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MODERNISME, CONDAMNATION PAR L’EGLISE


de la conscience chrétienne : principe longuement

appliqué à la christologie, à la rédemption, aux sacrements en général et à chacun d’eux en particulier, à l’institution de l’Église et aux pouvoirs de la

papauté ; relativisme qui nie la valeur absolue de la révélation chrétienne pour la soumettre à une loi de perpétuelle évolution.

Sur ces divers points, le décret utilise, quand il y a lieu, les enseignements ecclésiastiques du passé. C’est le cas pour ce qui regarde l’autorité du magistère, les concepts d’inspiration, de révélation et de foi, de dogme et de progrès dogmatique. Tout ce qui concerne les origines scripturaires et le développement historique du dogme chrétien est absolument neuf. L’originalité du décret tient essentiellement à cette seconde catégorie de propositions qui en forment la partie centrale, subsidiairement aux précisions qu’il apporte, pour les autres, aux documents antérieurs.

3. Valeur. Au point de vue canonique, le décret Lamentubili se présente comme un acte du Saint-Ofïïce, approuvé par le pape in forma commuai. C’est dire que, par lui-même, il rentre dans ces formes inférieures du magistère que ne couvre pas le privilège de l’infaillibilité.

Pour en apprécier la signification doctrinale, il faut tenir compte qu’il condamne une série d’ « erreurs », mais sans préciser en aucune manière le degré de chacune. Il s’ensuit que, si ces diverses propositions doivent certainement être considérées comme en opposition plus ou moins grande avec la doctrine de l’Église, seul un travail de critique interne peut établir, avec l’approximation qui convient en ces matières, la censure qu’elles semblent mériter. De cette condamnation la logique des contradictoires permet de dégager la vérité positive que l’Eglise entend inculquer par là. Un travail d’exégèse théologique s’impose à cet égard, que la complexité des formules ne laisse pas de rendre assez délicat.

Tout montre que la plupart de ces propositions se réfèrent aux ouvrages d’A. Loisy ; un petit nombre seulement visent les erreurs spéciales de G. Tyrrell et d’Éd. Le Roy. A ce propos, on a vivement reproché au Saint-Ofïice de falsifier les propositions des auteurs qu’il condamne. C’est se méprendre sur le sens du décret. Étant donné qu’il ne nomme personne, les propositions qu’il censure doivent être prises in abstracto et interprétées suivant leur propre teneur ; la recherche des sources n’y peut intervenir qu’à titre de curiosité historique ou, tout au phu, d’apologétique pour établir que les alarmes de l’Église n’étaient pas sans fondement. Or il n’est pas douteux que, prises prout sonant, les erreurs frappées par le Saint -Office ne soient gravement contraires au christianisme traditionnel. Il n’en faut pas davantage pour just i fier leur condamnation.

Malgré ce1 le indétermination, qui fut sans nul doute volontaire, il n’en est pas moins certain que le décret Lamentabili visait et atteignait des réalités très contemporaines. Le mot de modernisme n’y était pas encore prononcé ; mais une somme d’erreurs y était dénoncée, dont les écrits du temps ne montrent que trop l’existence et la diffusion. Par là, ce premier acte du magistère catholique contribuait au redressement des consciences plus ou moins égarées, en même temps qu’il fixait pour l’avenir les positions de l’Église, par rapport aux problèmes critiques toujours ouverts.

2° Encyclique’Pascendi* (8 septembre 1907). -Ce que le décret du Saint-Office avait commencé allait être achevé par l’encyt liquc pontificale qui le suivit deux mois après.

l. Histoire Du moment que le décret Lamenta btîl recevait le nom de Si/Ualius, la symétrie ne devait elle pas faire attendre un pendant de l’encyclique

Quanta cura ? (/est ainsi que, dans certains milieux, le bruit s’était répandu d’un document solennel où le pape condamnerait à son tour les nouvelles i erreurs modernes »..Mais, dans l’ensemble, sa publication fit plutôt l’effet d’une surprise.

On a parlé d’une commission extraordinaire de théologiens qui en auraient assumé la rédaction. Parmi les noms le plus souvent cités figurent ceux de L. Billot, l T. Benigni, Pie de Langogne. D’aucuns ont cru savoir que ce travail aurait duré un an. Voir A. Michelilsch. op. cit., p. 200-201. Mais ces renseignements ne reposent sur aucune garantie.

Il est certain que le texte en devait être prêt dès le printemps de 1907. Car, dans son allocution consistoriale du 17 avril, Pie X parlait « de cet assaut qui ne constitue pas une hérésie, mais le résumé et le suc vénéneux de toutes les hérésies ». Allusion à une des formules les plus saillantes de l’encyclique future. En juillet, quelques journalistes en annoncèrent la publication simultanément avec celle du Syllabus. Voir Demain, n° du 12 juillet, p. 589. Mais le décret Lamentabili parut seul et l’encyclique fut réservée pour le 8 septembre suivant. Dans l’analyse et la condamnation du modernisme, elle allait être le document décisif.

2. Objet.

Après un exorde où le pape rappelle ses responsabilités de pasteur suprême et le danger que les « modernistes », dont le nom est ici prononcé officiellement pour la première fois, font courir aux doctrines les plus fondamentales de l’Église, l’encyclique se divise extérieurement en trois parties inégales, qui contiennent un exposé du modernisme, puis l’étude de ses causes et l’indication des remèdes à y apporter. C’est la première qui est de beaucoup la plus étendue et la plus importante. D’autant que l’exposition du modernisme s’accompagne d’une réprobation qu’il convient d’en dégager expressément.

a) Exposé du modernisme. — Partant de ce principe que le « modernisme » constitue un système, bien que ses adeptes évitent de i’exposer dans son ensemble, le pape se propose tout d’abord de présenter leurs doctrines « sous une seule vue » et de marquer » le lien logique qui les unit ». Et comme « chacun des modernistes assemble et mélange pour ainsi dire en lui-même plusieurs personnages : c’est à savoir le philosophe, le croyant, le théologien, l’historien, le critique, l’apologiste, le réformateur », cette exposition se distribue en autant de paragraphes successifs.

Deux traits essentiels constituent la philosophie moderniste : savoir l’agnosticisme, qui annule toutes les prétendues démonstrations à base rationnelle, et l’immanence vitale, qui fait jaillir la vérité religieuse des besoins de la vie. C’est après coup seulement que « l’homme doit penser sa foi » : ce qu’il fait au moyen de formules de plus en plus distinctes, mais qui n’ont, par rapport à leur objet, que la valeur de symboles. La notion de Dieu est donc fournie par i une certaine intuition du cœur » : les diverses religions sont vraies dans la mesure où elles favorisent ces sortes d’expé riences.

Celle philosophie commande une théologie en conséquence. La toi est la perception de Dieu présent au plus intime de l’homme en vertu de la loi d’immanence. Elle donne naissance au dogme, qui se forme par voie de développement vital grâce au travail de l’intelligence sur cette donnée primitive. C’est ainsi que le besoin de « donner à la religion un corps sensible » et aussi de la répandre, a créé les sacrements ; que les Livres saints sont le recueil des expériences faites par les croyants d’Israël et par les premiers apôtres du christianisme ; que l’Église est un i fruit de la conscience collective », où l’autorité n’a d’autre