Pologne, qui se trouvait dans un état lamentable ; relever le niveau intellectuel et moral de son clergé ; lutter par la plume contre le mouvement unioniste commencé à Brest ; opérer au besoin dans les rites et la discipline de l’Église orientale des réformes jugées nécessaires pour fermer la bouche à ses adversaires. A poursuivre ce programme Moghila employa toutes les ressources de son esprit et sa volonté tenace, qui brisait toute résistance et lui donnait parfois l’allure d’un despote. La situation canonique de la Pechtcherskaïa Lavra c’était un monastère stavropégiaque, soustrait à la juridiction du métropolite de Kiev et placé sous la dépendance immédiate, mais plus nominale que réelle, du patriarche de Constantinople — favorisait ses desseins.

Il commença par développer l’imprimerie déjà installée dans la laure, et lit faire plusieurs publications d’ordre liturgique et ascétique, dont nous dirons un mot plus loin. Il songea ensuite à fonder une école supérieure d’études littéraires et théologiques, exécutant en cela l’une des volontés du métropolite, Job Boretskii, son ami, qui venait de mourir en lui léguant sa bibliothèque, et en le nommant son exé cuteur testamentaire (1631). L’école fut, en elïet, ouverte, d’abord dans la Pechtcherskaïa (1631), puis dans le monastère de Bratska, conformément au testament du défunt. Elle fut le berceau de la célèbre académie de Kiev, qui ne reçut officiellement ce titre que plus tard, après l’annexion de Kiev à la Bussie (1701), et fournit à l’Église russe pendant plus d’un siècle ses prélats les plus instruits et ses meilleurs théologiens.

Pierre était dès lors l’homme le plus en vue de la Ruthénie soumise à la Pologne. Ses relations personnelles avec le tsar de Bussie, Michel Bomanov, et Philaréle Nikitich, patriarche de Moscou, augmentaient son prestige. A la mort de Job Boretskii, il eûl sans doute été nommé au siège métropolitain de Kiev, si les cosaques n’eussent Intrigué pour faire donner la place à L’archevêque de Smolensk et Tchernlgov, Isaïe Kopinskii, avec lequel Pierre se trouvait en délicatesse depuis le synode de Kiev de 1628. Mais ce n’élail que partie remise. Le roi de Pologne Sigismond III étant mort le 30 avril 1632, le clergé de Kiev choisit Pierre Moghila comme son délégué à la diète qui devait élire son successeur. Ce successeur fut l.adis las IV. Autant Sigismond III avait favorisé les uniates, autant le nouveau roi fut libéral envers les