Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/38

Cette page n’a pas encore été corrigée
1369
1370
MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE GALLICANE


phore de Sérapion. Le sens n’est pas que l’eucharistie n’est qu’un symbole ou une figure. Le contexte du De sacramentis prouve au contraire combien l’auteur est persuadé de la réalité de la présence du corps et du sang du Christ après les paroles de la consécration. Le figura corporis répond en réalité à sacramentum corporis. Il en est de ce terme comme de celui de ôfxotwpLa qui en est le synonyme, et d'àvTÔTUira dont les Grecs se sont servis longtemps et qui eût pu être employé dans un sens orthodoxe. Mais le danger d’une équivoque les a fait abandonner de bonne heure. Cf. Batiffol, L’eucharistie, p. 362 sq. Ici, comme toujours, l'Église romaine nous donne une preuve de son orthodoxie scrupuleuse et vigilante.

Le canon romain supprime l’incise quod pro multis confringetur, qui existe sous cette forme ou sous des formes analogues dans de nombreuses liturgies ; il se contente du pro nobis et pro multis efjundetur ; la répétition du pridie quam paleretur a été supprimée aussi dans la consécration du calice. Au contraire la formule même de consécration du calice est plus sommaire dans le De sacramentis et, si l’on peut dire, plus ramassée, la formule romaine plus ample et plus explicite.

Dans l’anamnèse romaine, l’addition nos servi lui sed et plebs tua sancta, et de l’incise præclaræ majestali tuse de tuis donis ac datis, et les répétitions hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam, le panem sanctum vitæ œternæ et calicem salutis perpetuæ, sont d’importance, et accusent une rédaction plus appliquée ; ils conservent aussi des éléments traditionnels, comme le de luis donis ac datis. Ce n’est pas une simple paraphrase, ce sont des précisions d’une certaine portée. La prière au Père d’accepter ce sacrifice est aussi plus solennelle et plus précise. La substitution du per manus angeli tui au per manus angelorum luorum est heureuse, car c’est le plus souvent sous la forme du singulier qu’il est fait allusion, dans la liturgie et même dans l’Ancien Testament, à l’ange du Seigneur. On sait du reste à combien d’interprétations ont donné lieu ces termes sous lesquels on a même vu le Saint-Esprit ou le Verbe de Dieu. La finale de l’oraison romaine ut quotquot dont il n’est pas fait mention dans le De sacramentis, a aussi une haute signification.

Le texte romain est donc plus étudié, plus complet, plus riche de sens que celui du De sacramentis. Nous y reviendrons dans l'étude de la messe romaine.

Sur le De sacramentis, cf. L. Duchesne, Origines du culte chrétien, 5e édit., p. 187-189. On pourra voir que parmi les critiques l’accord n’est pas encore fait : Ambroisien (rit) t.l, col. 955 ; Probst, Liturgie des IV. Jahrhundertes, p. 233 ; dom G. Morin, Revue bénédictine, 1894, p. 76, et plus récemment P. Batiffol, L’eucharistie, 5e édit., p. 346, 353, 355.


VIII. La messe gallicane. —

La description de la messe gallicane a été donnée jusqu’aujourd’hui par presque tous les auteurs, en prenant pour base les Lettres dites de saint Germain qui étaient considérées comme authentiques et donc de la seconde moitié du vi 8 siècle. Saint Germain fut en effet évêque de Paris de 555 à 576.

