Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/367

Cette page n’a pas encore été corrigée
2027
2028
MODERNISME, APPARITION


Bulletin de littérature ecclésiastique, janvier 1 003, p. 315 ; peu après, le I’. I.agrange, dans la Revue biblique, avril 1903, p. 292-313. Par ses allures de manifeste, Autour d’un petit livre provoquait une imposante contre-manifestation, dont P. Batiffol prit la tête, avec le concours du P. Lagrange et d’E. Portalié. Voir Autour des fondements de la foi, dans Bulletin de lilt. eccl., janvier et février 1904.

Entre temps, la hiérarchie était intervenue. Le 17 janvier 1903, L’Évangile et l’Église fut condamné par le cardinal Richard, que suivirent sept à huit autres évoques. Mais le Saint-Siège ne se prononça qu’à la fin de la même année : le 16 décembre, un décret du Saint-Office faisait inscrire au catalogue de V Index les cinq derniers ouvrages d’A. Loisy, dans lesquels une lettre du cardinal Merry de] Val dénonçait, sans autres précisions, des « erreurs très graves », qui concernaient « principalement la révélation primitive, l’authenticité des faits et des enseignements évangéliques, la divinité et la science du Christ, la résurrection, l’institution divine de l’Église, les sacrements ». Mais ces condamnations ne firent que ranimer la polémique au dehors et, chez les catholiques eux-mêmes, ne parvinrent pas à calmer les esprits.

Aussitôt que furent connues chez nous les œuvres novatrices de G. Tyrrell, elles ne tardèrent pas à y susciter les mêmes divisions. Ses premières publications catholiques avaient acquis à l’auteur le renom d’un apologiste distingué. C’est encore un théologien de Toulouse qui prit l’initiative de jeter le cri d’alarme. Voir Eug. Franon, Un nouveau manifeste catholique d’agnosticisme (à propos de la brochure d’ « Ern. Engels » ), dans Bulletin de litt. eccl., juin 1903, p. 157160 ; puis La philosophie religieuse de G. Tyrrell, ibid., février 1906, p. 33-49. Les Études attendirent pour se dégager que l’auteur eût quitté la Compagnie. Voir la note de « la Rédaction », dans le n° du 5 mars 1906, t. evi, p. 693-695. Ces critiques n’empêchaient d’ailleurs pas la Revue du clergé français de garder à G. Tyrrell de persistantes sympathies, ni les Annales de philosophie chrétienne de l’inscrire au nombre de leurs collaborateurs.

En regard de ces luttes qui engageaient de si graves intérêts doctrinaux, les controverses provoquées par l’école du dogmatisme moral étaient de minime importance, bien que les coups portés et rendus au jour le jour aient aussi contribué à entretenir quelque agitation. Mais l’article d’Éd. Le Roy fut l’occasion d’une véritable tempête. Une « tribune libre » ouverte à ce sujet par la Quinzaine permit d’enregistrer quelques sulfrages favorables ; mais les théologiens déliés par l’auteur réagirent d’une façon sévère. De tous les côtés surgirent les réfutations de ce pragmatisme désastreux pour l’objectivité du dogme. Voir surtout E. Franon, Un scolastiquc anliintellectualiste (à propos d’une intervention d’A.-l). Sertillanges) dans Bulletin de litt. eccl., juin 1905, p. 165 173 : L. de Grandmaison, Qu’est-ce qu’un dogme ? ibid., juillet-octobre 1905, p. 187-221 ;.1. Wehrlé, De la nature du dogme, dans Revue biblique, juillet 1905, p. 323 319 : E. Portalié, L’explication morale des dogmes, dans Éludes, 20 juillet et 5 août 1905, p. 115 173, 318-342 ; 1-’. Dubois, Autour du dogme, dans Revue du clergé français, 1° sept. 19(15, p. 47-59. Vainement Éd. I.e Roy essayat-il de l’aire tête, voir ses explications dans Dogme et critique, Paris, 1907 : sa tentative ne pouvait aboutir qu’à un échec.