Elles furent découvertes par Martène et Durand à Autun et données dans leur Thésaurus novus anecdotorum, au t. v, et rééditées dans P. L., t. lxxii, col. 83-98. Elles ont eu jusqu’ici, comme nous l’avons dit, une étrange fortune et Lebrun, Rivet, Duchesne, Probst, Lejay, Netzer, Thalhofer-Eisenhofer, Batiffol s’en sont servis dans leurs ouvrages pour décrire la messe gallicane. A l’instigation d’Edmond Bishop, dom Wilmart a repris l’examen du procès, et il arrive à ces conclusions qui nous paraissent solidement établies, à savoir que ces lettres ne sont pas de saint Germain, qu’elles ne sont pas en réalité des lettres, et n’appartiennent pas davantage au vi° siècle ; c’est plutôt un petit traité anonyme de la fin du vu » siècle ; la liturgie qui y est décrite est celle d’une église de la Bourgogne, peut-être Autun. L’auteur s’inspire de la liturgie wisigothique et notamment de saint Isidore, et aussi de la liturgie byzantine à laquelle il fait des emprunts. Dom Wilmart les définit en dernière analyse « comme une glose édifiante autour des décisions d’un synode franc, par ailleurs inconnu, qui dut se réunir au déclin du viie siècle, ou même un peu plus tard pour statuer sur des rites censés traditionnels. » Les renseignements fournis par ce texte gardent une certaine valeur, mais le point de vue général est complètement changé, et les diverses conclusions que l’on avait tirées de ce document sur les origines de la liturgie gallicane, ses affinités avec la liturgie byzantine et autres questions de même genre doivent être abandonnées ou modifiées. C’est de Grégoire de Tours, des auteurs et des conciles du vie siècle, que l’on devra désormais s’inspirer, comme l’avait tenté déjà Mabillon qui ne connaissait pas encore l’existence des prétendues lettres de saint Germain, pour décrire la messe gallicane. C’est aussi ce que nous ferons dans l’exposé suivant, en nous inspirant le plus souvent des savantes remarques de dom Wilmart.

L'étude de dom Wilmart a paru dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. vi, Ie part., Germain de Paris (Lettres attribuées à saint), col. 1049 à 1102. Divers travaux sur ces lettres avaient été publiés avant cet article, notamment par Martène, le premier éditeur, par Ed. Bishop, Observations on the liturgy of Narsai, p. 89 ; dans R. H. Connolly, The liturgical homilies o/ Narsai, Cambridge, 1909, et Liturgica historica, Oxford, 1918, p. 131, n. 1 ; par Mgr Batiffol, Éludes de liturgie et d’archéologie chrétienne, Paris, 1919, etc. Cf. Wilmart, loc. cit., col. 1049-1102.

La messe des catéchumènes.


L’avant-messe gallicane ou messe des catéchumènes a déjà pris de grands développements : chants d’antiennes, de psaumes, de cantiques, lectures et litanies.

Elle débute par une antienne et un psaume, pendant que le prêtre vient de la sacristie à l’autel. Ce chant exécuté par les clercs existe aussi dans la messe mozarabe, et répond à l’introït romain et à ï'ingressa du rit milanais. Grégoire de Tours, quoi qu’on en ait dit, ne fait pas allusion à cette antienne d’introduction.

Le diacre enjoint le silence, probablement par ces mots : Silentium facile. L'évêque salue l’assistance par la formule : Dominus sit semper vobiscum. A Rome et à Milan le salut est Dominus vobiscum. Mais au mozarabe on trouve aussi le Dominus sit semper vobiscum.

Les lettres du Pseudo-Germain annoncent ici le chant solennel de l’aios en latin et en grec. Quel était ce chant ? Ce n’est pas le sanctus, comme on l’a cru à tort, et qui est parfois appelé, à tort aussi, le trisagion. Ce dernier titre doit être réservé à un chant d’origine byzantine dont l’histoire est connue. Il y fut introduit sous Théodose II (408-450), mais peut-être est-il plus ancien. Il est conçu en ces termes : "Aytoç ô 8s6ç, "Ayioç ïa^upoç, "Ayioç àOdcva-roç èXéïjoov r)[xSç. Pierre le Foulon († 477) y ajouta les mots ô aTauptoŒlç oY r)fi.ôcç, et l’on se battit sur cette formule qui avait pour son auteur un sens monophysite et qui fut adoptée par les Syriens jacobites ; nous avons dans la liturgie romaine le Trisagion sous sa double forme primitive grecque et latine au vendredi saint et, bien entendu, sans l’addition du Foulon. Il se présente sous une autre forme encore dans la liturgie mozarabe, mais nous n’avons pas à l'étudier pour le moment (cf. dom Férotin, Liber ordinum, col. 737, 760 et 809).