Comme causes et signes supplémentaires du malaise intellectuel, il faut encore citer les faits suivants, les hommages intempestifs rendus, à l’occasion, par quelques démocrates chrétiens aux plus téméraires des philosophes et des Critiques dont les spécialistes discutaient déjà l’autorité ; l’enquête du D r Ri faux sur Les conditions du retour au catholicisme, l’aris, 1907 ; la publication depuis octobre 1905 de la feuille lyonnaise Demain, qui s’attachait à défendre la cause des écoles et des doctrines les plus avancées : la hardiesse croissante de la Revue d’histoire et de littérature religieuses, où les articles d’i Antoine Rupin » sur l’histoire du dogme trinitaire en 1900 et, en 1907, ceux de « Guillaume Herzog » sur la mariologic firent scandale : les ouvrages tendancieux d’A. Houtin sur La question biblique au XX’siècle, Paris, 19(16, puis sur La crise du clergé, l’aris. 1907 : les débuts de la bibliothèque dite de « critique religieuse » qui allait faire un moment la spécialité de la maison Emile Nourry. Entre temps, les chroniques de P. Sabatier tenaient la presse protestante ou laïque au courant de ce prétendu « renouveau ».

Qu’en tout cela, pour un petit nombre de dévoyés, il n’y eût une majorité d’aveugles ou d’imprudents, le fait n’est pas douteux. Il n’en est pas moins vrai que, sous l’action de quelques maîtres aux tendances déjà tout au moins suspectes, un vent de crise souillait sur l’élite cultivée du clergé français, dont beaucoup, surtout parmi les jeunes, n’arrivaient pas toujours à se garder.

2..1 l’étranger. — - Soumis à toutes les influences intellectuelles qui avaient chez nous leur centre, les autres pays apportaient, en outre, à la crise leur propre contingent.

Grâce à Fr. von Hùgel et à son groupe, la presse religieuse d’Angleterre fit aux manifestes d’A. Loisy l’accueil le plus favorable. C’est là, bien entendu, que devait s’exercer d’une manière plus immédiate et plus efficace l’action de G. Tyrrell. Le monde anglican lui-même se montrait attentif, et le Rév. Lilley ne cessait d’intéresser les lecteurs du Guardian ou des autres revues ecclésiastiques aux différentes phases de la controverse.

En Italie, tous les courants issus de France et d’Angleterre débordaient en flots pressés. Voir L.-IL Jordan, Modernism in Uahj, Londres, 1909. Si les Studi religiosi s’étaient tenus sur une certaine réserve à l’égard d’A. Loisy, ils vulgarisaient avec empressement les doctrines de l’immanence et du dogmatisme moral. Ern. Buonaiuti prenait une importance croissante et devenait le directeur, à l’âge de vingt-quatre ans, d’une nouvelle revue progressiste intitulée Rivista storico-critica délie scienze teologiche, où il abordait avec une égale éloquence la philosophie religieuse, l’histoire des dogmes et des religions. R. Murri se faisait lui-même le traducteur d’< Ernest Engels », sous le pseudonyme de l) r Sostene Gelli, Psicologia délia religione, Rome, 1905, tandis que 1’. Giacosa offrait à ses compatriotes, en une traduction clandestine, la primeur de la Lettre éi un professeur d’anthropologie.

A toutes ces influences étrangères se mêlait un mouvement indigène de réforme ecclésiastique, propagé avec plus ou moins de passion par divers organes de la démocratie chrétienne, par les Bailaglie d’oggi de l’avocat napolitain (i. Avolio, par la Cullura moderna du prêtre I >. Battaini, qui menait une campagne active contre le célibat du clergé, ou par des brochures de propagande telles que la supplique anonyme . l’io X. Quello che vogliamo, Milan, 1907. Toutes aspirations auxquelles le fameux roman // Santo, Milan, 1905, d’A. Fogazzaro obtint l’éclat de la grande célébrité. Pour les entretenir, un groupe de jeunes laïques fondait à Milan, au début de 1907. un périodique spécial, le Rinnovamento qui allait se vouer avec une bouillante ardeur à la double cause du libéralisme politique et religieux.

En Allemagne, les petites phalanges de la « Renaissance et du « Vingtième siècle » agitaient également